Intervention de Sarah Tanzilli

Séance en hémicycle du mardi 30 janvier 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Tanzilli :

Nous voici sur le point de franchir une étape cruciale du processus entamé dès les premiers jours de notre législature, avec le dépôt de plusieurs propositions de révision constitutionnelle, issues de la majorité comme de l'opposition, permettant de sanctuariser le droit à l'avortement. Nous avons longuement débattu, ici et en commission, et ce débat trouve un large écho en dehors de nos murs, car les Françaises et les Français en ont bien compris l'enjeu : ce sont les droits de nos filles et de nos petites-filles que nous sommes sur le point de protéger ; ce sont bien les contours de la société française de demain que nous allons désormais garantir.

Ce débat a permis de dissiper les derniers doutes, et les dernières interrogations sincères : non, la constitutionnalisation de la liberté garantie à la femme de recourir à l'IVG n'entraînera pas de modifications des modalités actuelles d'exercice de ce droit, ni sur le délai durant lequel une femme peut avorter, ni sur les modalités d'accès, ni sur la clause de conscience dont bénéficient les soignants et dont la portée constitutionnelle est déjà garantie par le juge. Non, le droit de recourir à l'IVG n'est, en l'état du droit, protégé par aucune norme supralégislative, de sorte que si nous ne parvenions pas à faire aboutir cette réforme constitutionnelle, une simple loi ordinaire pourrait tout à fait venir effacer l'édifice juridique qu'une succession de lois a créé en un demi-siècle.

Comme le rapporteur l'a très justement résumé, ce texte est rien et tout à la fois : certes, il ne modifie pas le cadre juridique actuel mais, demain, il pourrait devenir le seul bouclier du droit des femmes, son seul rempart contre une majorité parlementaire réactionnaire.

Les circonstances politiques nous incitent à passer à l'acte maintenant car, oui, le droit à l'avortement est bien plus menacé que dans le passé. Non, l'exemple américain n'est pas une exception culturelle circonscrite dans le temps et l'espace, et limitée à une culture politique à laquelle nous serions par nature hermétiques. Le croire serait faire preuve d'un optimisme naïf que je ne peux partager.

Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de franchir l'océan pour constater que les majorités réactionnaires font toujours du droit à l'avortement des femmes une de leurs premières cibles : la Pologne, la Hongrie, Malte, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, tous ces pays sont des démocraties, mais des majorités parlementaires y ont mis ou tenté de mettre en œuvre des politiques qui mettent à mal le droit à l'IVG, jusqu'à forcer les femmes à écouter les battements de cœur du fœtus ou à interdire l'avortement, même en cas de malformation fœtale.

Et en France alors – ici même, devrais-je dire –, devons-nous prendre pour argent comptant la promesse proférée la main sur le cœur par ceux qui étaient contre le droit à l'avortement hier qu'on ne les y reprendrait plus ? Faut-il fermer les yeux au passage de milliers de manifestants opposés au droit à l'avortement dans les rues de Paris, comme ce fut le cas il y a dix jours ? Faut-il se boucher les oreilles lorsque des parlementaires du Rassemblement national comparent l'avortement à un génocide ?

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