Il faut réfléchir à la manière dont nous mesurons l'impact des produits que nous utilisons – que ce soit par le Nodu, l'indice de fréquence de traitement (IFT) ou la quantité de substances actives (QSA) – et toujours garder à l'esprit l'objectif que nous poursuivons : moins de chimie dans l'environnement. Je pense en particulier aux molécules persistantes, telles que l'atrazine ou les métabolites. Le Nodu doit donc mesurer non seulement les quantités, mais aussi la qualité des produits utilisés.
La mesure de l'impact doit aussi se faire à l'aune de la biodiversité, qui décline. Ce sujet me préoccupe depuis longtemps – Gaspard Kœnig, qui écrit si bien et qui vient de découvrir les lombrics, aurait pu les défendre avec moi à l'époque. La biodiversité dans les sols et sur les sols constitue, en effet, un élément majeur. Celle-ci devrait être un critère de verdissement dans la PAC. Cela permettrait de limiter l'usage des molécules qui affectent la biodiversité. Oui, l'utilisation de grandes quantités de cuivre peut poser un problème : en viticulture, nous sommes parfois à six kilos l'hectare, il faudrait descendre à quatre kilos. La bio a un sens beaucoup plus vaste : le lien avec la terre, la qualité organoleptique des produits, le contexte général. En tout cas, il faut réfléchir à un autre indicateur, en prenant en compte ce qui se fait au niveau européen pour parvenir à une harmonisation. C'était d'ailleurs prévu dans le plan Écophyto II.
Les plantes orphelines souffrent, à l'instar des maladies orphelines en médecine, d'un manque de solutions, car elles ne débouchent pas sur un marché suffisamment intéressant. Il est de la responsabilité de l'État de fixer des règles afin qu'il existe pour chaque production une solution – chimique ou non. En l'occurrence, la moutarde, ce n'est pas rien ! L'État doit intervenir, car ce n'est pas l'économie qui résoudra le problème.
L'arbitrage entre le risque et le bénéfice, comme la décision qu'elle fonde, sont politiques. C'est pour cela que malgré le transfert des AMM à l'Anses, la décision de retrait d'un produit demeure sous la responsabilité du politique – comme cela avait été le cas pour l'interdiction des néonicotinoïdes pour les plantes à fleurs, compte tenu de l'impact de ces derniers sur les abeilles. Quels sont les risques que l'on accepte, pour quels bénéfices ? C'est un débat démocratique. Or aujourd'hui, les débats, quels qu'ils soient, s'essentialisent. On ne cherche plus à mettre en balance les risques et les bénéfices. C'est notamment le cas du débat autour du glyphosate : il faut examiner quels sont les risques, quels sont les bénéfices. Faut-il accepter une phase de transition avant de s'en passer définitivement – car ce sera possible ? Le débat politique doit s'appuyer sur des données scientifiques. Le politique doit garder à l'esprit l'objectif et la science doit nous donner des moyens.
Le vrai débat porte donc sur l'objectif, car tout le monde ne partage pas les mêmes ambitions : certains veulent simplement supprimer des produits qui règlent des problèmes spécifiques. Ne pourrait-on pas imaginer une dynamique qui règle le problème, sans passer forcément par l'interdiction ? La science est un soutien dans ce cas. Ce fut le cas quand j'ai interdit le Cruiser OSR, sur la base d'un rapport de l'Anses. Le politique fixe l'objectif et les décisions de l'Anses doivent contribuer à atteindre cet objectif : c'est cela la politique.