Intervention de Anne Bergantz

Séance en hémicycle du mardi 16 janvier 2024 à 15h00
Les salaires en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Bergantz :

…que sur ce qui reste à faire. À cet égard, je souhaite évoquer deux enjeux. Le premier concerne les classes moyennes, dont le nombre a progressé au fil des générations, mais qui restent marquées par des fragilités, dont la stagnation de leur niveau de revenus depuis 2008 et un sentiment de déclassement. Elles bénéficient globalement moins du système et subissent de plein fouet les effets de la conjoncture. Ce débat et les réflexions à venir doivent se focaliser prioritairement sur elles, comme l'a rappelé le Premier ministre lors des questions au Gouvernement.

Le second enjeu concerne l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Comme l'ont rappelé la Fondation des femmes et le Défenseur des droits, un tiers des femmes voient leur vie au travail négativement affectée par la maternité et 36 % des femmes réduisent leur activité professionnelle à partir du premier enfant, contre 9 % des hommes. Enfin, à temps de travail équivalent, les femmes cadres gagnent 16 % de moins que les hommes ; pour être tout à fait exacte, je précise que cet écart est réduit à 5 % quand on compare les salaires à poste équivalent au sein d'une même entreprise.

Malgré la politique très volontariste du Gouvernement, on peut s'interroger sur le chemin qu'il reste à parcourir en constatant que les écarts de salaire existent également dans les pays considérés comme chefs de file en matière d'égalité des sexes et qui ont déployé tout un arsenal législatif et normatif pour faire progresser cette cause. Ainsi, s'il est vrai qu'à poste équivalent les hautes fonctionnaires suédoises gagnent en moyenne 100 euros de plus que leurs homologues masculins, cela reste un cas particulier, car l'écart, à poste égal dans le secteur privé, est encore de 7 % en leur défaveur, alors même que le congé parental est partagé entre les conjoints.

Tous ces sujets sont d'une importance capitale. Nous devons nous en saisir avec intelligence, pragmatisme et réflexion, en laissant de côté les idéologies, les dogmes et les petites phrases. Surtout, nous devons éviter de prendre des décisions qui entraîneraient des effets pervers ou des effets d'aubaine et qui, quoique nées d'une idée louable sur le papier, se révéleraient délétères pour nombre de travailleurs.

Je pense par exemple à la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023 sur la transparence des rémunérations, à laquelle toutes les entreprises françaises devront se conformer avant le 7 juin 2026. La transparence salariale peut certes constituer un outil de lutte contre la discrimination, notamment entre les femmes et les hommes, mais les auteurs d'une récente étude américaine considèrent que ce texte risque d'avoir un effet négatif non négligeable sur les salaires moyens. Ils se fondent sur l'effet des lois sur la transparence salariale aux États-Unis, dont ils estiment qu'elles ont fait baisser les salaires réels de 2 % en moyenne. Ce mouvement n'est d'ailleurs pas uniforme, les secteurs peu syndiqués et plus précaires ayant subi une baisse estimée à 4 %.

Enfin, il faut s'interroger quant aux exonérations de charges, au sujet desquelles MM. Guedj et Ferracci ont rédigé un rapport d'information. Cette question est intimement liée à celles du coût élevé du travail pour les entreprises françaises et de leur compétitivité dans un contexte de rivalité internationale.

Les sujets sont sur la table. Il nous revient, à notre niveau, de nous montrer à la hauteur.

1 commentaire :

Le 07/03/2024 à 10:23, Joseph78 a dit :

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Bonjour,

Peut-on prétendre défendre les femmes quand on refuse de parler de droit des femmes à ne pas travailler pour s'occuper de ses enfants ?

Comment peut-on séparer cette question de la rémunération des femmes du fait que le divorce se généralise. Divorces, qui en appauvrissant majoritairement les femmes, les obligent souvent à refuser de s'occuper de leurs enfants pour aller travailler et cela par nécessité et même par obligation économique ?

Pour favoriser le droit des femmes, ne faudrait il pas militer et défendre une rémunération dépendant avant tout de la situation familiale au lieu de réduire l'aspect de l'augmentation salariale à des performances individuelles, à des promotions ?

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