Intervention de Christine Arrighi

Séance en hémicycle du mercredi 14 février 2024 à 14h00
Mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Arrighi :

La présente proposition de loi introduit des dispositions techniques qui facilitent la décentralisation d'une partie du réseau routier national au profit des régions. Cette possibilité a été créée par la loi « 3DS », qui prévoit la mise à disposition des régions qui le souhaitent, pour une période de huit ans, de fractions du réseau routier national non concédé.

Ce texte apporte des précisions importantes. D'abord, il permet au président de région, aux vice-présidents et aux autres membres du conseil régional de donner délégation et subdélégation de signature aux chefs des services ou aux agents des services routiers, qui demeurent agents de l'État, pour les actes relatifs aux fractions du réseau routier national mis à disposition de la région. La seconde précision concerne l'exercice de l'autorité de gestion du président du conseil régional sur les fractions du réseau routier national non concédées mises à disposition, conformément à l'article L. 4231-4 du code général des collectivités territoriales.

On pourrait considérer que cette mesure expérimentale s'inscrit dans le cadre de la décentralisation des politiques de transport. À ce titre, elle pourrait donc recevoir notre approbation, puisque nous sommes favorables à la décentralisation. Pourtant, elle met surtout en lumière un éparpillement des compétences entre les différents échelons de collectivités – départements, métropole de Lyon, métropoles, régions – rendant incohérente la répartition des compétences relatives au réseau routier national.

Ce constat a déjà été dressé en matière de politique de l'habitat, au sein de laquelle la répartition des compétences est confuse, d'une part, entre les collectivités elles-mêmes, d'autre part, entre l'État et les collectivités. Il en va de même pour la politique publique des transports, ce qui empêche les citoyens d'identifier les responsabilités de chacun des acteurs, et les députés de cerner les financements alloués à telle ou telle politique en matière de mobilités.

Ainsi, bien que la proposition de loi apporte des ajustements nécessaires en cas de transfert de compétences, les mesures proposées modifient un texte – la loi « 3DS » – qui, sur plusieurs aspects, émiette ces compétences et leur répartition, alimentant davantage encore le millefeuille territorial. La Cour des comptes, dans son rapport public annuel publié le 10 mars 2023, a regretté que la décentralisation ait perdu son souffle initial à la suite de l'abandon de la logique des blocs de compétence, principe cardinal des lois de décentralisation de 1982 et 1983. Les règles de la décentralisation forment désormais un maquis inextricable que cette proposition de loi continuera à alimenter.

Par ailleurs, ce dispositif suscite un faible engouement des régions métropolitaines puisque seules trois régions – Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, Occitanie – sur douze envisageraient – j'insiste sur le conditionnel – d'y recourir. Dans le contexte actuel de raréfaction des ressources et de difficultés financières des collectivités territoriales, en particulier des régions – ce que la présidente de Régions de France a confirmé le 16 janvier lors de son audition en commission des finances –, cette mise à disposition représenterait pour les régions qui s'engageront des investissements non négligeables, alors que les expériences précédentes illustrent bien assez la mauvaise compensation financière par l'État des compétences transférées, ainsi que vous l'avez dit, monsieur le rapporteur.

À ce sujet, la révision à la baisse des prévisions de croissance pour 2024, qui passerait de 1,4 % à 0,9 %, obligerait l'État à trouver plusieurs milliards d'économies pour boucler le budget de l'année 2024, ce qui laisse encore davantage planer le doute sur ses capacités réelles à accompagner les collectivités dans le cadre de transferts de compétences, en particulier en matière routière. La route, ça coûte ! Le Haut Conseil des finances publiques et tous les économistes estimaient déjà avant l'adoption, par 49.3, du projet de loi de finances pour 2024, que la prévision de croissance du Gouvernement était trop élevée. Le groupe Écologiste n'avait pas dit autre chose en commission des finances, mais n'avait pu le répéter en séance publique – 49.3 oblige.

Tous ces éléments ne sont pas de nature à rassurer les personnels, qui voient dans cette proposition de loi les prémisses de leur future mise à disposition des collectivités territoriales – approche rendue possible par la loi « 3DS ». Elle représente une menace pour leur statut, leurs conditions de travail et leur rémunération, déjà bien affectée par les effets de l'inflation. Ce texte est une première étape ; ils pensent, eux, à la seconde. Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra comme il l'a fait en commission des lois.

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