Intervention de Thomas Gassilloud

Séance en hémicycle du mardi 12 mars 2024 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à l'accord de sécurité franco-ukrainien et à la situation en ukraine suivie d'un débat et d'un vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Deux ans d'ingérence, d'agression et de crimes du côté de la Russie ; deux ans de guerre, de souffrance et d'héroïsme du côté de l'Ukraine. Ce triste anniversaire nous oblige à répondre à deux questions : que doit-on encore faire pour l'Ukraine ? Quelles leçons en tirer pour notre défense ?

La Russie a choisi la guerre et cherche à intimider tous ceux qui soutiennent l'Ukraine. À cette fin, elle utilise toutes les stratégies indirectes à sa disposition – désinformation, pression énergétique et alimentaire, cyberattaques. En s'en prenant à nous plus ou moins directement, en agitant le spectre de la cobelligérance et en essayant de se faire passer pour l'État agressé, la Russie cherche à fragiliser l'unité de nos nations démocratiques. Tomber dans ce piège serait irresponsable, tant le projet du régime russe dépasse les objectifs de conquête territoriale en Ukraine. Ce qui se joue aujourd'hui, c'est la capacité des démocraties à assumer un rapport de force qui déterminera l'avenir des relations internationales et conditionnera notre sécurité future.

Nous devons donc aider l'Ukraine à ne pas céder au chantage russe. Tel est le sens des engagements pris par les nations démocratiques qui signent les unes après les autres des accords politiques de solidarité pour faire plus et mieux. Tel est aussi le sens de l'accord signé par la France dès le 16 février : aider davantage l'Ukraine et signaler à la Russie que ses efforts pour nous décourager ont échoué.

Précisons toutefois que la France n'est pas en guerre contre la Russie. N'en déplaise aux propagandistes du Kremlin, son soutien s'inscrit strictement dans le cadre de la Charte des Nations unies. L'établissement d'un rapport de force favorable à l'Ukraine est un préalable nécessaire à un règlement politique du conflit, car une paix inconditionnelle avec l'agresseur serait une capitulation dangereuse. Nous devons donc assumer ce rapport de force.

Quelles leçons devons-nous tirer de cette situation pour notre défense ? L'Europe redécouvre tardivement que le monde est tragique, dangereux et parfois irrationnel, en tout cas au regard de nos logiques occidentales. Depuis trente ans, la France a moins baissé la garde que d'autres pays, en conservant des capacités militaires complètes et opérationnelles. Elle n'a toutefois pas échappé à l'illusion de pouvoir toucher les dividendes de la paix. Les lois de programmation militaire votées depuis 2017 parent au plus urgent en privilégiant la dissuasion, la cohérence et la réactivité de nos forces. Étant donné le monde qui se dessine sous nos yeux, nous ne pourrons cependant pas faire durablement l'impasse sur l'augmentation de nos moyens militaires si nous voulons parvenir à une autonomie stratégique européenne. Gardons en tête que même si l'effort de défense consenti actuellement est massif au vu de nos contraintes budgétaires, il reste dans les basses eaux si l'on considère l'effort militaire fourni depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Nous devons donc impérativement poursuivre le réarmement commencé en 2017.

Il nous faut ensuite réapprendre ce que doit être une économie de combat, capable de soutenir de façon réactive et massive nos forces, mais aussi nos partenaires. Nous sommes encore trop loin de cet objectif. Reconnaissons que le temps stratégique que nous a accordé la résistance ukrainienne depuis 2014 n'a pas été suffisamment exploité. C'est pourquoi je salue le travail structurant du ministre des armées, de la direction générale de l'armement et de nos industriels, ingénieurs et ouvriers pour développer nos capacités industrielles de défense.

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