Intervention de Rémi Bénos

Réunion du mardi 12 mars 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur le montage juridique et financier du projet d'autoroute a

Rémi Bénos, géographe :

La configuration des lieux mérite effectivement d'être visualisée.

Je veux insister sur un point essentiel du dossier : la rénovation de la RN126 n'a jamais été sérieusement envisagée. La question est soulevée aujourd'hui, en 2024, mais chacun sait que, dès 2007-2008, l'État a fait le choix d'une concession autoroutière au détriment de la rénovation de la route. Le 4 février 2009, la commission nationale du débat public a ainsi décidé de soumettre au débat public le « projet d'achèvement de la mise à deux fois deux voies de la liaison Castres-Toulouse par mise en concession autoroutière ». Ce débat a donc été lancé sans que l'on puisse débattre des alternatives possibles, qu'elles soient existantes ou à imaginer, routières ou ferroviaires. On peut y voir un échec de la procédure engagée mais aussi du processus de décision publique en général.

Les précédentes auditions menées par la commission, que nous avons pu suivre, montrent ainsi que la région Midi-Pyrénées était elle-même réservée sur le choix exprimé par l'État. Avec le soutien du conseil département de la Haute-Garonne et de plusieurs communes opposées au projet, elle a d'ailleurs cofinancé en 2016 une pré-étude portant sur l'aménagement sur place de la RN126, qui n'a jamais été approfondie.

Nous pensons que si le projet d'A69 suscite autant d'agitation quinze ans plus tard, c'est notamment parce que le choix autoroutier a été imposé sans débat ni étude préalable. Replaçons-nous dans le contexte de l'époque : en 2008-2009, ce sont des choix strictement budgétaires qui justifient le désinvestissement de l'État dans le domaine des infrastructures routières. Les directions départementales des routes sont alors réorganisées, les routes nationales étant notamment transférées aux départements. Les réformes décidées durant cette période sont marquées par ce que l'on appelle, en sciences sociales, le new public management. Ce cadre de pensée, apparu dans les années quatre-vingt-dix, promeut une réduction drastique des interventions de l'État-providence, une diminution du nombre de ses missions au plus bas niveau possible et une régulation sociale par le marché. Les géographes, dont je suis, ont démontré de longue date que les réformes de l'État qui en sont empreintes ont des effets importants sur les services publics, notamment dans les petites et moyennes villes. Le choix d'une autoroute concédée à une société privée plutôt que d'un réaménagement public de la RN126 en est une illustration.

On peut enfin s'interroger : défendrions-nous aujourd'hui le projet de réaménagement de la RN126 qui aurait pu être conçu en 2010 ? La réponse est non : nous devrions nous aussi revoir notre copie. Tout projet ancien d'infrastructure routière mérite d'être révisé au regard des incertitudes environnementales et énergétiques actuelles. Aujourd'hui, la conception d'une solution alternative à l'autoroute accorderait beaucoup plus d'importance au transport ferroviaire qu'il y a quinze ans, pour s'inscrire dans les transitions en cours et se conformer aux politiques publiques touchant à la décarbonation et à l'objectif zéro artificialisation nette, par exemple. Si les déviations existantes de Puylaurens et de Soual – qui ont été intégrées à la concession autoroutière – demeuraient accessibles à l'avenir, les quelques aménagements indispensables au niveau de Cuq-Toulza et sur quelques tronçons de la route nationale seraient d'une ampleur très limitée. Pour pouvoir les estimer plus précisément, il faudrait des études complémentaires à la pré-étude réalisée en 2016, mais ces études n'ont jamais été réalisées.

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