Lorsque je suis parti, les prix ont remonté ; il était donc temps que je m'en aille. D'autant plus qu'au bout de cinq ans, certains étaient fatigués de me voir. Il fallait savoir s'arrêter.
L'échec des GIEE découle d'un impensé sur le développement agricole. Pour tout le reste, j'avais créé un « Groupe Saint-Germain » qui avait réfléchi à ces sujets. Une question, cependant, avait été mal abordée – par moi en particulier –, celle du développement agricole. Les chambres d'agriculture disposaient de financements et j'en avais prévu pour les ONVAR, les organismes nationaux à vocation agricole et rurale, précisément pour stimuler les GIEE. Nous avons eu des résultats au début : la création d'environ 500 GIEE. J'aimerais savoir ce qu'il en est aujourd'hui ; il paraît qu'il en reste.
La philosophie était simple : il s'agissait de ne pas laisser un agriculteur gérer seul une transition aussi lourde que celle vers l'agroécologie pour éviter de le confronter à des difficultés majeures. L'aversion au risque est légitime, puisque c'est le revenu de l'agriculteur qui est en jeu ; or pour ce dernier, garantir son revenu c'est la condition de la pérennité de son exploitation. Il fallait donc réfléchir sur le plan collectif. Pour les GIEE, j'ai ainsi repris l'idée toute simple des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC), qui permettent de mettre en commun le matériel agricole. En l'occurrence, il s'agissait de mettre en commun les objectifs qualitatifs environnementaux, afin de créer des dynamiques sociales et économiques.
Il y a donc eu 500 GIEE ; avec des réussites, comme vous l'avez rappelé, mais également des freins. Parlons franchement : certaines chambres d'agriculture n'ont pas créé de GIEE. D'autres ont essayé, tandis que d'autres encore exerçaient des pressions pour ne pas le faire. Quand bien même les ONVAR ont-ils été utilisés, j'aurais dû mener une réflexion plus profonde sur les outils dont nous aurions dû nous doter pour réaliser de tels changements. C'est certain. D'autant plus que le temps qui m'a été imparti après la réforme m'a laissé un peu sur ma faim. Je vous concède qu'il y a là un point sur lequel il faut travailler.
J'observe que la France cherche aujourd'hui, à juste titre, à développer sa production de protéines végétales et de légumineuses. Mais on ne pourra pas opérer ce type de changement si on réfléchit à l'échelle de l'exploitation, et non pas des GIEE. En effet, pour des fermes de soixante à cent hectares, il sera difficile de valoriser les productions dans le cadre d'une plus grande rotation alors qu'à l'échelle de mille ou mille cinq cents hectares, il sera possible, en particulier pour les protéines végétales et les légumineuses, de réaliser des choix économiques performants.
À mes yeux, les GIEE ne remettent pas en cause l'exploitation individuelle, mais s'inscrivent dans une dynamique collective. De la même manière que nous avons pu mettre en commun le matériel agricole avec les GAEC, nous mettons en commun les grands objectifs environnementaux et économiques. Voilà l'enjeu et sur ce point, je ne peux que constater le défaut d'une réflexion initiale sur le développement agricole pour accompagner ces changements.