Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du vendredi 14 octobre 2022 à 9h00
Débat sur les finances locales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Alors que les dispositions de la loi de programmation des finances publiques concernant les collectivités territoriales ont été rejetées en début de semaine par notre Assemblée, il convient de revenir sur un certain nombre de mesures qui mettent en péril lesdites collectivités. En effet, le contexte inflationniste, la flambée des prix des matières premières, du carburant, du gaz, de l'électricité, l'augmentation en juillet de la valeur du point d'indice des fonctionnaires, accroissent mécaniquement leurs dépenses de fonctionnement, ce qui affecte leurs capacités d'investissement – mais aussi leur santé financière, d'où une plus grande difficulté à financer ces mêmes investissements par l'emprunt.

Alors que l'élaboration des budgets ainsi obérés devient particulièrement acrobatique, certaines recettes fiscales des collectivités sont remises en cause, sans informations précises au sujet de leur évolution ou des mécanismes de substitution prévus. Qui peut dire à quelle hauteur seront indexées les bases fiscales des locaux tant d'habitation que commerciaux ? S'agissant des premiers, quel niveau d'inflation sera retenu ? Quant aux locaux professionnels, le probable report d'un an de la mise à jour des valeurs locatives vient remettre en question les lourds travaux engagés par les commissions intercommunales des impôts directs.

Par conséquent, en matière de recettes, quelles projections retenir dans le budget primitif que les collectivités doivent adopter en décembre ? S'ajoute à cela la suppression annoncée de la fameuse CVAE – l'une des deux composantes, l'autre étant la CFE, de la contribution économique territoriale (CET). Que dire également de sa compensation et de son évolution dans les années à venir ? Fort heureusement, monsieur le ministre délégué, vous nous avez promis qu'il n'y aurait pas d'année blanche. Reste qu'en 2021, la CVAE a généré plus de 9 milliards d'euros : sa disparition risque fort d'affaiblir ces mêmes collectivités qui, pendant la crise sanitaire, ont tenu le pays à bout de bras.

Quoi qu'il en soit, le résultat de ces mesures ne peut pas, ne doit pas leur être préjudiciable. La fiscalité représente une part prépondérante des recettes des communes et des EPCI : elle joue donc un rôle déterminant dans leur équilibre financier. Or, comme je n'ai eu de cesse de vous le signaler au mois de juillet, le mécanisme créé par l'État pour compenser ces pertes laisse de côté la majorité des collectivités territoriales ; plus précisément, ses critères conduisent à exclure celles qui, souvent au terme de plusieurs exercices difficiles, sont parvenues à gérer de manière efficiente leurs dépenses et leur endettement. Réellement, il convient de s'interroger devant ce dispositif qui réserve la compensation aux mauvais élèves au lieu de privilégier des critères objectifs – par exemple l'éligibilité à la DSU ou à la DSR cible, toutes deux attribuées aux communes les plus pauvres. Est-il prévu de revoir ces modalités au titre de l'année 2022 ? Qu'en est-il de la pérennisation du mécanisme pour 2023, alors que, je le répète, il devrait impérativement être ajusté ? Qu'en sera-t-il exactement du plafonnement de la hausse des prix de l'énergie pour le bloc local ?

Ces constats sont amers : il en résulte la prévision d'une forte dégradation en 2023 du niveau d'épargne brute, ainsi que la quasi-impossibilité d'une démarche financière prospective, pluriannuelle, qui seule permettrait de gérer au mieux les investissements nécessaires.

De plus, une mauvaise nouvelle n'arrivant jamais seule, les collectivités doivent désormais compter avec la hausse des taux d'intérêt. En début d'année, elles pouvaient encore financer leurs investissements par des emprunts à taux fixe et inférieur à 1 % sur quinze ou vingt ans. À présent, les offres sont moins sécurisées et beaucoup plus coûteuses : les taux fixes avoisinent les 3 % dans les banques qui en proposent encore, la plupart privilégiant des taux variables, lesquels rendent incertaine l'évolution de l'encours de la dette. Cette situation et le manque de visibilité risquent fort d'entraîner une baisse des programmes d'investissement qui se répercutera à son tour sur l'activité du secteur privé, notamment de la filière du BTP. Encore une fois, mauvaise nouvelle pour la France !

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