Intervention de François Braun

Séance en hémicycle du jeudi 20 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Présentation

François Braun, ministre de la santé et de la prévention :

Le PLFSS pour 2023 est d'abord un texte d'ambition pour l'avenir, qui s'attaque à plusieurs fronts essentiels pour la santé des Français. Le premier engagement du Gouvernement est de développer résolument la prévention : l'intitulé de mon ministère n'est pas dû au hasard et je sais que nous avons beaucoup à gagner collectivement à mieux prévenir. Trop de nos concitoyens meurent encore de pathologies qui pourraient être évitées : actuellement, encore quatre cancers sur dix et huit maladies cardiovasculaires sur dix en France seraient évitables.

Ma conviction, c'est qu'il n'y a pas, d'un côté, le soin, les lits d'hospitalisation, la démographie médicale et, de l'autre, la prévention, la promotion de la santé, le travail sur les déterminants. Nous devons avancer sur tous ces fronts de manière coordonnée et cohérente. Afin de faire entrer la prévention dans le quotidien des Français tout au long de la vie, le PLFSS déploie donc des rendez-vous de prévention qui seront pris en charge à 100 % par l'assurance maladie. Ces bilans de santé seront réalisés à trois âges clés de la vie : à 25 ans, pour viser les étudiants et les jeunes actifs, à 45 ans, pour dépister, par exemple, précocement les cas de cancer et à 65 ans, pour prévenir la perte d'autonomie. Avec ces rendez-vous de prévention, je souhaite que nous puissions aller vers tous les Français, principalement les plus éloignés du soin, et je serai vigilant à ce que nous puissions les déployer dans l'ensemble des territoires. Loin d'être des bilans de santé sans lendemain, ils seront aussi des portes d'entrée vers un parcours de soins adapté à chacun.

J'ai entendu les propositions d'enrichissement, venant de tous les bords, formulées lors des travaux en commission, pour que ces rendez-vous prennent en compte certains enjeux de santé publique, tels que la santé mentale qui constitue un défi majeur pour notre société. En vue de l'examen en séance, vous avez proposé des amendements visant à clarifier la rédaction de ces apports et le Gouvernement y souscrit.

Mieux prévenir, cela implique aussi de recourir plus facilement à la vaccination. La pandémie de covid-19 a montré à quel point se vacciner permet de se protéger. Nous avons donc décidé d'élargir, sur la recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS), l'accès à la prescription de vaccins aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmiers, autant d'acteurs du quotidien de la santé de nos concitoyens. Dans la lignée de ce que nous avons su faire lors de la crise sanitaire, je souhaite que nous allions plus loin, comme le proposent plusieurs amendements, en ouvrant la possibilité aux étudiants en sixième année de pharmacie de vacciner.

Enfin, mieux prévenir, c'est aussi mieux prendre soin de la santé sexuelle et de la santé des femmes. Le Gouvernement en a fait l'un des engagements forts du présent PLFSS. Les cas d'infections sexuellement transmissibles (IST) augmentent, notamment chez les jeunes. Désormais, les dépistages d'IST autres que le VIH seront possibles sans ordonnance et pris en charge à 100 % pour les moins de 26 ans. De même, à l'heure où les femmes voient le droit de disposer de leur corps reculer dans de nombreux pays, je souhaite affirmer ici la détermination du Gouvernement à garantir et à renforcer l'effectivité de ce droit. Je sais d'ailleurs qu'il s'agit d'un combat du groupe Renaissance, auquel j'apporte mon soutien. C'est pourquoi, alors que 10 % seulement des contraceptions d'urgence sont remboursés actuellement, nous élargissons dans ce PLFSS la délivrance gratuite de la contraception d'urgence à toutes les femmes, quel que soit leur âge. Vous avez souhaité que cet élargissement s'accompagne d'une information renforcée : c'est un apport bienvenu pour accompagner au mieux les femmes de notre pays.

Le deuxième volet que défend le Gouvernement concerne la lutte contre toutes les inégalités d'accès à la santé, qui abîment notre pacte social. Il s'agit d'un enjeu de justice sociale, à l'heure où près de 4 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en professionnels de santé, et alors que nous savons que les choix passés joueront encore défavorablement sur la démographie médicale ces prochains mois, voire ces prochaines années : 6 millions de Français ne disposent pas d'un médecin traitant et, parmi eux, 600 000 souffrent d'une affection de longue durée. Cette situation n'est plus acceptable et mon rôle, avec le concours de chacun, est d'y apporter des solutions.

Comment combattre ce fléau ? Mon approche est double. D'une part, elle repose sur la concertation entre les professionnels, les citoyens, les administrations et les élus d'un territoire, dans une logique de responsabilité collective et de droits et devoirs. C'est dans cet esprit que j'ai lancé, avec Agnès Firmin Le Bodo, le CNR santé. Je me réjouis que nous puissions avancer, grâce à votre travail, sur l'organisation collective et interprofessionnelle de la permanence des soins. Il s'agit de garantir partout, sans exception, l'accès à des soins non programmés de qualité. Plus structurellement, donner accès à la santé exige de mobiliser tous les leviers disponibles pour augmenter le temps médical dans les territoires les plus fragiles. Je suis convaincu que, même en tenant compte de la démographie médicale actuelle, il est possible de garantir à tous les Français un accès équitable à la santé, en changeant les façons de travailler.

D'autre part, je veux proposer une boîte à outils au service des territoires, en vue d'améliorer l'accès à la santé dans tout le pays. Le présent projet de loi comprend ainsi plusieurs mesures, dont je citerai certaines : depuis le milieu des années 2000, plusieurs dispositifs d'aides à l'installation et au maintien en zone sous-dense ont été déployés, afin de tenter de corriger la répartition déséquilibrée des médecins dans le territoire. Ces dispositifs, de plus en plus nombreux et fragmentés, ont un coût important pour une efficacité relative. Pourtant, ces démarches doivent rester ce qu'elles sont : une opportunité pour les médecins et non un défi. Nous améliorons donc l'impact des aides à l'installation et au maintien en favorisant leur lisibilité, dans la lignée de l'engagement du Gouvernement en faveur de la simplification administrative. Afin de mieux accompagner les professionnels dans cette installation et faire masse des efforts des élus, de l'État et de l'assurance maladie, nous souhaitons en outre créer un guichet unique dans chaque département. Lors de l'examen du texte en commission, vous avez souhaité inscrire ce principe explicitement dans le PLFSS et je soutiens cet apport pertinent.

Nous prévoyons aussi la création d'une quatrième année d'internat de médecine générale. C'était une promesse faite aux Français par le Président de la République lors de la campagne : nous la tenons. Je tiens à dire les choses d'emblée : il ne s'agit en aucun cas d'envoyer les internes en médecine « au front », comme je l'entends parfois, ni de « boucher les trous ». Cette évolution vise, au contraire, à renforcer la formation des futurs médecins généralistes, pour leur permettre, en sortie d'internat, d'être autonomes et mieux à même de s'installer et de gérer un cabinet médical. Ils seront, durant cette année, accompagnés par un maître de stage universitaire, ce qui leur permettra d'être mieux formés avant d'exercer. Vous avez souhaité, lors de vos travaux en commission, rappeler, par plusieurs amendements, la nécessité d'un encadrement de qualité et vous avez raison.

Alors oui : pour aider les territoires, nous incitons les internes à réaliser leur année de stage en priorité dans des zones sous-denses. Mais cela ne se fera en aucun cas au prix de la qualité de l'encadrement. Une concertation est ouverte avec tous, avec l'appui de quatre professionnels engagés, pour trouver les modalités adaptées de cette quatrième année. Je remercie toutes les propositions constructives qui ont d'ores et déjà été exprimées dans le cadre de cette réflexion.

Je veux également parler de l'enjeu, dans le contexte que nous connaissons, d'accompagner les professionnels dans leur maintien en activité ou leur retour au travail lorsqu'ils sont à la retraite mais que le métier leur manque – j'en connais beaucoup dans ce cas. Pour ce faire, le Gouvernement a déposé un amendement visant à ce que les médecins qui reprennent leur activité soient exonérés de cotisation retraite pendant un an. L'objectif est de leur envoyer un signal fort : « Nous avons besoin de vous ! »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion