Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 7 décembre 2023 à 9h00
Souveraineté de la france nationalité immigration et asile — Présentation

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Cela relève de l'évidence, mais il semblait nécessaire de le rappeler : la Constitution interdit déjà que la loi s'applique différemment à certaines personnes en raison de leur origine ou de leur religion.

Depuis 2017, la lutte contre la radicalisation identitaire et religieuse constitue, elle aussi, une priorité du Gouvernement. Ainsi, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a permis de renforcer notre arsenal juridique pour lutter très concrètement contre tous les séparatismes. Elle a doté les pouvoirs publics de nouveaux outils grâce à la création d'un délit de séparatisme et d'un délit d'entrave à la fonction d'enseignant, à la création d'un déféré préfectoral visant à protéger la laïcité et la neutralité dans le service public, ou encore à un contrôle accru des associations. Dans une décision du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de ces dispositions ; surtout, il n'en a pas contesté le principe. Il me semble donc, monsieur le rapporteur, que notre cadre constitutionnel actuel est déjà parfaitement adapté pour accomplir ce que vise votre article 1er .

L'article 2 vise à ouvrir le champ du référendum défini à l'article 11 de la Constitution à tout projet de loi ou projet de loi organique. J'ai eu l'occasion de m'exprimer récemment devant le Sénat au sujet de la rénovation de l'article 11, et je n'ai pas changé d'avis depuis : j'y suis favorable, à condition qu'un tel projet s'inscrive dans le cadre d'une réflexion aboutie sur l'avenir des institutions et de notre système représentatif. Or – permettez-moi de vous le dire avec la franchise que je vous dois – tel n'est pas le cas de cette proposition de loi.

Certes, le texte part d'un constat auquel je souscris : le champ référendaire de l'article 11 de la Constitution apparaît désormais à la fois trop restreint et trop incertain. Trop restreint, car de nombreux pans du droit qui intéressent pourtant au plus près les Français sont exclus de ce dispositif de démocratie directe ; comme l'a dit le Président de la République, il importe que les Français soient associés plus souvent et dans davantage de domaines à la prise de décisions publiques. Trop incertain, car les termes actuels de l'article 11 ont suscité de nombreuses controverses doctrinales, en particulier au sujet de la notion de réforme, au sens de la jurisprudence constitutionnelle. Le champ référendaire mérite donc, à tout le moins, d'être clarifié et, sans doute, d'être étendu.

Néanmoins, en dépit de l'ouverture à laquelle elle tend, la solution retenue dans la proposition de loi me semble déraisonnable. En effet, elle aurait pour effet d'étendre le champ référendaire à l'ensemble du domaine de la loi qui, on le sait, ne se limite même pas au champ de l'article 34 de la Constitution, mais le dépasse largement.

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