Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du jeudi 23 novembre 2023 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Éric Dupond-Moretti, ministre :

Je pense notamment à celle de Marseille : je ne sais pas si elle est terminée, ce qui m'interdit d'en dire davantage, mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas me retrancher derrière cet argument.

La justice est indépendante dans notre pays. Cette indépendance signifie que l'exécutif ne décroche pas son téléphone pour dire aux procureurs ce qu'ils doivent faire – cela nous ferait basculer dans une situation qui n'aurait plus grand-chose à voir avec l'État de droit et la démocratie. C'est ce qu'on pratique dans certains pays, mais pas chez nous, fort heureusement. L'indépendance de la justice a parfois pour corollaire des décisions qui nous semblent, pour employer un mot doucement euphémique, saugrenues – c'est-à-dire des décisions qu'on a du mal à comprendre. Il faut néanmoins préciser que nous n'avons pas tous les éléments du dossier. Un commentaire d'une décision de justice fait à la hâte n'est pas toujours le plus objectif qui soit.

Pourquoi y a-t-il des classements sans suite ? Ce que l'on espère, et c'est ce qui se passe dans la très grande majorité des situations, c'est que le procureur a pour seule boussole les faits et le droit. Un classement sans suite n'est pas une décision prise au doigt mouillé. Qu'il y ait eu dans l'histoire de notre justice des classements sans suite injustifiés, voire injustifiables, pris en toute indépendance – cela s'appelle la liberté juridictionnelle –, peut-être et même sans doute. Néanmoins, je ne connais pas les affaires que vous évoquez et je ne peux pas les commenter.

J'ajoute cependant qu'un classement sans suite se notifie. Plutôt que de s'engager dans une critique acerbe d'une décision que notre bon sens ne permettrait pas de comprendre, on peut se tourner vers les voies de recours. Un classement sans suite peut faire l'objet d'un réexamen par le procureur général. Si vous me dites, en revanche, qu'un classement sans suite n'a pas été notifié, alors il y a quelque chose qui ne va pas. Pour qu'une décision puisse être contestée par les voies de droit classiques, encore faut-il qu'elle ait été portée à la connaissance du justiciable.

S'agissant de l'expression de l'homophobie, des dispositions ont été prises depuis plusieurs années. Je me souviens d'une réunion à Beauvau avec Gérald Darmanin, Mme Maracineanu et des présidents de grands clubs : nous avons alors prévu un certain nombre de mesures, notamment des interdictions de stade pour une durée maximale de cinq ans. J'en ai ras-le-bol, je vous le dis, de ces comportements, de ces vociférations, de ces cris homophobes ou racistes qui n'ont rien à faire dans le sport. Le témoignage de Basile Boli, qui nous a permis de devenir champions d'Europe, m'a beaucoup touché : il expliquait comment il vivait les cris de singe qui lui étaient adressés.

Je suis tout à fait prêt – j'en ai parlé ce matin avec mes équipes – à ce qu'on fasse en sorte que les gens qui se comportent ainsi soient définitivement interdits de stade. Il n'y a pas, pour moi, de ligne infranchissable en la matière. Certains ne comprennent rien à rien, et je ne sais même pas s'ils aiment le sport. Ce n'est pas possible quand on a de telles attitudes discriminatoires : le sport, au contraire, unit les gens.

Je vais très prochainement envoyer des représentants du ministère au Royaume-Uni. Ce pays a connu un hooliganisme incroyable, qui faisait régner la terreur, mais il a réussi à régler le problème en prenant des mesures drastiques. S'il faut copier ces mesures, nous le ferons.

Je souhaite aussi qu'on rappelle sur les billets les dispositions du code pénal qui s'appliquent lorsqu'on jette une fusée ou un projectile dans un stade, qu'on balance des cris de singe à un joueur de couleur ou qu'on crie d'autres choses. Il faut dire stop. Nous devons informer davantage ceux qui ne seraient pas informés. Je pense aussi à tous ces gamins qui viennent au stade avec leur famille et qui entendent des trucs pareils : c'est l'antisport par excellence.

Je ne vois en la matière, je le redis, aucune ligne rouge infranchissable. S'il faut être plus sévère, nous proposerons en ce sens un certain nombre de choses.

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