Intervention de Mathilde Paris

Séance en hémicycle du jeudi 2 mai 2024 à 9h00
Améliorer le repérage et l'accompagnement des personnes présentant des troubles du neurodéveloppement et favoriser le répit des proches aidants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Paris :

Alors que nous entamons la discussion de la présente proposition de loi, permettez-moi de témoigner, en tant que maman d'un enfant souffrant d'un trouble du neurodéveloppement, du sentiment de désemparement, d'impuissance, de solitude et de souffrance auquel sont confrontées les familles au quotidien.

La France est très en retard en matière de repérage et de prise en charge des enfants neuro-atypiques. La maman que je suis se bat depuis dix ans pour son fils. C'est un véritable parcours du combattant, dans lequel on évolue souvent bien seul, et encore plus lorsque l'on vit dans un territoire rural frappé par la désertification médicale.

Derrière les lignes de cette proposition de loi, je veux vous parler de la réalité de la vie des familles ballottées entre médecins et professionnels de santé, envoyées vers les centres d'action médico-sociale précoce (Camsp), puis vers les centres médico-psychologiques pour enfants (CMPE), des délais insoutenables avant d'obtenir une prise en charge et de la rupture de celle-ci, des kilomètres parcourus chaque semaine pour le marathon continuel des rendez-vous, des difficultés à poser, enfin, le bon diagnostic de troubles dont les signes sont parfois déconcertants.

La scolarisation est, elle aussi, un chemin éprouvant. L'école est à la fois un lieu d'apprentissage et de socialisation. Toutefois, pour un enfant qui ne sait pas comment interagir avec ses pairs, et encore moins au sein d'un groupe, pour lequel le moindre changement peut provoquer une réaction émotionnelle disproportionnée, au risque de le mettre en grave danger, un enfant dont le monde est étranger à celui des autres, ces années peuvent être source de souffrance, faute d'un véritable accompagnement.

Aussi la première partie de la proposition de loi, qui vise à améliorer les conditions de scolarisation des enfants présentant un TND, est-elle particulièrement importante. Pourtant, les dispositions prévues sont bien trop insuffisantes. En effet, rien n'est évoqué sur la question essentielle des AESH, dont nous manquons cruellement et sans lesquelles l'école inclusive n'est pas possible. Rien de concret n'est indiqué non plus concernant la formation des enseignants, qui est primordiale et reste trop théorique : face à un élève qui présente un TND, ils se sentent bien seuls. Il faudrait mettre à leur disposition une boîte à outils adaptée à chaque type de troubles du neurodéveloppement, comprenant à la fois des outils pédagogiques à même d'être déployés, du matériel adapté et des conseils sur le comportement à adopter. Les enseignants ont également besoin de disposer d'un interlocuteur identifié auquel s'adresser. Enfin, rien n'est prévu pour garantir une meilleure inclusion des élèves neuro-atypiques dans le groupe-classe et prévenir tout harcèlement, alors qu'il est indispensable de préparer les autres élèves à l'accueil d'un enfant présentant un TND.

La deuxième partie du texte vise à établir un diagnostic précoce des troubles du neurodéveloppement. Les TND sont, pour la plupart, des handicaps invisibles, dont les signaux sont souvent difficiles à déceler par l'entourage. Les diagnostics tardifs, retardant une prise en charge adaptée, conduisent à de véritables pertes de chances pour les enfants qui présentent un TND et entraînent des tensions et des souffrances dans la sphère familiale. La généralisation des diagnostics à l'ensemble des enfants, à 18 mois et à 6 ans, est donc essentielle.

En revanche, si le périmètre des professionnels de santé habilités à réaliser ces diagnostics n'est pas élargi, nous allons droit à la catastrophe. Or, en l'état actuel, l'article 6 risque de produire les effets inverses de ceux recherchés. En effet, face à la désertification médicale, le délai pour obtenir un diagnostic est d'un an environ. L'élargissement des examens de repérage à tous les enfants provoquera inéluctablement un allongement important des délais d'obtention d'un rendez-vous pour l'établissement d'un diagnostic et retardera d'autant la prise en charge des enfants qui présentent réellement un TND. Par conséquent, au lieu d'améliorer le repérage précoce et la prise en charge des enfants, l'article, tel que rédigé, l'aggravera. C'est pourquoi j'avais déposé un amendement à ce sujet ; toutefois, de manière incompréhensible, il a été jugé irrecevable.

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