Intervention de Marie Lebec

Séance en hémicycle du jeudi 25 janvier 2024 à 9h00
Convention france-moldavie pour l'élimination de la double imposition sur le revenu et la prévention de la fraude fiscale — Présentation

Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement :

Je vous prie d'excuser l'absence du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, qui est en déplacement Inde avec le Président de la République.

Avec 127 conventions en vigueur, la France dispose d'un des réseaux de conventions fiscales les plus étendus au monde. Cela répond à un double objectif : d'une part, accompagner le développement de nos entreprises à l'étranger, en sécurisant leurs opérations sur le plan fiscal et en prévenant la double imposition de nos ressortissants expatriés, et d'autre part, comme l'indique l'intitulé de la convention soumise à votre approbation, prévenir l'évasion fiscale. L'action bilatérale de la France va de pair avec son activisme multilatéral en matière d'harmonisation de la fiscalité et de transparence. C'est précisément pour répondre à ce double objectif que le Gouvernement a souhaité conclure la présente convention avec la Moldavie, signée le 15 juin 2022.

La France et la Moldavie ne sont plus liées par aucune convention fiscale depuis le 2 mars 1998, date à laquelle la Moldavie a dénoncé l'accord entre la France et l'Union soviétique du 4 octobre 1985 qui s'appliquait jusqu'alors. Il en résulte que nos deux États appliquent concurremment leur droit interne en matière fiscale, ce qui engendre de l'insécurité juridique pour les contribuables, davantage susceptibles de se trouver dans des situations de double imposition.

Nos deux pays sont aussi dénués de tout cadre bilatéral de coopération en matière fiscale. Un projet de convention fiscale avait certes été signé en 2006, mais la procédure d'approbation du texte avait été interrompue du côté français, à la suite de l'introduction en Moldavie d'un taux d'imposition nul sur les sociétés. Comme il n'était plus nécessaire de prévenir la double imposition des entreprises françaises, le projet avait été stoppé, conformément à la politique conventionnelle de la France.

Face aux récentes évolutions moldaves, à savoir la réintroduction d'un impôt sur les sociétés et l'adhésion au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le projet a pu reprendre. La France et la Moldavie ont ainsi engagé la négociation d'une convention fiscale à l'été 2019, sur la base d'un projet de texte soumis par les autorités françaises. Les négociations se sont poursuivies en 2020 et 2021.

La France a obtenu plusieurs concessions des autorités moldaves en faveur de ses intérêts. Les plus significatives sont, d'une part, la limitation des retenues à la source en Moldavie sur les intérêts et redevances, passant de 12 % à respectivement 5 % et 6 %, et d'autre part, le renoncement de la Moldavie à taxer nos prestataires de services de manière plus aisée que les autres types d'entreprises.

Les derniers standards internationaux en matière de transparence fiscale sont par ailleurs intégrés à la convention, notamment ceux de l'instrument multilatéral de l'OCDE relatif à l'érosion de la base d'imposition et au transfert des bénéfices, dit BEPS – pour base erosion and profit shifting. Plus précisément, la convention comprend une clause générale anti-abus qui permet de refuser l'application de la convention lorsque des montages ou des transactions sont clairement abusifs.

La convention comprend également des dispositions de coopération administrative en matière fiscale, concernant en particulier l'assistance en matière de recouvrement des impôts et les échanges de renseignements. Elle contient de nombreuses stipulations conformes à notre politique conventionnelle, s'agissant de la taxation du trafic international ou du régime d'imposition des revenus des mannequins, des artistes et des sportifs. De même, les volontaires internationaux en entreprise (VIE) en Moldavie bénéficieront d'un traitement favorable.

L'abaissement des taux d'imposition des redevances, des intérêts et des dividendes, entériné dans la convention, favorisera le développement des investissements français en Moldavie, qui sont déjà significatifs. La France figure ainsi au quatrième rang des investisseurs étrangers en Moldavie. Près de 240 entreprises françaises y sont implantées, d'autres ont indiqué qu'elles souhaitaient s'y établir. Une mission conduite par Medef International en Moldavie est d'ailleurs prévue au printemps, afin d'accompagner des entreprises intéressées. Le cadre juridique clair et prévisible donné par la convention créera un climat propice aux investisseurs, aux entreprises et à la multiplication des échanges commerciaux – ces derniers ont représenté 131,4 millions d'euros en 2021 et 154,6 millions sur douze mois glissants jusqu'à juin 2022.

La convention participe en outre au renforcement de la relation bilatérale, en même temps qu'elle s'inscrit dans la politique de soutien de la France à la trajectoire européenne de la Moldavie. Le gouvernement moldave conduit un programme ambitieux en matière de gouvernance et de lutte contre la corruption, dans un contexte difficile marqué par la poursuite du conflit en Ukraine, aux effets particulièrement déstabilisateurs pour la Moldavie. La présente convention a d'ailleurs été signée à l'occasion de la première visite d'État d'un président de la République française en république de Moldavie depuis la proclamation de l'indépendance de ce pays, il y a trente-trois ans. Cette convention est donc une manifestation concrète de notre souhait d'approfondir nos relations économiques avec la Moldavie, très en deçà, encore, de leur plein potentiel.

Telles sont les principales observations qu'appelle la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Moldavie pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, qui fait l'objet du projet de loi soumis à votre approbation.

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