Intervention de Bruno Kloeckner

Réunion du mardi 14 novembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Bruno Kloeckner, président général de XPO Logistics :

Si vous le permettez, je vais retracer rapidement l'histoire de XPO Logistics. Nous avons été pionniers dans beaucoup de domaines, notamment ceux des véhicules au gaz et du multimodal fluvial. Ce n'est pas quelque chose qui démarre aujourd'hui, c'est historique. Ayant rejoint le transport il y a trois ans, je suis arrivé dans cet environnement avec un regard plutôt neuf. En charge des ventes, j'ai été tout de suite confronté aux demandes des clients. Il y a une vraie attente ; nous avons même des clients qui imposent une condition de décarbonation dans leurs appels d'offres.

Nous avons opéré une décarbonation de la flotte. Quand j'ai pris les commandes de XPO, j'ai tout de suite voulu faire baisser nos émissions. Nous adhérons à la charte Objectif CO2 depuis plus de dix ans et avons même remporté le trophée 2022 de la longévité dans ce dispositif. À l'occasion de la nouvelle triennale, j'ai souhaité doubler l'objectif de réduction de nos émissions, en le faisant passer de 2,5 % à 5,33 %. Pour nous, c'est très important.

Notre feuille de route contient des objectifs de décarbonation très serrés. Il faut d'abord décarboner le « scope 1 », puis le « scope 2 » et le « scope 3 ». On s'est beaucoup attaqué au « scope 1 ». Une forte proportion de nos véhicules est au gaz, avec tout ce que cela suppose de volatilité du coût de l'énergie. Nous avons passé une commande ferme de cent véhicules électriques, dont trente ont été déployés aujourd'hui. L'infrastructure est en cours de déploiement dans nos dépôts.

Nous avons commencé par électrifier la catégorie des porteurs, les poids lourds. Sur les tracteurs, les véhicules qui tractent les semi-remorques, nous faisons des tests ; ce sera notre prochaine étape de décarbonation. Nous avons des flux de courte distance et des flux de longue distance. Le tracteur est particulièrement adapté aux flux de courte distance. Les porteurs électriques sont implantés. Je n'irais pas jusqu'à dire que cette question appartient au passé, mais cela fait maintenant plus d'un an que nous opérons et deux ans que nous faisons des tests.

Nous souhaitons avoir un mix énergétique dans notre flotte. Chaque flux aura son énergie, c'est primordial. Le gaz restera dans la flotte. Il faudra encore opérer avec du diesel. L'hydrogène arrive dans les appels à projets ; plusieurs biocarburants également, dont le B100, l'huile végétale hydrotraitée (HVO), ainsi que la solution innovante LESS. Tout cela permet à nos clients de décarboner et s'applique à tous les budgets.

Un véhicule électrique, c'est 3,5 fois le prix d'un porteur classique, hors subventions et remises. Les porteurs et tracteurs électriques sont très chers et représentent un coût qu'il faut supporter. Nous avons pour cela des appels à projets. Mais la première vague de véhicules électriques a été commandée uniquement avec le bonus écologique, sans subventions. La plupart des transporteurs ne sont pas de grands transporteurs comme nous. Nous avons beaucoup fait pour la décarbonation du « scope 1 ». Concernant le « scope 2 », nous travaillons sur nos installations et avons beaucoup de projets et de réalisations. Le « scope 3 » est fondamental. Avec Florence Berthelot, tout comme chez OTRE, nous sommes très préoccupés par nos petits transporteurs. Pour un transporteur comme nous, le « scope 3 » représente 60 % des émissions : celles de la sous-traitance à laquelle nous avons recours, dans la mesure où nous ne pouvons pas satisfaire toutes les demandes avec nos propres flottes. Ces transporteurs sont fondamentaux dans l'écosystème du transport. Le sujet du « scope 3 », c'est le mur du financement. L'endettement des petits transporteurs est un vrai problème. Ils devront être vraiment accompagnés si l'on veut réussir la décarbonation.

Dans notre feuille de route, nous avons également le multimodal. Nous n'avons pas que des agences de transport avec des camions, nous avons aussi des entrepôts où nous faisons du stockage et où nous connectons le transport avec l'entreposage et la logistique de nos clients. Certains entrepôts sont embranchés depuis longtemps, parce que le multimodal était beaucoup pratiqué dans le passé – nous devons le réactiver, mais c'est très compliqué.

Je peux partager avec vous l'exemple d'un projet que je mène depuis trois ans et qu'il est très difficile de faire aboutir. Pour un projet multimodal sur une longue distance ferroviaire, il faut systématiquement un contrôle flux, ce qui suppose deux clients. Nous avons pu les trouver, les réunir autour de la table et les satisfaire. Mais il nous a fallu travailler aussi avec la commune, le département, la région et le ministère de l'intérieur, parce qu'un problème de sécurité routière se posait.

Ce projet peut faire sortir 1 500 camions de la route, et nous ne le considérons pas pour autant comme de la concurrence. Nous estimons, d'une part, que nous allons reporter ces camions vers d'autres activités et, d'autre part, que l'on va décarboner notre activité en passant sur le ferroviaire. Mais si ces 1 500 camions sont sortis de l'axe principal, il n'en demeure pas moins qu'il faut passer par du pré- et du post-acheminement pour charger les wagons, ce qui pose un nouveau problème, celui des transports locaux près des entrepôts de chargement ou de déchargement. Cela modifie un peu la configuration du plan de circulation local et nécessite de faire intervenir d'autres acteurs que nous devons réunir autour de la table.

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