Intervention de Nathalie Oziol

Séance en hémicycle du mercredi 13 décembre 2023 à 14h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Oziol :

L'Assemblée nationale est sollicitée pour discuter de la signature d'un accord d'entraide judiciaire avec le Kazakhstan. Je m'exprimerai au nom du groupe La France insoumise, mais aussi en tant que présidente du groupe d'amitié France-Kazakhstan, et je sais que l'ambassadrice du Kazakhstan écoute attentivement ce que nous disons.

Ce texte nous est présenté sous une forme juridique qui ne peut cacher la dimension politique d'un tel traité, notamment lorsqu'il s'agit de droit international. Dès lors, on s'interroge sur l'urgence à adopter cet accord, à l'initiative du Kazakhstan, alors que des mécanismes sont déjà prévus dans le droit international français et européen – on s'interroge d'autant plus que, sollicitée en 2017, la ministre de la justice de l'époque s'y était opposée, critiquant le « manque d'intérêt opérationnel » d'un tel texte.

Par ailleurs, en août 2017, l'Assemblée nationale, par l'intermédiaire de la commission des affaires étrangères, avait été saisie pour se prononcer sur un accord de partenariat renforcé et de coopération entre l'Union européenne et le Kazakhstan. Le groupe La France insoumise s'y était opposé, rappelant le traitement brutal des prisonniers politiques au Kazakhstan, le non-respect de droits fondamentaux et l'absence d'opposition politique.

Qu'est-ce qui a changé depuis 2017, qui justifie que le Gouvernement fasse volte-face ? Le Kazakhstan a décidé, il convient de le souligner, d'abolir la peine de mort en 2021. Cela signifie-t-il pour autant que les traitements cruels et dégradants et que la torture ont également été interdits ? Non. Il y a moins de deux ans, des manifestations étaient réprimées dans le sang, alors que Kassym-Jomart Tokaïev, président kazakhstanais depuis 2019, avait annoncé que les manifestations sur la voie publique seraient désormais autorisées. Vu les pratiques tyranniques de son prédécesseur, Nazarbaïev, qui avait été président de 1990 jusqu'à 2019, soit pendant presque trente ans, Tokaïev avait intérêt à annoncer des réformes institutionnelles. Toutefois, nous ne pouvons pas nous contenter des promesses du nouveau chef de l'État – qui était, rappelons-le, président du Sénat sous Nazarbaïev – pour décréter que le Kazakhstan a changé radicalement.

Les manifestations qui ont eu lieu en janvier 2022 doivent être considérées comme un processus révolutionnaire, né de la colère populaire. En effet, ce pays, qui n'a pas échappé à la vague mondiale de protestations contre l'inflation, a fait l'objet d'alertes de la part d'Amnesty International, qui a signalé des violations des droits humains par le pouvoir : celui-ci a autorisé à ouvrir le feu sans sommation sur les manifestants, a arrêté arbitrairement des journalistes et plus de 2 000 manifestants, et a bloqué l'accès à internet pendant cinq jours. La ratification du traité dont il est question aujourd'hui avait alors été suspendue.

Dans son rapport, Mme la rapporteure l'écrit : le Kazakhstan ne peut pas être qualifié d'État de droit ; il s'agit donc d'un partenariat « stratégique ». Voilà qui a le mérite d'être clair. Le Kazakhstan est l'un des premiers fournisseurs de pétrole à la France et le premier producteur d'uranium au monde. Or le choix d'Emmanuel Macron d'accélérer le nucléaire renforce la dépendance de notre pays aux pays producteurs de minerais comme le Kazakhstan.

Nous sommes en désaccord à double titre : parce que la course au nucléaire nous prive d'un chemin vers la souveraineté industrielle et parce que, sous couvert d'entraide judiciaire, un tel traité devient potentiellement un brevet délivré à un régime autoritaire qui brutalisait son peuple il y a moins de deux ans.

Le groupe La France insoumise soutient, bien sûr, le principe de la coopération en matière judiciaire, mais, considérant les faits énumérés précédemment et dans la mesure où il existe déjà un partenariat renforcé entre l'Union européenne et le Kazakhstan ainsi qu'une entraide judiciaire entre la France et le Kazakhstan, il s'opposera à ce texte. Il y va du respect des droits du peuple kazakhstanais et du lien que nous devons nouer entre les peuples français et kazakhstanais.

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