Monsieur Martineau, la question est de savoir si l'alimentation est un levier de transformation de l'agriculture. La perception des fruits « moches » peut changer, mais, là encore, cela relève de la responsabilité de la grande distribution. Quand tout allait bien, il y avait du bio plein les étals ; maintenant que le marché se rétracte, il y en a un demi-rang caché dans un coin, ce qui garantit que la consommation ne va pas se développer. Une partie du gaspillage alimentaire est liée au calibrage : c'est moche, ça part à la poubelle – dans un monde où les gens n'ont pas les moyens et où on ne cesse d'expliquer qu'il faut utiliser au mieux les facteurs de production ! Comment éviter ce gaspillage ? Ce doit être un élément de notre stratégie concernant l'alimentation : nous ferions mieux de nous poser cette question plutôt que celle d'un repas végétarien une fois par semaine.
Monsieur Fugit, cela fait trop longtemps que je dois répondre à votre invitation ; je vais m'efforcer de le faire.
Julien Denormandie a eu raison d'évoquer la disjonction entre agriculteurs et recherche fondamentale. Les premiers reprochent – à tort – à la seconde de ne pas être sur le terrain. L'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) font partie des instituts les plus puissants du monde en matière de recherche et d'innovation.
Nous avons travaillé sur le PNRI avec les directeurs de recherche de l'Inrae et les instituts techniques, dont celui de la betterave. Comment massifier ? Les freins peuvent être économiques ou liés aux habitudes.
Je l'ai dit, nous avons besoin de la robotique. Il ne faudra pas non plus – cela fera l'objet d'un débat européen – se priver des nouvelles techniques de sélection des plantes (NBT, pour New Breeding Techniques ) ni des nouvelles techniques génomiques (NGT, pour New Genomic Techniques ) pour assurer la résistance des plantes. Sinon, avec zéro phyto, zéro NBT, zéro NGT, rien ne poussera – j'ai un jardin, on ne va pas se raconter d'histoires.
En ce qui concerne les clauses miroirs, je suis en désaccord total avec vous. Si on va par-là, l'Europe est finie. Dans le contexte du dérèglement climatique, nous aurons intérêt à développer des coopérations au sein de l'Europe et même au-delà de ses frontières. Cette année, nous ne pouvons pas couvrir les besoins en blé dur, voire en blé tendre, d'une partie de l'Europe. Ne nous mettons donc pas trop d'entraves.
Un pays inspirant en matière agricole ? Je ne vois pas quel pays fait mieux que la France. Il faut le dire à nos agriculteurs, d'ailleurs. Mes homologues étrangers sont étonnés des débats internes que nous avons, nous si avancés à leurs yeux. Il faut cesser de dénigrer l'agriculture, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas de progrès à faire et qu'il ne faut pas encourager la transition. Même au bio, on reproche d'utiliser des produits – mais oui, il en utilise, et ils sont parfois toxiques, bien que naturels, quand ils sont employés à haute dose, comme pour tout. Bien sûr, le modèle français doit rester viable économiquement pour continuer d'être une source d'inspiration.
Quant au glyphosate, à la suite du vote, conforme à ce qu'il avait été la fois précédente, la Commission vient d'en annoncer la réautorisation pour dix ans. De notre côté, nous continuerons notre trajectoire d'efforts ; nous n'allons pas revenir en arrière.
Que faire pour l'agriculture de conservation des sols ? Vous avez raison, elle présente de très nombreux avantages en matière de stockage du carbone, de l'eau et de qualité des sols ; elle est utile à la reconception du modèle, notamment en ce qui concerne le matériel. Je ne vois pas d'alternative au glyphosate dans cette situation – on en trouvera peut-être une, mais il faut rester prudent.
Monsieur Chassaigne, ce que vous dites du bio et de la HVE relève de la grande distribution, non du consommateur : celui qui veut du bio ne cherchera pas le label HVE. Il faut donc en parler avec les distributeurs. En tout cas, ce serait une erreur d'espérer gagner des parts de marché en dévalorisant les autres critères que le bio. La HVE est autre chose, mais contribue à la trajectoire.
Concernant les écorégimes, il y a plus d'agriculteurs en niveau 2 qu'en niveau 1. Ce sont 94 % des agriculteurs français qui sont entrés dans le dispositif, ce qui pose d'ailleurs des problèmes de régulation. Les Allemands, qui ont fait un autre choix, n'en ont que 60 %, ce qui induit des difficultés budgétaires. L'intérêt de l'écorégime est de permettre à chacun de prendre sa marche.
Enfin, la formation à l'utilisation des phyto est effectivement nécessaire, y compris dans les communes. C'est parfois l'employeur qui ne fait pas attention, parfois le salarié lui-même, notamment quand il intervient de façon ponctuelle dans une exploitation.