Intervention de Léna Normand

Séance en hémicycle du vendredi 19 janvier 2024 à 9h00
Essais nucléaires en polynésie française : indemnisation des victimes directes indirectes et transgénérationnelles et réparations environnementales

Léna Normand, première vice-présidente de l'association 193 :

Je vous remercie pour votre question et surtout pour votre initiative.

Comme je l'ai indiqué, le principal point de blocage est le seuil de 1 mSv, mais la période de séjour pose des difficultés également. En effet, alors que la loi prévoit que le requérant doit avoir séjourné en Polynésie française entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, le Civen rejette systématiquement les demandes de réparation quand le séjour est postérieur à 1975, ce qui correspond à la fin de la période atmosphérique. Même si je comprends bien que pour la période atmosphérique, les retombées sont directes – et là le Civen oppose malheureusement le seuil de 1 mSv –, la date du 31 décembre 1998 figure dans la loi. Il est parfois affirmé que cette période de 1975 à 1998 profiterait davantage aux anciens travailleurs. Mais qu'en est-il de la population résidente ? On nous a promis d'arrêter le mensonge. N'est-ce pas un faux-semblant que de faire croire à la population que l'État veut bien indemniser les personnes pour toute la période pendant laquelle il a réalisé ces essais alors que ce n'est pas le cas ? Des populations sont oubliées.

Ensuite, lors de la phase d'expertise préalable à une indemnisation, les experts s'appuient sur la nomenclature Dintilhac afin d'évaluer les préjudices. D'après cette nomenclature, le décès ne constitue pas un préjudice. Ce n'est pas normal. Quand on pose la question, on nous répond que la loi fait référence aux personnes souffrant d'une maladie. Mon argument rejoint ici celui de Maître Labrunie au sujet des victimes par ricochet. Lorsque la personne est décédée, les ayants droit peuvent formuler une demande, mais les préjudices pris en compte sont ceux subis par le malade de son vivant. Dès lors que la personne est décédée, la situation n'est pas considérée comme constitutive d'un préjudice. Ce n'est pas normal : le décès est le pire des préjudices, et les malades laissent parfois des enfants derrière eux.

Enfin, la loi fixe une échéance au 31 décembre 2024 pour les personnes décédées avant le 28 décembre 2018 – soit avant l'insertion dans la loi du seuil de 1 mSv. Pour les victimes décédées après cette date, les ayants droit disposent de six ans pour formuler la demande. Or les données statistiques montrent que pour de très nombreux défunts, les ayants droit n'ont pas formulé de demande. On nous oppose des aspects budgétaires ; de nouveau, la Polynésie française doit se mobiliser et nous avons l'impression de quémander alors que c'est un dû. Les obstacles opposés au peuple maohi sont tellement nombreux. Que d'injustice ! Nous demandons par conséquent la suppression de la date butoir au 31 décembre 2024.

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