Intervention de Philippe Schreck

Séance en hémicycle du jeudi 27 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Schreck :

…dans le dénuement budgétaire. Il appartient donc au pouvoir législatif de dénoncer cette situation, puis de la corriger puisque le PLF 2023, dans la rédaction qui nous est présentée, n'y parvient pas ou ne le fait que de façon imparfaite. La hausse des crédits demeure insuffisante et doit être relativisée en fonction des hausses indiciaires légitimes ainsi que de l'inflation. La hausse du budget de la justice suit celle du budget de l'État, ni plus ni moins ; il n'y a pas là matière à s'en glorifier en permanence.

Aujourd'hui encore, la France demeure mal placée parmi les pays européens en termes de dépense par habitant consacrée à la justice ainsi qu'en pourcentage du PIB dévolu à celle-ci. Notre justice, quoi qu'on dise, reste drapée dans une robe de pauvreté qui l'entrave, l'empêchant de mener à bien les politiques qui lui sont dévolues et surtout de dire et de faire appliquer le droit au profit de tous et dans des délais acceptables. Telle est la situation du juge judiciaire et de l'administration pénitentiaire.

Le juge judiciaire poursuivra son office en gérant les bouts de chandelles, en jonglant avec les postes non pourvus et en continuant à rechercher des greffiers, des ordinateurs et des salles d'audience ; la charge de dossiers par procureur de la République demeurera inadaptée à l'exercice de ses missions ; les justiciables continueront à attendre trop longtemps que leurs causes soient étudiées, ce qui alimente un sentiment de défiance croissant à l'égard de l'institution.

Une hausse du budget pour tendre vers quoi d'ailleurs ? Outre qu'elle est insuffisante, cette hausse est de surcroît mal dirigée. Ainsi, les objectifs en termes d'emprisonnement diminuent d'année en année pour être remplacés par des myriades de peines alternatives ou de substitution qui ne sont que des peines Bisounours, totalement inadaptées à une société de plus en plus violente et dans laquelle le passage à l'acte est de plus en plus instantané ! Les hausses budgétaires financeront surtout l'impunité.

L'administration pénitentiaire est, comme souvent, une des grandes oubliées de l'État. Pourtant, elle aussi fut héroïque pendant la crise sanitaire. Vous vendez, monsieur le ministre, un budget qui se dit ambitieux avec en point d'orgue un plan de création de 15 000 nouvelles places de prison à l'horizon de 2027. Mais les données budgétaires nous permettent d'affirmer que cet objectif ne sera pas atteint et qu'il est peu sincère.

Passons sur le fait, tout de même contradictoire, que vous vouliez créer 15 000 places de prison mais n'y faire entrer que très peu de condamnés, une telle création d'ici à 2027 suppose au moins 5 000 à 6 000 postes nouveaux, tous métiers confondus, dans l'administration pénitentiaire. Or cet objectif n'est même pas recherché puisqu'en 2023 seuls 489 nouveaux emplois seront affectés à l'administration pénitentiaire pour 1 938 places de prison créées. Le plan d'embauche ne permettra donc pas, même à terme, d'armer en femmes et en hommes le plan « 15 000 places ». Celui-ci ne sera jamais efficace, faute d'être accompagné des emplois correspondants. L'objectif est d'autant plus chimérique que les métiers de l'administration pénitentiaire sont en crise : ils font l'objet d'une désaffection car ils sont peu valorisés, du fait notamment d'un recrutement en catégorie C et du faible nombre de mutations vers la catégorie B. Comment procéder à tous les recrutements nécessaires alors que plus personne ne veut entrer dans l'administration pénitentiaire et même que beaucoup veulent la quitter ?

En outre, il n'aura échappé à personne que nos prisons sont devenues des zones de non-droit…

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