Intervention de Lionel Causse

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2024 à 15h00
Discussion d'une proposition de loi — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Causse, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

J'ai l'honneur de soumettre à la représentation nationale ma proposition relative au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), après des semaines de débats enrichissants avec les acteurs du secteur et toutes les parties prenantes à l'Assemblée nationale.

Rappelons que le Haut Conseil a été créé en 2013 pour assurer la surveillance macroprudentielle du système financier dans son ensemble et en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. Le HCSF est également chargé de faciliter la coopération et l'échange d'informations entre les institutions que ses membres représentent. Ces échanges permettent de limiter l'existence d'angles morts dans la surveillance et de mieux prendre en compte les risques liés aux interconnexions entre les différents acteurs ou secteurs comme aux interactions entre les réglementations.

Dans le cadre de sa mission, le Haut Conseil de stabilité financière a été amené à déterminer les conditions d'octroi des prêts immobiliers. Les critères qu'il a établis ont d'abord fait l'objet de recommandations, notamment en 2019, avant de devenir contraignants en 2021.

Le HCSF a défini des normes pour éviter que les emprunteurs ne s'endettent excessivement : le taux d'endettement individuel ne doit pas dépasser 35 % des revenus et la durée du prêt ne peut excéder vingt-cinq ans. Les banques peuvent toutefois bénéficier d'une dérogation pour 20 % des crédits immobiliers qu'elles accordent, sous certaines conditions.

De nombreux observateurs considèrent que de telles contraintes empêchent les établissements bancaires d'apprécier eux-mêmes le risque d'endettement excessif de l'emprunteur, et constituent une entrave à l'octroi de crédits. Les acteurs auditionnés, parmi lesquels la Banque de France, ont pourtant reconnu la solidité du marché français du crédit immobilier : il s'appuie sur des taux fixes bas, les marges bancaires sont limitées et le secteur présente une très faible sinistralité. L'aptitude des banques à évaluer correctement la capacité de remboursement des emprunteurs est unanimement admise ; la pratique du prêt responsable, qui y fait office de doctrine, a permis au marché français de l'accession à la propriété de surmonter de nombreuses crises.

Le dépôt de cette proposition de loi a été motivé par plusieurs constats. L'octroi de crédits immobiliers est en forte baisse : seuls 780 000 crédits immobiliers ont été accordés en 2023, soit presque moitié moins qu'en 2021, avant l'entrée en vigueur des normes contraignantes définies par le HCSF. Cette diminution du volume se reflète aussi sur les montants : 7,6 milliards d'euros de crédit à l'habitat – hors renégociations – ont été accordés en janvier 2024. Il faut remonter jusqu'en 2014 pour trouver un chiffre plus bas. Enfin, l'emprunteur doit fournir un effort de plus en plus important : au quatrième trimestre de 2022, l'apport personnel moyen était supérieur de 43,5 % à ce qu'il était au quatrième trimestre de 2019.

Il y a cinq ans, l'édiction de normes par le HCSF avait été motivée par la nécessité d'éviter une surchauffe du crédit immobilier. Alors que les prix demeurent élevés, la hausse des taux et l'attentisme des ménages ne permettent plus d'en justifier l'application : il faut relancer la machine. Si on observe depuis quelques mois l'amorce d'une baisse des taux d'intérêt, le pourcentage de propriétaires en France continue de stagner. Il est de notre responsabilité d'accompagner les ménages dans leur projet d'avenir et de restaurer la confiance tant espérée par le secteur bancaire. Pour cela, il convient de réformer le Haut Conseil de stabilité financière.

Il revient à la représentation nationale de se saisir de ce sujet au moment où nous traversons une crise du logement que personne ici ne contestera. Cette crise est protéiforme et profonde ; je ne prétends pas l'enrayer par cette proposition de loi, qui n'apporte pas une solution à tous nos maux. En ouvrant le marché de la propriété à des ménages parfaitement solvables qui pouvaient autrefois se heurter aux critères établis par le HCSF, elle apporte toutefois une pierre à l'édifice. La crise de l'accession à la propriété est un pan de la crise du logement : elle doit d'autant plus nous mobiliser que l'attachement à la propriété reste très fort en France.

En prenant à bras-le-corps le sujet du HCSF, notre assemblée se donne les moyens d'en démocratiser le fonctionnement et d'en questionner la rigidité. Comme je l'ai dit en commission, cette proposition de loi n'a pas non plus pour ambition de remettre en cause l'indépendance du HCSF, ni son pouvoir normatif.

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