Intervention de Gabriel Attal

Séance en hémicycle du vendredi 14 octobre 2022 à 9h00
Débat sur les finances locales

Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics :

Ce débat consacré aux finances locales est – avec le débat sur la dette que nous avons eu lundi – une nouvelle avancée permise par la modernisation de la Lolf – loi organique relative aux lois de finances. En effet, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, qu'Éric Woerth et Laurent Saint-Martin ont défendue ensemble ici même, a consacré un véritable temps des finances locales pendant l'examen du projet de loi de finances (PLF).

Ce moment d'approfondissement doit permettre d'éclairer la représentation nationale et, ce faisant, de renforcer sa capacité de contrôle. Il ne s'agit pas seulement d'accompagner l'examen de l'article sur le prélèvement sur recettes, mais bien de faire un arrêt sur image afin de dresser un constat et d'identifier ensemble les enjeux auxquels sont confrontées nos collectivités territoriales. Avec Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, ici présente, nous sommes donc fiers d'étrenner cette innovation démocratique, dans un contexte que chacune et chacun connaît : une inflation historiquement élevée.

Je veux dire d'emblée qu'il existe un piège dans lequel je refuse de tomber, car je suis moi-même un élu local depuis plusieurs années. Il consiste à opposer l'État aux collectivités territoriales – je l'ai rappelé lors de l'examen des articles 16 et 23 du projet de loi de programmation des finances publiques. Je refuse d'être enfermé dans une telle logique binaire, parce qu'elle constitue une impasse absolue. Il peut y avoir des divergences de vues entre le Gouvernement et telle ou telle association d'élus – heureusement, car nous sommes en démocratie. Il peut aussi y avoir des inquiétudes sur la manière de faire face à la flambée des factures, sur la manière dont on compense la suppression de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –, sur la manière dont on définit la trajectoire de maîtrise de la dépense locale. Cependant, dire qu'il y a l'État d'un côté et les collectivités de l'autre, non pas côte à côte mais face à face, c'est tomber dans l'erreur et céder à la facilité.

L'erreur, c'est de faire croire que deux blocs pourraient s'entrechoquer ; qu'il y aurait, en haut, un État qui n'entend pas et, en bas, des élus qui parleraient dans le vide. Lorsqu'il s'agit de faire vivre ensemble ce qui structure la République, et d'agir au service des Français, il ne peut y avoir confrontation de blocs, d'autant moins que nous n'avons jamais cessé de dialoguer. Je constate d'ailleurs que les très nombreux élus que je rencontre, tous ceux qui m'interpellent, ne partagent pas cette façon erronée de présenter les choses. C'est que, chacun à notre place, c'est finalement le sens de l'intérêt général et la volonté de défendre aux mieux les intérêts des Français qui guident notre action.

La facilité de cette logique binaire que je récuse tient au fait que les situations sont extrêmement disparates. Certes, les collectivités territoriales vivent toutes le même choc, mais comme pour les ménages ou les entreprises, toutes n'ont pas la même capacité à y faire face. Dire cela n'est pas une manière de nier les difficultés ou les fragilités mais, au contraire, une manière de concentrer notre énergie, notre attention et nos moyens sur celles qui ont besoin que l'État leur vienne en aide.

Voici ma conviction : notre pays sera fort si et seulement si l'État et les collectivités travaillent main dans la main. Oui, les intérêts de nos compatriotes seront mieux défendus si nous sommes capables de faire front ensemble, comme nous l'avons fait durant la crise sanitaire. Il faut ainsi faire face ensemble à l'urgence de la fin du mois ressentie par des millions de nos compatriotes, et faire face aussi pour relever les grands défis des prochaines années : le réarmement de nos services publics, le plein emploi ou encore la lutte contre le réchauffement climatique. Voilà des défis impossibles à relever si l'on se contente de décréter d'en haut, sans s'attacher aux traductions concrètes et aux déclinaisons dans nos territoires.

Je veux être clair : la maîtrise de nos finances publiques fait partie des enjeux que nous avons en partage. Dire que cette responsabilité est collective ne signifie pas que l'on remette en cause le principe d'autonomie inscrit dans notre Constitution. Personne ne cherche à le remettre en cause. Mais je le réaffirme parce que c'est mon rôle, nous sommes responsables collectivement de la tenue de nos comptes vis-à-vis des générations présentes, des générations futures et de nos partenaires européens. Je le dis ici, devant une assemblée qui a formé une majorité pour rejeter la trajectoire de maîtrise des dépenses locales que nous avions proposée. Je le dis ici alors que je n'ai pas besoin de le dire aux élus que je rencontre, car eux savent, parce qu'ils sont des gestionnaires, parce qu'ils sont des pragmatiques, que la maîtrise des comptes est une nécessité absolue.

Durant la crise sanitaire, les collectivités ont pu compter sur l'État et trouver en lui un partenaire solide, de la même manière que l'État a pu compter sur les collectivités locales et trouver en elles des partenaires solides. Lorsque d'autres pays vacillaient, nous avons répondu présent pour éviter, dans nos territoires, une saignée économique et sociale. Ensemble, nous avons, avec le « quoi qu'il en coûte », sauvé des centaines de milliers d'emplois, évitant ainsi des milliards d'euros de dépenses de chômage, de RSA, épargnant les départements, ou d'aides sociales qui auraient incombé aux collectivités locales par l'intermédiaire des CCAS – centres communaux d'action sociale. Nous avons conservé de précieuses rentrées fiscales, qui nous permettent aujourd'hui de continuer à protéger les Français de l'inflation. Et les collectivités locales ont pu également bénéficier des recettes fiscales acquises grâce au soutien de l'État à l'activité. Je rappelle aussi que durant la crise sanitaire, l'État a soutenu directement les collectivités locales à hauteur de 10 milliards d'euros.

Une crise a succédé à l'autre, mais notre approche n'a pas changé : nous voulons protéger et nous voulons dialoguer. Conformément au souhait du Président de la République et au mandat que nous a donné la Première ministre au mois de juillet, nous avons lancé dès l'été, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Caroline Cayeux et moi-même, un cycle de concertation avec l'ensemble des associations d'élus, en amont des textes budgétaires. Quatre points principaux ont été abordés : la maîtrise de la dépense, la disparition de la CVAE, l'évolution de la DGF – dotation globale de fonctionnement des communes – et la protection des collectivités fragiles face à la hausse des prix de l'énergie.

Tout d'abord, nous avons échangé sur la trajectoire des finances locales, et par conséquent sur la contribution des collectivités à notre trajectoire de finances publiques. Nous en avons longuement parlé mardi soir, mais il est important d'y revenir, car j'ai entendu beaucoup de choses qui ne me semblent pas exactes.

Contrairement aux idées reçues, ou à celles qui cherchent parfois à instrumentaliser ce sujet, nous n'avons jamais eu l'intention de demander aux collectivités locales de baisser leurs dépenses de 10 milliards d'euros.

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