Intervention de Philippe Pelletier

Réunion du jeudi 6 octobre 2022 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment durable :

. – Je souhaiterais répondre tout d'abord à Mme Préville. Je n'ai évidemment pas voulu suggérer une quelconque inaction des élus locaux, mais simplement souligner deux éléments.

Tout d'abord, je pense que la rénovation des logements a besoin d'un effet d'entraînement de la part non seulement de l'État au plan national, mais aussi de ses relais dans les territoires que sont les élus locaux. Je crois que nous avons besoin de ce relais pour inspirer de la confiance et inciter les gens à rénover leurs biens.

Ma deuxième idée concernait la rénovation des écoles. Notre pays compte 48 950 écoles. Certaines réalisations sont tout à fait heureuses. Je veux simplement faire allusion à un rapport que nous avons réalisé avec la Caisse des dépôts voici quelques années, dans lequel nous nous étions interrogés sur la rénovation du parc immobilier éducatif, des écoles, et avions alors réuni une quarantaine d'élus locaux afin d'essayer de comprendre les raisons de leurs difficultés à passer à l'acte. Nous nous étions alors aperçus que la question du financement était loin d'être leur préoccupation première. Comme les ménages, les élus des petites communes ont avant tout des difficultés d'ingénierie : ils ne savent pas par où commencer, comment procéder pour que la rénovation de l'école puisse être effectuée alors que les mois d'été pendant lesquels l'établissement est vacant sont insuffisants pour assurer une rénovation sérieuse, à quelle entreprise s'adresser, s'il faut ou non recourir à une assistance à maîtrise d'ouvrage, etc. Toutes ces questions ordinaires arrivaient avant les aspects de financement. Il faut par conséquent que l'État mobilise les élus locaux en les accompagnant, en les aidant dans leurs décisions.

Mme Procaccia a formulé une double question, sur le coût et sur le DPE. J'exerce des fonctions chez un bailleur social d'Ile-de-France, qui effectue des rénovations énergétiques lourdes, dont le coût par logement est d'environ 50 000 euros. Nous en profitons pour refaire les pièces humides (cuisine, salle d'eau, toilettes) et parfois créer un balcon. Cette somme investie change la vie des locataires, écrase radicalement leur niveau de charges locatives et leur permet de consacrer l'argent économisé à d'autres postes. 5 millions de logements sont ainsi traités, avec des dépenses de ce niveau.

Pour le reste, il faut savoir que les aides portées sur les maisons individuelles couvrent 80 % de la dépense lorsque l'on groupe l'ensemble des dispositifs – nationaux, intercommunaux, régionaux, des agences, ou autres. On peut donc réaliser ces opérations même si le coût en est élevé, dans la mesure où il existe une aide puissante et consolidée.

Concernant les copropriétés, où le sujet est plus compliqué, je préside depuis des années des jurys chargés de remettre des prix à des copropriétés vertueuses, qui se sont transformées. L'expérience révèle que ces ensembles concernent le plus souvent des gens aux ressources tout à fait moyennes, qui ont réussi à mobiliser les aides disponibles pour mener à bien des rénovations globales. Ainsi, bien que le coût soit important, l'accès aux financements disponibles permet cette réalisation.

Il demeure une lacune, précédemment exposée par deux intervenants, qui tient au fait que les banques françaises ne sont pas au rendez-vous de la rénovation énergétique des bâtiments. Nous nous heurtons à cette difficulté depuis longtemps, car l'industrialisation de la distribution des crédits est assez contradictoire avec le travail un peu plus sur-mesure que constitue une rénovation énergétique, et les exigences de Bâle III, notamment sur les fonds propres qu'il faut mobiliser, rendent le sujet compliqué pour les banques, qui considèrent qu'elles ne sont pas en première ligne. Nous aurons pourtant besoin d'un puissant soutien bancaire, surtout le jour où les aides d'État se concentreront sur les populations les plus fragiles.

Concernant le DPE, j'avais indiqué en 2018, sans succès, qu'il était trop tôt pour rendre le DPE opposable dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite loi Elan, dans la mesure où la transformation de ce diagnostic n'était pas encore avérée. Nous nous trouvons donc dans la situation, fort bien décrite par Emmanuel Normant, d'un outil en mutation, dans lequel des ajustements doivent être effectués. Il est donc compliqué, pendant cette période, d'avoir un outil opposable. Je trouve que l'on est allé un peu vite en besogne en matière d'opposabilité, mais je partage toutefois l'espoir, exprimé par M. Normant, que les ajustements nécessaires aboutiront rapidement.

Reste à résoudre la question des diagnostiqueurs qui, sur le territoire, sont multicartes et effectuent les mesures, vérifient la présence ou l'absence de plomb, d'insectes xylophages, l'électricité, le gaz et la performance énergétique. Je dois avouer que nous n'avons pas trouvé aujourd'hui de meilleure solution que de leur confier cet outil. En effet, si nous voulons que le diagnostic puisse être effectué sur l'ensemble du territoire et soit très peu coûteux – de l'ordre d'une centaine d'euros, ce qui est le cas aujourd'hui –, il n'y a pas d'autres opérateurs que ceux-ci. L'idée de faire appel aux bureaux d'études thermiques n'est pas envisageable, dans la mesure où leur coût n'est pas de 100 euros, mais plutôt de 1 500 euros, et où ils ne souhaitent pas intervenir à plus de 30 km de leur siège, ce qui signifie que la couverture de l'ensemble du territoire français ne serait pas assurée. Nous n'avons donc pas d'autre solution en l'état que de faire confiance à ces diagnostiqueurs, sauf à inventer une application informatique à la disposition de chacun, qui règlerait le sujet. Il faut par conséquent aider ces personnes à se former. On a d'ailleurs observé, au cours des années passées, une augmentation des prérequis pour devenir diagnostiqueur.

La réponse que je vous apporte est en demi-teinte, puisque l'outil est en train de s'améliorer et que ceux qui le servent sont par nature des personnes ayant une connaissance moyenne de l'ensemble des sujets qu'on leur demande de traiter, à la manière d'un couteau suisse qui fait beaucoup de choses, mais les fait moyennement.

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