Intervention de Virginie Lanlo

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 21h45
Accompagnement humain des élèves en situation de handicap — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Lanlo, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Un sénateur que je connais bien puisque nous avons siégé ensemble à la commission éducation de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) pendant de nombreuses années. Impliqués depuis longtemps sur les sujets liés au handicap, nous avons la même conviction : il faut éviter les ruptures de parcours.

Ce texte a été voté à l'unanimité au Sénat, ainsi qu'en commission à l'Assemblée le 3 avril dernier. J'espère qu'il en sera de même ce soir en séance.

Tous les acteurs que nous avons auditionnés sont favorables à la proposition de loi : associations impliquées dans le handicap, collectivités locales, bien entendu, mais aussi représentants des MDPH. La Défenseure des droits m'a également fait part de son intérêt pour le texte.

Reste qu'une partie de ces acteurs – c'est aussi mon cas – considère qu'il ne s'agit que d'une étape et qu'il faudra aller plus loin car nos enfants en situation de handicap ne le sont pas uniquement pendant le temps scolaire et pendant la pause méridienne. Il faut repenser leur parcours de vie en simplifiant et en améliorant la cohérence des notifications des MDPH, afin d'éviter aux familles de devoir faire valoir les besoins de leurs enfants et de formuler des demandes à plusieurs reprises et auprès de plusieurs entités – notamment les collectivités locales.

Bien sûr, les besoins de chaque enfant lui sont propres, et ces enfants n'exigent pas systématiquement une aide humaine, individuelle ou collective.

Ensuite, cette proposition de loi s'inscrit dans une suite de textes en faveur de l'inclusion scolaire. Ainsi, en dépit des problèmes rencontrés sur le terrain et de nombreuses autres difficultés, qu'il ne faut pas occulter, force est de reconnaître que la prise en charge des élèves en situation de handicap en milieu scolaire ordinaire a progressé depuis la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le principe de l'inclusion scolaire a en outre été renforcé par les lois successives du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

La scolarisation inclusive de tous les enfants, sans distinction aucune, est inscrite dans les objectifs de l'éducation, au-delà des seuls enfants en situation de handicap d'ailleurs – même si c'est d'abord à eux que l'on pense. La preuve de la progression de la scolarisation inclusive en milieu ordinaire : depuis 2006, le nombre des élèves concernés a quadruplé, passant de moins de 120 000 à presque 480 000 à la rentrée 2023.

Enfin, sans les AESH, le principe de la scolarisation inclusive resterait lettre morte. C'est un métier difficile que nous devons continuer à valoriser par une meilleure reconnaissance et une appartenance pleine et entière à la communauté éducative. Ils sont mal rémunérés du fait de temps de travail incomplets – identiques au temps scolaire, soit vingt-quatre heures par semaine.

En dépit de toutes ces difficultés, les chiffres sont parlants : de moins de 53 000 équivalents temps plein en 2017, on est passé à environ 85 000 aujourd'hui, pour un nombre d'agents estimé à environ 133 700, selon les données transmises par le ministère de l'éducation nationale.

Alors qu'ils étaient personnels d'assistance particulière dans les années 1980, puis auxiliaires de vie sociale (AVS) dans les années 2000, les AESH sont désormais recrutés en contrat de droit public pour une durée minimale de trois ans, bénéficiant notamment d'un droit à formation de soixante heures.

Cependant, le métier reste peu attractif. La Défenseure des droits l'a rappelé dans son rapport de 2022 : la précarité de la fonction s'accompagne d'un fort sentiment de manque de reconnaissance et d'isolement au sein de la communauté éducative. Beaucoup d'AESH regrettent de ne pouvoir dialoguer régulièrement avec leurs pairs, mais aussi avec la communauté éducative, tant sur le quotidien que sur leurs pratiques. C'est aussi une question de rémunération puisqu'ils travaillent à temps incomplet.

Si nous considérons que la communauté éducative ne s'arrête pas aux murs de l'école, qu'elle est constituée de toutes celles et ceux qui prennent en charge les enfants sur d'autres temps que le seul temps scolaire, et que l'élève en situation de handicap est avant tout un enfant qui doit pouvoir bénéficier d'un parcours sans rupture, ne nous faudra-t-il pas repenser les missions des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, en les élargissant au-delà de l'école pour en faire les accompagnants des enfants en situation de handicap ?

Ce contexte et ce constat énoncés, venons-en à la proposition de loi. Que dit-elle et qu'apporte-t-elle exactement ? D'abord, ce qu'elle dit se résume en une phrase : l'accompagnement des enfants en situation de handicap pendant la pause méridienne sera désormais pris en charge par l'État. C'est une décision importante venant clore une séquence d'incertitudes et de confusion qui dure depuis plus de trois ans et a parfois eu pour effet d'interrompre l'accompagnement des enfants pendant le temps méridien, la collectivité n'ayant pas forcément pris le relais à la suite du désengagement de l'État.

Ensuite, qu'apporte cette proposition de loi, qui fait de l'État l'unique employeur des AESH intervenant pendant le temps scolaire et la pause méridienne ? Premièrement, en ce qui concerne les familles, elle tend à favoriser la continuité de l'accompagnement par un AESH pendant la pause méridienne. C'est un enjeu fondamental car le système doit être organisé en premier lieu pour assister le jeune et sa famille. Cela simplifiera la vie des familles qui ne seront plus contraintes de solliciter les deux autorités publiques – État d'un côté, collectivité de l'autre – en constituant deux dossiers distincts.

Deuxièmement, la proposition de loi simplifie la vie des AESH. Actuellement, ils ont deux contrats indépendants l'un de l'autre, ce qui peut compromettre leur temps de repos si les employeurs ne s'entendent pas dans l'organisation des emplois du temps. Le texte apportera une clarification puisqu'il n'y aura plus qu'un seul contrat pour les deux temps. Il permettra également aux AESH de tendre vers un temps presque complet, en ajoutant aux vingt-quatre heures de temps scolaire huit heures de pause méridienne. Ce n'est pas encore un temps complet, certes, mais on s'en approche.

Troisièmement, enfin, la proposition de loi réduira les inégalités entre les territoires, ce qui profitera aux familles et aux enfants. Actuellement, en effet, l'accompagnement diffère selon les communes : certaines prennent en charge la pause méridienne – parfois parce que c'est l'État lui-même qui met gratuitement à disposition un AESH – tandis que d'autres ne le font pas.

Voilà en quelques mots les principaux enjeux du texte qui, je l'ai dit, doit être considéré comme une étape : il n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes. J'ai déjà évoqué les difficultés liées à l'attractivité du métier d'AESH ; je n'y reviens donc pas. Cette proposition, j'en suis persuadée, va dans le bon sens pour les AESH, mais son champ d'action devra être complété.

Avant de conclure, je souhaite aborder la question des MDPH. Actuellement – cela a été rappelé par leurs représentants lors des auditions –, les notifications transmises par les MDPH qui concernent l'accompagnement pendant la pause méridienne montrent une absence complète d'homogénéité. Certaines MDPH n'abordent pas le sujet, d'autres font de simples préconisations, d'autres enfin font des prescriptions dont on peine à savoir si elles ouvrent des droits opposables, comme c'est le cas pour les prescriptions concernant le temps scolaire. C'est un sujet qu'il faudra étudier dans un avenir proche si nous voulons mener une politique homogène sur l'ensemble du territoire.

Vous l'aurez compris, engagée depuis plus de quinze ans sur les sujets éducatifs, je considère qu'il nous appartient de décloisonner l'organisation des temps de l'enfant, afin de lui assurer un parcours de vie sans rupture. Voilà, chers collègues, ce que je souhaitais préciser pour la défense de ce texte qui, j'en suis persuadée, saura recueillir une large majorité voire l'unanimité car c'est là une première étape attendue par les familles et leurs enfants.

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