Intervention de Achraf Amer

Séance en hémicycle du mercredi 3 avril 2024 à 14h00
Conditions d'accueil des enfants placés à l'aide sociale à l'enfance

Achraf Amer, ancien enfant placé, membre du comité de vigilance des enfants placés :

Merci aux députés des groupes Insoumis et Écologiste d'être à l'origine de ce débat. Je vais vous conter une histoire qui est la mienne mais qui est aussi celle de centaines de milliers d'enfants.

J'avais 2 ans et demi quand j'ai été placé par l'aide sociale l'enfance du Vaucluse. Jusqu'à mes 3 ans, j'étais en pouponnière avec mes petites sœurs. J'ai ensuite été séparé d'elles : nous avons été dans deux familles d'accueil différentes. L'ironie de l'histoire, c'est qu'elles étaient à 600 mètres l'une de l'autre et que, de mes 3 ans jusqu'à mes 11 ans, nous n'avons jamais eu le droit de nous voir. Décision de la justice ou de l'autre famille d'accueil – pas de la mienne en tout cas –, il y a eu là un problème qui selon moi est très grave.

Ma grande sœur, elle, avait déjà 12 ans quand elle a été placée. Elle a fait le choix de fuguer pour retourner chez ma mère. C'est la seule avec qui je suis encore en contact. Elle est d'ailleurs sûrement en train de me regarder.

À 11 ans, cela a été l'arrivée au collège et aussi le commencement des bêtises, des conneries, on peut le dire. Ma famille d'accueil a fait une demande à l'aide sociale à l'enfance du Vaucluse qui n'a rien trouvé de mieux que de m'enlever de chez elle pour me mettre dans une autre famille d'accueil. Tout le monde le comprendra : on ne peut pas déplacer un enfant de famille d'accueil en famille d'accueil comme ça ! C'est impossible !

Je me suis retrouvé dans une maison d'enfants à caractère social (Mecs) à Orange pendant trois ou quatre années pendant lesquelles j'ai été scolarisé dans quatre collèges différents parce que j'ai été exclu. Exclu, pas parce que j'étais un mauvais enfant mais parce que j'étais débordé émotionnellement par plein de choses : la séparation d'avec ma fratrie, le placement, qui est une chose terrible, le fait d'avoir chaque année à passer devant le juge, situation hyper dure pour un enfant.

Puis, on m'a mis dans un autre foyer, à Avignon. Et quand j'ai eu 18 ans, on a fait pour moi une demande de contrat jeune majeur, enfin, pour être exact d'accueil provisoire jeune majeur (APJM) car le contrat jeune majeur n'existe pas. Je voulais partir du Vaucluse car j'étais là-bas trop proche de ma famille, de ma mère avec qui je ne m'entendais pas du tout et dont j'ai toujours peur – je n'ai plus de contact avec elle. La condition pour avoir un contrat de jeune majeur était que je trouve un apprentissage. Il a fallu que je fasse tout seul des allers et retours d'Avignon à Montpellier où j'ai réussi à trouver une place d'apprenti. J'ai même réussi mon CAP – certificat d'aptitude professionnelle –, sans continuer dans cette voie car je travaille maintenant dans l'humanitaire.

Je m'arrête là : je n'ai pas besoin de cinq minutes entières pour raconter mon histoire et des questions vont être posées. Je veux remercier les familles d'accueil et les travailleurs sociaux qui tous les jours se battent. Même si c'est parfois compliqué, ils sont là. Sans eux, peut-être que je serais mort.

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