Intervention de Sabrina Agresti-Roubache

Séance en hémicycle du mercredi 27 mars 2024 à 14h00
Reconnaître le bénévolat de sécurité civile — Discussion d'une proposition de loi

Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la ville et de la citoyenneté :

Monsieur le rapporteur, cher Yannick Chenevard, je connais votre engagement sincère et total sur toutes les questions de défense, en particulier liées à la sécurité civile. En tant que Toulonnais, vous avez à cœur de les mettre en avant et nous vous en remercions.

Je souhaite tout d'abord avoir une pensée pour ces hommes et ces femmes engagés au quotidien pour la protection de toutes et tous. Je suis donc particulièrement heureuse d'être là avec vous pour aborder cet enjeu fondamental.

La sécurité civile recouvre une multitude d'acteurs dont nous souhaitons tous, individuellement, ne jamais avoir besoin, mais dont nous savons, collectivement, qu'ils sont indispensables à notre société. Ils sont présents sur tous les fronts pour sécuriser les différents événements ou pour nous porter secours, prendre en charge les sinistrés et les blessés.

Que vous ayez fait un malaise, été victime d'un accident de la route, que vous ayez participé à un grand événement ou subi les effets d'un phénomène climatique violent, vous trouverez toujours des femmes et des hommes en uniforme pour venir vous aider, vous épauler, vous secourir.

Qu'ils soient sapeurs-pompiers, professionnels, volontaires ou militaires, qu'ils soient démineurs, pilotes d'hélicoptère ou d'avion bombardier d'eau, qu'ils soient sapeurs-sauveteurs ou bénévoles des associations agréées de sécurité civile, ces acteurs multiples sont au service de nos concitoyens pour leur venir en aide lors de périodes de détresse.

Au sein de cette communauté du secours, nous devons aujourd'hui, sur votre proposition, monsieur le rapporteur, travailler à mieux reconnaître l'engagement des près de 200 000 bénévoles des associations agréées de sécurité civile. Fort de 14 associations d'envergure nationale et de plus de 600 associations locales, ce tissu intense maille l'ensemble de notre territoire et permet à chaque citoyen qui le souhaite de s'engager.

Leur champ d'action est également très large. Tout le monde identifie bien les associations que l'on croise au quotidien et qui accompagnent et secourent la population. Je pense notamment à la Croix-Rouge française, à la Fédération nationale de protection civile, à la Fédération des secouristes français de la Croix-Blanche, à l'Ordre de Malte, à l'Association nationale des premiers secours, à l'Union nationale des associations des secouristes et sauveteurs ou encore à la Fédération française de sauvetage et de secourisme.

Fortement engagées dans l'enseignement du secourisme et donc dans la résilience de la population, elles sont aussi toutes présentes dans l'organisation des plans de secours, les fameux plans Orsec – organisation de la réponse de sécurité civile – déclenchés par le préfet, mais également dans les dispositifs prévisionnels de secours nécessaires à l'organisation de tous les grands événements. Elles seront ainsi totalement intégrées aux dispositifs de secours dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques.

Leurs actions ont également été prépondérantes lors de la crise covid, qu'il s'agisse d'accompagner les personnes ou d'organiser des campagnes de dépistage et des centres de vaccination. Plus récemment, elles étaient présentes lors de la prise en charge et l'accompagnement des sinistrés du Pas-de-Calais.

On trouve également en leur sein des associations plus atypiques : la Société nationale de sauvetage en mer, chargée des secours en mer, mais qui surveille également les plages en période estivale ; le Spéléo secours français, qui intervient dès qu'un incident se déroule dans les cavités souterraines ; le Cedre, le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux, qui participe à la lutte contre les pollutions aquatiques ; le Bouclier bleu, mobilisé dans le cadre des plans Orsec pour protéger et préserver les biens et le patrimoine culturel.

Citons également deux associations plus transversales qui n'interviennent que dans le cas d'opérations de secours. Tout d'abord, la Fédération nationale des radioamateurs au service de la sécurité civile pallie les éventuelles défaillances des réseaux de télécommunication des acteurs du secours et intervient dans le cadre des plans de secours Sater – sauvetage aéroterrestre – qui organisent la recherche d'aéronefs. L'équipement des radioamateurs permet de trianguler les balises de détresses présentes dans chaque appareil et d'orienter les secours. Ensuite, les bénévoles de l'association Visov – Volontaires internationaux en soutien opérationnel virtuel – instaurent, dès le début d'une catastrophe, quelle que soit sa nature, une écoute et une surveillance des réseaux sociaux qui permet de donner des indications et d'orienter les services de secours.

La communauté des acteurs du secours couvre donc un grand nombre d'acteurs aux profils et aux engagements très différents. Ces quatorze associations d'envergure nationale constituent une véritable richesse que nous devons chérir.

C'est pourquoi, d'ailleurs, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a présenté lors du dernier conseil des ministres un projet de décret, adopté depuis, qui vise un triple objectif : simplifier les modalités d'habilitation sans pour autant réduire le niveau d'exigence des formations aux premiers secours ; alléger la charge administrative d'instruction des demandes par les préfectures pour leur permettre de se concentrer sur leur mission de contrôle des entités habilitées ; rendre plus lisible la réglementation applicable pour les acteurs du secourisme.

La loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite loi Matras, a déjà permis d'améliorer la reconnaissance de l'engagement des bénévoles de ces associations en faisant évoluer leurs missions et en introduisant la notion de reconnaissance par la nation de cet engagement citoyen. Cependant, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut aller plus loin.

Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, qui s'inspire de certains éléments propres aux sapeurs-pompiers volontaires, a été bâtie en respectant le parallélisme des formes, ce qui nous a d'ailleurs conduits à travailler ensemble pour maintenir une cohérence entre la situation des bénévoles et celle des volontaires. Dans cette perspective, la rédaction initiale de certaines dispositions a été modifiée pour qu'elles soient plus adaptées aux modalités d'engagement opérationnel des acteurs.

En effet, les associations qui font figurer la sécurité civile dans leur raison sociale peuvent bénéficier d'un agrément national ou départemental appartenant à une des quatre catégories suivantes : l'agrément A permet de participer à des opérations de secours dans le cadre de conventions avec les services d'incendie et de secours (Sdis) ou lors du déclenchement de plans Orsec ; l'agrément B permet d'assurer des missions de soutien et d'accompagnement des populations, ce qui est particulièrement utile pour les maires dans le cadre de leur plan communal de sauvegarde ; l'agrément C vise à encadrer les bénévoles spontanés, ce qui est également particulièrement utile dans le cadre des PCS mais qui demande des compétences très spécifiques ; l'agrément D autorise la tenue de dispositifs prévisionnels de secours (DPS) dans les rassemblements de personnes.

Les agréments liés à la formation font l'objet d'un autre dispositif d'habilitation qui vient justement d'être clarifié afin d'éviter les quiproquos liés aux appellations.

L'agrément de type D et l'habilitation à la formation sont particulièrement utiles à ces associations qui dépendent directement des financements qu'elles peuvent obtenir dans le cadre de ces actions. Les actions effectuées au titre des agréments A, B et C, qui correspondent aux engagements opérationnels, sont seulement financièrement compensées.

Dans le cadre de cette proposition de loi, diverses mesures visant à mieux reconnaître le bénévolat de sécurité civile seront débattues. Nombre d'entre elles portent sur les modalités permettant de faciliter l'engagement des bénévoles qui sont par ailleurs salariés de leur entreprise, d'autres sur les dispositifs propres de reconnaissance de cet engagement et les dernières sur les mécanismes fiscaux et de financement de ces associations.

Avec vous, monsieur le rapporteur, nous avons longuement travaillé pour bien définir le cadre de ces articles. Car si les bénévoles des associations agréées de sécurité civile et les sapeurs-pompiers volontaires sont complémentaires au quotidien, nous ne devons pas les opposer s'agissant de leur engagement et de la reconnaissance que nous pouvons leur exprimer.

Monsieur le rapporteur, vous avez cherché à trouver un juste équilibre, dans le respect de chaque acteur. Ainsi est-il prévu que les mesures de reconnaissance – analogues, pour une grande partie, aux dispositifs qui existent déjà pour les sapeurs-pompiers – ne profiteront qu'aux bénévoles ayant un engagement opérationnel de type A, B ou C.

Nous ne pouvons cependant pas suivre certaines propositions qui remettraient en cause des équilibres complexes comme la bonification des retraites ou l'assimilation à du temps de travail du temps passé en intervention.

Nous devrons aussi étudier un certain nombre de mesures fiscales et de financement. Vous comprendrez aisément qu'en cette période délicate pour les finances publiques, nous ayons un vrai débat sur ces questions et que, par souci de cohérence, celui-ci ait plutôt lieu au moment de l'examen du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le ministre de l'intérieur et des outre-mer lancera le 8 avril prochain un Beauvau de la sécurité civile dont les réunions doivent couvrir l'ensemble des aspects du secteur : les missions, les financements, les statuts, les moyens ou encore le continuum qui doit prévaloir entre la planification et le retour à la normale. Cette réflexion engagera l'ensemble des acteurs, de manière large et sans tabou, avec pour objectif de confronter notre dispositif à l'ensemble des enjeux. Elle permettra d'étudier l'organisation globale de la sécurité civile, ses différents acteurs, leurs organisations et leurs interactions. Car il est essentiel de maintenir une cohérence d'ensemble, chacune des forces en présence devant trouver sa juste place au bénéfice de la population et des sinistrés.

Aussi le Gouvernement rejoint-il le rapporteur et l'ensemble des cosignataires de ce texte sur l'objectif de reconnaître et valoriser l'engagement citoyen comme bénévole de sécurité civile. Si nous sommes donc favorables à l'esprit de la proposition de loi, nous divergeons cependant sur quelques articles, plus pour des questions de temporalité et de cohérence de l'ensemble du dispositif de sécurité civile que pour des raisons de fond.

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