Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du lundi 31 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La hausse des prix de marché de l'énergie depuis 2021 a entraîné l'annulation des charges prévisionnelles pour les énergies renouvelables sur 2023, aboutissant finalement à une économie de 39 milliards de dépenses pour l'État. S'il est normal d'affecter une partie de cette manne à limiter la hausse des prix de l'énergie, pourquoi ne pas aussi profiter de ces économies exceptionnelles pour préparer l'avenir, c'est-à-dire accélérer massivement le soutien à la production des énergies renouvelables et surtout financer l'isolation des logements ?

Troisièmement, en ce qui concerne la rénovation thermique, le dispositif MaPrimeRénov', qui soutient les rénovations énergétiques, connaît une augmentation de 450 millions, plan de relance inclus, pour atteindre 2,5 milliards. Je rappelle que les dispositifs de financement des rénovations thermiques ne datent pas d'hier : le crédit d'impôt développement durable a été créé en 2005. En 2008, la dépense fiscale pour la rénovation thermique atteignait 2,6 milliards. Ce gouvernement n'est donc ni le premier ni le plus ambitieux en matière d'isolation des logements.

Les dispositifs se succèdent et ont toujours le même défaut : l'absence de prise en compte de la performance thermique et l'échec à susciter des rénovations globales, seules à même de réduire réellement la facture des 4,8 millions de ménages qui vivent dans des passoires thermiques et qui sont particulièrement exposés à la flambée des prix de l'énergie. La Cour des comptes établit qu'en 2021, seuls 2 500 logements ont changé de performance énergétique. Le rapport spécial rédigé par MM. Amiel et Lacresse souligne qu'en septembre 2022, les rénovations énergétiques globales ne représentent toujours qu'une faible part du total des rénovations : environ 31 660 logements, soit 5 % des rénovations. En effet, pour une rénovation globale, le reste à charge après que toutes les aides ont été versées s'élève actuellement, pour un ménage très modeste, à 37 % du coût total ; pour un ménage modeste, il s'élève à 50 %, alors qu'une rénovation globale coûte en moyenne 38 000 euros.

Nous proposons de suivre les recommandations de l'Institut de l'économie pour le climat et du rapport Sichel consacré à la réhabilitation énergétique des logements, et de porter à 8,8 milliards le budget de MaPrimeRénov', pour accélérer les rénovations et surtout pour réduire à zéro le reste à charge pour les ménages les plus modestes.

Enfin, vous augmentez les financements dédiés aux véhicules électriques de 800 millions. Ils sont en effet moins néfastes à la santé et à l'environnement, mais vous semblez ne pas entendre le consensus scientifique sur le sujet. Tous les experts sérieux de la transition des mobilités s'accordent sur le fait que la mobilité électrique ne peut pas régler tous les problèmes à elle seule. Elle ne peut être qu'un dernier recours pour les trajets qui ne peuvent être faits autrement, et doit s'accompagner d'un report modal massif vers les transports en commun et vers les mobilités actives.

Ainsi, en matière d'énergie, vous continuez à agir comme si notre mode de vie n'était pas négociable, et que la technologie, sous la forme du nucléaire, de la voiture électrique ou l'avion vert, allait nous permettre de continuer à vivre exactement comme au XXe siècle. L'innovation fait certes partie de la solution, mais elle ne pourra pas tout ; ce serait folie ou mensonge de le faire croire. Nous devons aussi changer pour un mode de vie plus en harmonie avec le vivant, reconnecté avec la nature, plus respectueux des limites planétaires. Nous avons tous à y gagner. Les Français y sont prêts et n'attendent que d'être accompagnés. Préparez l'avenir, monsieur le ministre ; financez l'isolation des logements, les transports collectifs, les énergies renouvelables. Ce sont les réponses structurelles qui demain protégeront le mieux les Français.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion