Intervention de Nadège Abomangoli

Séance en hémicycle du jeudi 28 mars 2024 à 9h00
Discrimination capillaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNadège Abomangoli :

Je voudrais remercier M. Serva ainsi que les différents orateurs qui ont défendu cette proposition de loi.

Il est vrai que, depuis plusieurs semaines, celle-ci était l'objet de quelques sarcasmes dans les couloirs de l'Assemblée. Il s'agit pourtant d'un texte important. Chacune, chacun, à sa manière, a expliqué en quoi le cheveu pouvait être politique – au sens de ce qui est relatif à l'organisation d'un pays, de la manière dont les citoyennes et les citoyens trouvent une place dans la société.

Notre collègue du MODEM a utilement expliqué que le cheveu pouvait être un outil de revendication ou de révolte contre les normes dominantes. Elle a souligné que l'afro était une forme de revendication pour les droits civiques et la fierté noire dans une Amérique ségrégationniste. Les cheveux longs des hippies, avides de liberté, ont eux aussi été mentionnés. Ma collègue Danièle Obono a rappelé des réalités historiques : à partir du physique et, singulièrement, du cheveu crépu, l'infériorisation des personnes noires a été monnaie courante, a battu son plein, a justifié le racisme, l'esclavage et la division du travail social dans le monde, donc la déportation de millions de personnes.

« Non professionnels », « sales », « négligés » : ce que disent ceux qui sont racistes, de manière délibérée ou inconsciente, à propos des cheveux de telle ou telle personne, définit implicitement ce qu'ils pensent d'elle. Un tel texte ne doit donc pas prêter à sourire : il doit nous inciter à agir contre le racisme systémique qui irrigue tous les secteurs de notre société. Quand les discriminations capillaires sont telles qu'elles ont pour conséquences des discriminations à l'embauche, c'est qu'elles répondent à une logique de racisme systémique. Et quand les personnes concernées, qui sont des millions, intériorisent elles-mêmes ces formes de discrimination, ce n'est pas un petit sujet ! Pour ma part, j'ai déjà conseillé à mon fils de couper ses locks pour se rendre à son stage en entreprise, alors qu'il ne faisait que suivre une mode qui n'empêche en rien la reconnaissance de ses qualités intellectuelles et professionnelles.

Le racisme systémique, ce n'est pas l'addition des dérapages racistes individuels, comme beaucoup ici semblent le penser. Ce n'est pas non plus le racisme d'État, madame la ministre : votre définition n'est pas la bonne. Le racisme d'État, c'est par exemple ce qui a prévalu en Afrique du Sud au moment de l'apartheid, ou en France lorsque les lois antijuives de Pétain étaient en vigueur. Le racisme systémique, lui, renvoie au fait que les structures d'une société donnée reproduisent des inégalités fondées sur un processus de racialisation.

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