Intervention de Sébastien Philippe

Séance en hémicycle du vendredi 19 janvier 2024 à 9h00
Essais nucléaires en polynésie française : indemnisation des victimes directes indirectes et transgénérationnelles et réparations environnementales

Sébastien Philippe, enseignant-chercheur :

En effet, scientifiquement, il n'y a pas de seuil de radiation à partir duquel il n'y aurait aucun effet sur le corps. Le consensus international scientifique établit une relation linéaire entre les doses de radiation et le risque de développer certains cancers.

D'après mes travaux, la méthodologie utilisée par le Civen a peu de sens, notamment en ce qui concerne les essais réalisés de 1966 à 1974, période au cours de laquelle la population polynésienne a été directement exposée à des doses estimées comme étant supérieures à 1 mSv – j'ai moi-même réévalué ces doses et d'autres le feront encore sans doute après moi. Il est quasiment impossible de démontrer que les personnes qui résidaient à Tahiti en 1974 n'ont pas reçu de doses supérieures à ce seuil. Par conséquent, toute personne qui développerait un cancer figurant sur la liste des cancers reconnus devrait bénéficier d'une indemnisation si elle résidait en Polynésie française pendant la période des essais atmosphériques ; en tout cas 90 à 95 % de cette population.

Le seuil de 1 mSv est un seuil réglementaire, qui répond à un principe de limitation du code de la santé publique. Il se fonde sur des recommandations de la communauté scientifique internationale, dans le but de protéger le public. Dans l'esprit de ces recommandations, il s'applique aux situations d'exposition dans lesquelles les individus reçoivent des doses généralement planifiées, qui peuvent ne pas représenter un bénéfice direct pour eux, mais qui seraient bénéfiques pour la société. Est-il judicieux d'appliquer ce seuil aux expositions et aux contaminations du public à la suite des retombées radioactives produites par les essais nucléaires ? Ces essais n'ont certainement pas eu d'effets bénéfiques pour la santé des individus exposés ; y a-t-il eu un bénéfice pour la société polynésienne ou pour les gens sur place ? On peut en débattre, mais cette idée ne sera probablement jamais acceptée par les Polynésiens. Ce seuil de 1 mSv doit sans doute être repensé, notamment pour certaines périodes d'exposition forte du public, comme de 1966 à 1974.

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