Intervention de Laurent Panifous

Séance en hémicycle du jeudi 20 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Panifous :

Le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature nous est présenté dans un contexte bien particulier. Les crises s'enchaînent. Les personnels et les institutions vivent dans l'incertitude et l'inquiétude. Les Français attendent de ce texte qu'il tire les conséquences de la situation et qu'il fixe des perspectives positives pour les prochaines années. L'exercice est ardu, j'en conviens, d'autant que la crise sanitaire a fortement dégradé les comptes sociaux, et pour longtemps, et que le texte ne peut à lui seul apporter les solutions à tous les défis auxquels fait face notre système de protection sociale.

Assurément, nous en attendions davantage. Où est l'ambition ? Où est la trajectoire ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 est un texte timide, alors que les urgences et les attentes sont grandes ! En vérité, la déception tient moins à ce que contient le texte qu'à ce qu'il ne contient pas. Car il reste muet sur bien des chantiers essentiels. Je veux revenir sur ces silences.

L'accès aux soins, pour commencer, est tout juste effleuré. Il constitue pourtant un enjeu crucial dans nos territoires où les difficultés d'accès à un professionnel de santé sont grandissantes. Compte tenu de la pénurie de médecins, comment nos concitoyens accéderont-ils aux nouvelles consultations de prévention, dont nous saluons toutefois l'idée ? De même, la création d'une année supplémentaire d'internat en médecine générale se heurtera au problème de la désertification médicale. Sans maîtres de stage dans les territoires sous-dotés, comment garantir l'existence même de ces stages ? En lien avec le groupe de travail transpartisan sur les déserts médicaux, nous proposerons que cette quatrième année se déroule non pas sous le statut d'interne, mais sous le statut de médecin adjoint. Faute de quoi, elle n'atteindra pas son objectif.

Nous y revenons à chaque fois : la question de la pénurie de médecins et de leur inégale répartition est loin d'être résolue. Pour lutter contre la désertification médicale, il n'y a pas de solution miracle. Nous devons utiliser un arsenal d'outils. Ne nous privons d'aucun levier pour améliorer concrètement l'accès aux soins pour tous. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires appelle notamment le Gouvernement à développer l'exercice en pratique avancée des professionnels paramédicaux et la délégation de tâche. Car c'est bien de temps médical disponible que nous avons besoin !

Je me réjouis donc des deux propositions transpartisanes adoptées par la commission des affaires sociales : l'organisation par le Conseil national de l'Ordre des médecins de consultations dans les territoires sous-dotés ; l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée en exercice coordonné. Quelle garantie avons-nous cependant que ces avancées figureront dans le texte final ? Nous savons que le Gouvernement aura recours tôt ou tard au 49.3. Que restera-t-il donc des mesures adoptées en séance ? Au-delà de la désertification médicale, le droit à l'accès aux soins pour tous exige que nous remédiions à la crise de l'hôpital public.

Or, pour la première fois depuis le Ségur de la santé, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne mentionne pas la question des revalorisations salariales des personnels de santé. Est-ce à dire que le sujet est clos pour le Gouvernement et que les oubliés du Ségur, encore nombreux, le seront définitivement ? La question mérite d'autant plus d'être posée que les moyens des hôpitaux sont fort contraints. L'inflation et la crise énergétique se sont ajoutées à la crise sanitaire. Tous les établissements nous alertent sur l'insuffisante hausse de l'Ondam, bien que réelle, au regard de l'augmentation impressionnante des coûts qui pèsent sur les dépenses de fonctionnement comme sur les projets d'investissement.

Autre grand absent du texte : le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie. Chacun de nous est pourtant conscient de l'état critique de ce secteur essentiel, silencieusement sinistré. Cette situation est en totale contradiction avec notre aspiration à une société bienveillante, du « prendre soin ». Alors que nous sortons à peine d'une épidémie qui a abîmé les corps comme les esprits, comment expliquer cet oubli ?

Permettez-moi d'insister sur un sujet qui constitue une priorité absolue pour notre groupe : l'absence de mesures et de moyens ambitieux en faveur de l'autonomie nous étonne, alors que la crise sanitaire a fait payer un lourd tribut à nos aînés, en particulier à ceux qui résident dans les Ehpad. Paradoxalement, la crise sanitaire a semblé enterrer le projet de loi « grand âge et autonomie », si attendu par les professionnels et les usagers, et cela alors même que la crise sanitaire a révélé les manques et les défaillances de notre système de santé et d'accompagnement, alors même aussi qu'elle a réveillé notre volonté collective de faire mieux pour garantir la dignité de nos aînés.

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