Intervention de Catherine Vautrin

Séance en hémicycle du vendredi 19 janvier 2024 à 9h00
Essais nucléaires en polynésie française : indemnisation des victimes directes indirectes et transgénérationnelles et réparations environnementales

Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités :

Je vous remercie d'avoir pris l'initiative de ce débat parlementaire qui place, dès mon arrivée au ministère, l'enjeu des conséquences des 193 essais nucléaires français au premier plan de mes préoccupations. Comme différents gouvernements l'ont fait à plusieurs reprises depuis 1997, je tiens à souligner les enjeux majeurs auxquels les essais nucléaires passés nous confrontent collectivement : l'indépendance, l'économie, l'environnement d'un territoire ou encore la santé des vétérans et des populations. Ministre du travail, des solidarités et de la santé, je m'exprime devant vous sur ce qui relève de mon champ de compétences, même si d'autres ministères sont concernés, notamment pour les mesures de reconnaissance mémorielle.

Ce sujet est précis et complexe par sa profondeur historique et par la variété des conséquences de ces essais sur la santé publique, l'environnement mais surtout sur chaque famille, chaque femme, chaque homme, chaque enfant concerné.

Je connais l'engagement de longue date des députés polynésiens, notamment le vôtre, madame Reid Arbelot, messieurs Chailloux et Le Gayic – vous vous placez dans la lignée de vos prédécesseurs, en particulier de M. Moetai Brotherson, aujourd'hui chef du gouvernement de la Polynésie française –, mais aussi celui de Mmes Maina Sage et Nicole Sanquer, sous la précédente législature, sans oublier les sénateurs Lana Tetuanui et Teva Rohfritsch, membre du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI).

Cet engagement est justifié, tout comme est légitime le débat auquel je suis heureuse de participer pour répondre à vos questions, en toute transparence, et pour réaffirmer l'attention que mon ministère et l'ensemble du Gouvernement portent à la juste indemnisation des citoyens touchés, directement ou indirectement, par les essais. Je me place dans la droite ligne de la loi Morin et des engagements pris par le Président de la République lors de sa visite officielle en Polynésie en juillet 2021.

La loi Morin fixe le cadre d'indemnisation des victimes des essais menés par la France entre 1966 et 1996 sur votre archipel. Cette loi-cadre a mis en place une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, qui peut être consultée sur le suivi de l'application de la loi et sur la modification éventuelle de la liste des maladies radio-induites. La dernière réunion de cette instance remonte à 2021, ce qui est insatisfaisant. De même que le rôle de contrôle des assemblées est essentiel à la démocratie – dès ma prise de fonction, j'ai tenu à me présenter devant vous, aujourd'hui –, le rôle de cette commission est fondamental et la voix de ses membres doit être entendue plus régulièrement. Il s'agit d'une de vos revendications, également mise en avant par les autorités locales polynésiennes. En responsabilité, je prends l'engagement de réunir cette commission dans le courant du premier trimestre 2024.

Je m'engage également à suivre la mise en œuvre de l'engagement pris en 2021 par le Président de la République : l'État doit rembourser à la caisse de prévoyance sociale (CPS) de Polynésie française les soins de santé dispensés aux assurés du régime polynésien. La logique de cette annonce, à laquelle je souscris, est celle d'un Gouvernement qui assume ses responsabilités. Le poids financier de l'indemnisation des victimes des conséquences des essais nucléaires français ne doit pas être supporté par les caisses locales polynésiennes. Je tiens à vous rassurer sur l'avancée des travaux tendant à rendre cette mesure opérationnelle : le principe est acté et des discussions techniques ont lieu au niveau interministériel, en lien étroit avec les autorités polynésiennes.

Pour évaluer l'impact des essais sur la santé, il convient de le caractériser et, pour ce faire, de disposer de données scientifiques. Or l'état des connaissances scientifiques a beaucoup progressé ces dernières années grâce à plusieurs expertises sollicitées par les autorités. Parmi elles, figure le rapport de l'Inserm sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires sur la population de Polynésie française, publié en 2021, qui analyse plus de 1 200 publications et fait l'objet de nombreuses communications. On peut également citer le suivi épidémiologique de la cohorte des vétérans qui avaient été présents sur les sites d'expérimentation nucléaire de la France dans le Pacifique et qui avaient bénéficié d'une surveillance dosimétrique.

Ces expertises profitent à la communauté scientifique mais – et c'est essentiel – s'accompagnent aussi d'une communication transparente et adaptée des connaissances acquises à la population elle-même, à ses représentants et aux professionnels de santé qui constituent des relais essentiels pour faciliter le processus d'indemnisation mis en place et pour lever les freins éventuels aux demandes.

Enfin, ce dossier me conforte dans ma volonté d'accorder une priorité à la prévention, en particulier à la santé-environnement. Je ne conçois la santé que comme un capital global à préserver, notamment face aux risques liés à l'environnement qui ont un impact sur la santé. Nos indicateurs de santé publique doivent être améliorés. L'espérance de vie en bonne santé diminue tandis que la mortalité infantile à la naissance augmente. Le ministère du travail, de la santé et des solidarités sera aussi celui de la prévention. Une bonne prévention en santé dans notre vie quotidienne – qu'il s'agisse de notre alimentation, de notre éducation à la santé ou encore du travail –, ce sont des milliers de maladies mortelles évitées, des millions d'euros d'économies et une société du mieux être et du soin pour tous. Je m'assurerai que la prévention en santé soit bien prise en considération dans toutes nos politiques publiques. La prévention sera l'affaire de tous : l'ensemble des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, les préfets de région, les ARS – les agences régionales de santé –, les collectivités locales ainsi que les associations.

Avant de répondre aux questions des différents orateurs, je tiens à préciser – c'est mon deuxième engagement – que je serai attentive, à votre écoute et investie dans l'avancée des travaux afin que l'engagement du Président de la République se concrétise dans les meilleurs délais et de la manière la plus juste qui soit.

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