Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 15h00
Adaptation du droit de la responsabilité civile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

À la campagne comme à la ville, les troubles du voisinage ont toujours existé. Nos territoires vivent, ce ne sont pas des lieux de silence ; mais jusqu'où la gêne, dans les rapports entre voisins, est-elle acceptable ? C'est un problème ancien.

La médiatisation de certaines affaires est, en revanche, plus récente. Qui n'a pas entendu parler, notamment dans la presse régionale, du chant des coqs ou des cigales, du tintement des cloches, des cancanements de canards et d'oies, entre autres ? Tout cela est sans doute très pittoresque, mais entraîne des problèmes récurrents, qui perturbent la vie de certains territoires et qui sollicitent considérablement nos élus – j'en dirai un mot tout à l'heure.

La Cour de cassation a posé le principe de règlement de ces différends. Dans sa décision du 13 novembre 1986, les juges ont consacré une responsabilité sans faute, aux termes de laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ». Le caractère excessif de ce trouble relève de l'appréciation souveraine, in concreto, des juges du fond.

La proposition de loi défendue par notre collègue Le Peih consiste à codifier cette jurisprudence. C'est une démarche utile dans un contexte de judiciarisation croissante des problèmes de voisinage. Le cadre juridique proposé est clair, équilibré, et il se combine avec l'exception que le législateur a introduite, à défaut d'avoir lui-même posé le principe.

Cette exception reprend la théorie de la pré-occupation, une clause exonératoire de responsabilité qui figure à l'article L. 113-8 du code de la construction et de l'habitation. Cet article requiert que trois conditions cumulatives soient remplies : le respect de la législation, l'antériorité du trouble, et la poursuite, dans les mêmes conditions, de l'activité qui en est à l'origine.

Il ne s'agit évidemment pas d'un « droit à polluer », comme le Conseil constitutionnel l'a très clairement indiqué dans sa décision du 8 avril 2011 : l'exonération n'est possible que si la loi a été respectée – c'est une des conditions requises par l'article susmentionné – et la loi s'entend évidemment du respect du code de l'environnement et de toutes les dispositions environnementales. Bien que la clause exonératoire soit élargie, elle ne laisse donc pas la place à une violation quelconque de la loi ou à un comportement irresponsable.

Dans la pratique, les maires, exerçant leur pouvoir de police, répriment les atteintes à la tranquillité publique. En première ligne, ils sont souvent interpellés et sollicités pour résoudre les troubles de voisinage.

C'est grâce à leur action que certains litiges sont réglés et échappent au contentieux judiciaire. Il arrive néanmoins que des désaccords profonds l'emportent, sur fond de tensions. Les maires sont alors « à portée d'engueulade », pour reprendre l'expression consacrée, ou pire encore. Le maire de Gourdourville, petite commune du Tarn-et-Garonne, a été menacé de mort le 6 novembre après qu'il a adressé un courrier banal à l'un de ses administrés, lui expliquant que les aboiements récurrents de son chien perturbaient ses voisins.

À l'ensemble des maires de France et à leurs équipes, je tiens à rappeler le soutien de mon groupe, ainsi que de la représentation nationale dans son ensemble, face à la recrudescence des incivilités et des agressions dont ils sont victimes. Elles attestent de l'affaissement du lien social et du respect de l'autorité, et appellent bien évidemment des sanctions fermes.

En réformant le droit de la responsabilité civile, cette proposition de loi contribue, au fond, au juste équilibre entre les droits et les devoirs de chacun, et traduit les nouveaux équilibres de la société. D'un côté, il y a les contraintes sonores ou olfactives, liées au développement d'activités économiques ; elles sont inhérentes à certaines activités agricoles. De l'autre, il y a de nouveaux habitants, dont certains considèrent leur lieu de vie comme des îlots déconnectés du reste du monde, et d'anciens habitants aussi, dont la tolérance envers les troubles environnants est de moins en moins élevée.

Bien sûr, il ne faut pas oublier de favoriser la solidarité de proximité, à l'échelle du quartier, et les interactions sociales qui l'accompagnent, car elles demeurent les meilleurs remèdes à ces maux humains. C'est en dernier recours que la loi doit s'appliquer et, dans ce cas, celle-ci doit être lisible et offrir un cadre solide, afin de permettre une vie paisible en communauté. C'est le sens de ce texte.

Le groupe Horizons réitère donc son soutien à votre démarche, madame la rapporteure, et votera la proposition de loi.

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