Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du lundi 31 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Malheureusement, nous n'aurons ce matin que le temps des discussions liminaires. L'examen des amendements est repoussé. L'article 49, alinéa 3, de la Constitution tombera une nouvelle fois cette semaine ; cela suscite une déception et une vive inquiétude pour la démocratie.

Le budget présenté ne comporte aucune réforme structurelle capable de financer l'accélération de la transition écologique. En attestent les crédits alloués aux infrastructures et services de transports, qui stagnent après avoir subi une baisse entre la loi de finances pour 2021 et celle pour 2022. Il convient de constater que ceux alloués au transport routier, notamment à l'entretien des routes, sont en forte hausse, tandis que ceux dédiés aux transports collectifs et combinés sont en baisse. Ce n'est pas un bon signe pour la décarbonation du secteur.

Comme l'année dernière, les deux actions qui subissent les plus fortes baisses sont celles relatives aux transports collectifs – notamment les sous-actions dédiées aux infrastructures et aux tarifs sociaux ferroviaires – et aux transports combinés. Ce n'est pas une bonne chose.

S'agissant des investissements, la marche est immense, mais vous manquez d'ambition. Tous les acteurs du ferroviaire soulignent à juste titre que la qualité du réseau se situe au cœur des préoccupations, que ce soit pour le transport de passagers, les trains du quotidien, dont la situation va d'ailleurs de mal en pis dans ma région, ou pour acheminer des marchandises dans de bonnes conditions.

Les conséquences des mauvais budgets de ces dernières années sont préjudiciables au bon fonctionnement des réseaux. Partout en France, la crise du ferroviaire est visible et perceptible. Des trains sont supprimés par centaines. Sur les huit premiers mois de l'année, 11 241 TER ont été supprimés au dernier moment dans les Hauts-de-France, selon les données collectées par Le Monde, contre 7 385 sur la même période en 2021, et 4 797 en 2019, avant la crise liée au covid-19. Le nombre d'annulations a ainsi augmenté de 134 % en trois ans. Le bilan est catastrophique aussi en Île-de-France et, comme Normand, je ne compte plus le nombre de retards et d'annulations sur la ligne qui relie Paris au Havre via Rouen – ce matin encore, le 7 heures 24 fut supprimé inopinément.

Ces situations sont la conséquence d'un sous-financement, qui empêche le bon renouvellement du réseau ferré et les investissements nécessaires dans les infrastructures et les matériels. L'âge moyen des voies en France est de 27 ans, contre 15 à 17 ans en Allemagne.

Depuis l'entrée en vigueur de la réforme ferroviaire, l'État ne finance plus SNCF Réseau. Cela relève désormais des droits de passage que verse SNCF Voyageurs. Il s'agit d'un cercle vicieux qui entraîne une situation de sous-investissement. Cela revient à faire payer par l'usager du rail l'entretien du réseau ferré, alors que les routes sont dépourvues de péage, à l'exception des autoroutes. Les utilisateurs de la route ne paient pas son entretien, contrairement aux utilisateurs du rail. Des lignes fragilisées, des gares fermées et des petites lignes abandonnées : voilà le triste bilan des dernières années. Quel gâchis, alors que ce réseau était l'un des plus structurés et denses d'Europe !

En effet, 90 % de la population française habite à moins de 10 kilomètres d'une gare. Cela signifie que la France dispose des infrastructures et du maillage territorial très fin nécessaires pour que demain, ce mode de transport peu émetteur de CO2 et de particules soit à disposition de tous les citoyens.

L'Autorité de régulation des transports estime qu'il manque 4 milliards d'euros d'ici à 2030. La Fédération nationale des associations d'usagers des transports dénonce un manque de 1 milliard par an. La SNCF a besoin de 1 milliard par an pour rénover et entretenir son réseau ferré. Le PDG Jean-Pierre Farandou estime qu'il faut investir 100 milliards supplémentaires sur quinze ans pour contribuer à la décarbonation des transports en doublant la part du train.

Nous souhaitons que les budgets reflètent une ambition. Voilà la trajectoire que nous devrions écrire pour respecter les engagements climatiques pris par la France et offrir aux générations futures une mobilité alternative, compétitive et de qualité.

Avec 8 500 kilomètres de voies navigables, la France possède le plus long réseau d'Europe, qui en compte 38 000 au total. Mais elle est aussi l'un des plus faibles utilisateurs du transport fluvial. Nous défendrons donc des amendements visant à hausser à 400 millions le montant de l'enveloppe allouée à Voies navigables de France, afin de renforcer la combinaison entre les véhicules utilitaires et les modes ferroviaire et fluvial.

Concernant les mobilités individuelles, 44 % des Français sont concernés par la mise en place d'une ZFE-m. Or 38 % des ménages les plus précaires sont équipés d'un véhicule classé Crit'Air 4 ou 5. Bruno Millienne, qui appartient à votre majorité, et moi avons conduit une mission flash sur les mesures d'accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions, et proposé plusieurs recommandations. J'espère que vous les retiendrez en nombre, en particulier celles qui concernent le doublement du bonus écologique et de la prime à la conversion ; l'élargissement des aides aux véhicules Crit'Air 2, qui sont plus abordables financièrement ; surtout le recentrage global des aides en faveur des plus fragiles et des populations modestes.

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