Intervention de Francesca Pasquini

Séance en hémicycle du mercredi 2 novembre 2022 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Agriculture alimentation forêt et affaires rurales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancesca Pasquini :

Cela coûte en effet bien moins cher que de mener une véritable politique de préservation de la forêt dans notre propre territoire.

La forêt française fait notre fierté : outre qu'elle est un puits de carbone et un réservoir de biodiversité, elle constitue un laboratoire d'avenir pour la bioéconomie. La protection des écosystèmes en tant que patrimoine commun, que nous léguerons aux générations futures, est plus que jamais une urgence. Or, depuis l'hiver dernier, le manque inédit de précipitations, suivi d'un été particulièrement chaud, a entraîné une sécheresse majeure, réduisant les cours d'eau à un fil, asséchant les sols et les cultures et exposant certains périmètres à des départs de feu. C'est une première en France à une telle échelle, de la Gironde au Jura, et de la Bretagne à l'Aveyron. Pas moins de 62 000 hectares sont partis en fumée – un record –, et tout laisse à penser que si nous ne consacrons pas les moyens nécessaires à l'adaptation, à la prévention et à la gestion des forêts, nous connaîtrons encore des étés marqués par les flammes. Voulons-nous continuer à compter, chaque été, le nombre d'habitants évacués de leurs villages ? Voulons-nous larmoyer encore et encore devant des records de superficies brûlées que nous n'aurions jamais pensé atteindre ? Continuerons-nous à nous accommoder de désastres qui se multiplient ?

Nous avons entendu les annonces faites par le Président de la République, la semaine dernière, dans son allocution concernant le « réarmement » – je le cite – de nos capacités, en vue d'accroître les moyens de la lutte contre les feux de forêt. Il a annoncé des renforts à hauteur de 150 millions d'euros pour les secours – en particulier pour les équipes des sapeurs-pompiers – dès 2023, et l'acquisition de nouveaux Canadair. En outre, un milliard d'arbres devraient être plantés en dix ans. Ce n'est pas trop !

Parallèlement à ces annonces toujours prises dans l'urgence, simples rustines posées par le Gouvernement quand il est placé devant le fait accompli, on continue de jeter l'Office national des forêts (ONF) en pâture : 38 % de ses effectifs ont été supprimés ces vingt dernières années. Planter des arbres, c'est bien, mais encore faut-il comprendre de quoi on parle ! Une forêt impose de s'engager à long terme ; un arbre qu'on plante aujourd'hui apportera ses bénéfices aux générations qui ne sont pas encore nées. De fait, l'enjeu premier des forêts françaises est de s'adapter au changement climatique. Les essences d'arbres que nous choisissons aujourd'hui connaîtront nécessairement des températures en hausse, des sécheresses plus intenses ou plus longues, de nouvelles maladies et des sols en dégradation. Donner des moyens à la protection contre les incendies, c'est bien – c'est même indispensable –, mais il est urgent que le Gouvernement mène aussi une réflexion de long terme. Nous devons renforcer les moyens des gestionnaires de forêts, en particuliers de l'ONF – ce n'est pas nouveau, c'est même notre « marronnier »…

Les Écologistes – en particulier Julie Laernoes – appellent à la création de nouveaux postes pour assurer la gestion des forêts publiques, mais aussi au profit du Centre national de la propriété forestière (CNPF) – rappelons en effet que 75 % des forêts françaises sont privées. Nous insistons également sur la nécessité d'accélérer le déploiement de pratiques durables dans la sylviculture. Par ailleurs, nous mettrons sur la table le sujet de l'alimentation. On nous parlait, lundi, d'un bouclier tarifaire contre la hausse des prix de l'énergie ; mais il est tout aussi urgent de répondre à l'inflation des prix des denrées alimentaires. Les cantines commencent à prendre le pas de l'alimentation bio, végétale et locale ; il est impératif de soutenir ces démarches pour préserver cette transition.

Les propositions que nous vous soumettons sont nécessaires pour l'environnement, pour la santé et pour la lutte contre l'obésité ; surtout, elles constituent des mesures de justice sociale : manger sainement ne doit pas être un luxe. Nous devons déployer des moyens à la hauteur de notre ambition : telle est notre responsabilité.

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