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Aurélien Saintoul
Question N° 12652 au Ministère des ministère des armées


Question soumise le 7 novembre 2023

M. Aurélien Saintoul interroge M. le ministre des armées sur les transferts d'armes vers Israël. Le ministre de la défense israélien Yoav Gallant déclarait le 9 octobre 2023 : « J'ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n'y aura pas d'électricité, pas de nourriture, pas de carburant, tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence ». Ce blocus ne permet manifestement pas de respecter le principe de distinction entre civils et militaires qui doit prévaloir dans les conflits armés. Cette rhétorique de déshumanisation est particulièrement inquiétante. De fait, quelques jours plus tard, le 14 octobre 2023, la rapporteure spéciale de l'ONU Francesca Albanese alertait la communauté internationale en signalant que : « La situation dans les territoires palestiniens occupés et en Israël a atteint des sommets. La communauté internationale a la responsabilité de prévenir et de protéger les populations contre les crimes atroces. La responsabilité des crimes internationaux commis par les forces d'occupation israéliennes et le Hamas doit également être immédiatement recherchée ». Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU a également signalé que les bombardements sur le camp de réfugiés de Jabaliya « pourraient constituer des crimes de guerre ». À vrai dire, alors que l'Unicef considère que la bande de Gaza est devenue « un cimetière pour des milliers d'enfants », le risque de « nettoyage ethnique de masse », pour reprendre les termes de la rapporteure spéciale, est plus élevé que jamais. Le 19 octobre 2023, celle-ci a même estimé que le peuple palestinien « court un grave risque de génocide », dans un communiqué diffusé à Genève. Or, d'après le rapport au Parlement de 2023 sur les exportations d'armement, la France aurait vendu pour 111 millions d'euros d'armes à Israël depuis 2017, dont 15,3 millions en 2022. Outre ces ventes effectives, la France a délivré de nombreuses licences d'exportation de matériels de guerre pour 2022. Ces licences donnent une idée du genre de matériels qui ont pu être effectivement vendus ces dernières années. Elles portent sur des biens classés comme suit dans la military list : ML 5 (matériels de conduite de tir et matériel d'alerte et d'avertissement connexe) pour un montant de 267 035 000 euros ; ML 15 (matériel d'imagerie ou de contre-mesures conçus pour l'usage militaire) pour un montant de 21 779 219 euros ; ML 11 (matériel électronique et véhicule spatial) pour un montant de 9 705 865 euros ; ML 4 (bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériel et accessoires connexes et leurs composants spécialement conçus) pour un montant de 9 151 000 euros ; ML10 (aéronefs, « véhicules plus légers que l'air », véhicules aériens sans équipage, moteurs et matériel d'« aéronef », matériel connexe et composants spécialement conçus ou modifiés pour l'usage militaire) pour un montant de 7 596 735 euros. Au total, le montant des licences délivrées en 2022 s'élève à 357 858 147 euros. On comprend que si le transfert de telles armes avait lieu en ce moment, il pourrait violer les engagements de la France aux termes de l'article 6 du traité sur le commerce des armes des Nations unies (TCA). Pour rappel, l'article 6 du TCA dispose en ses paragraphes 2 et 3 que : « 2. Un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d'armes classiques [...] qui violerait ses obligations internationales, résultant des accords internationaux pertinents auxquels il est partie, en particulier celles relatives au transfert international ou au trafic illicite d'armes classiques. 3. Un État Partie ne doit autoriser aucun transfert d'armes classiques [...] s'il a connaissance, lors de l'autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à et à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves des Conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d'autres crimes de guerre tels que définis par des accords internationaux auxquels il est partie ». Par conséquent, il souhaite savoir si, conformément à ses engagements internationaux, la France a bien suspendu ses exportations de matériels de guerre vers Israël.

Réponse émise le 20 février 2024

Le principe de prohibition sauf autorisation expresse de l'autorité administrative est au fondement de la politique de la France en matière d'exportation d'armement (article L. 2335-2 du code de la défense). En conséquence, toute demande d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés fait l'objet d'un contrôle robuste. L'autorité chargée de statuer sur les demandes d'autorisations préalables d'exportation est le Premier ministre, après avis de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Aussi, toute demande d'autorisation d'exportation fait l'objet d'une évaluation précise de la conformité de l'exportation projetée au respect de nos engagements internationaux, en particulier le Traité sur le commerce des armes (TCA), la Position commune 2008/944/PESC modifiée, l'ensemble des conventions ratifiées par la France en matière d'interdiction de l'emploi de certaines armes, ou encore les mesures d'embargo instaurées par le Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne (UE) et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Cette évaluation s'applique aux exportations vers Israël de la même manière que pour toutes autres nations. Elle a pleinement cours, y compris depuis le 7 octobre 2023 ; elle prend en compte l'actualité de la relation bilatérale et la situation dans le pays de destination. La législation française imposant aux entreprises d'obtenir une licence préalablement à la négociation d'un contrat, le montant associé aux licences délivrées pour l'exportation de matériels de guerre et assimilés ne correspond pas au montant réel des exportations qui ont effectivement lieu. Ce dernier montant est très largement inférieur, et s'établit par exemple à 15,3 millions d'euros pour les livraisons effectives à destination d'Israël en 2022 ce qui ne représente que 0,2 % des transferts de la France sur cette période. Les matériels exportés ne sont pas des armes proprement dites, mais des composants élémentaires, auxquels la CIEEMG accorde également une vigilance toute particulière en fonction du matériel dans lequel il est estimé qu'ils seront intégrés. Enfin, les composants de matériels ressortissant de la catégorie ML4 (bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériel et accessoires connexes et leurs composants spécialement conçus) s'ils sont autorisés sont destinés à un usage purement défensif (cf. missiles de défense aérienne intégrés au système « Dôme de fer »). Le flux d'exportations vers Israël trouve son origine dans l'importance de la base industrielle israélienne, qui exporte largement ses produits, notamment vers des partenaires de la France. La France a rappelé le droit d'Israël à se défendre, qui doit s'exercer dans le respect du droit international humanitaire. Le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire par le pays destinataire, de même que les conséquences pour la paix, la sécurité et la stabilité régionales, sont pleinement pris en compte dans le cadre de l'examen des exportations de matériel de guerre par la CIEEMG. Cette stricte grille d'analyse n'a pas conduit à suspendre intégralement le flux d'exportations de matériels de guerre depuis le 7 octobre 2023.

1 commentaire :

Le 25/02/2024 à 23:59, Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN) a dit :

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"Cette stricte grille d'analyse n'a pas conduit à suspendre intégralement le flux d'exportations de matériels de guerre depuis le 7 octobre 2023." Qu’est-ce que cela veut dire ? Que cette "stricte grille d’analyse" n’a pas conduit à suspendre le flux d’exportations en Israël, ni peu ni prou, ou bien qu’elle a conduit à le suspendre, mais seulement en partie ?

Quoi qu’il en soit, dans les deux cas la CIEEMG et le Premier ministre de la France, en refusant de suspendre toute livraison de "matériels de guerre, composants ou accessoires connexes", considèrent qu’Israël, pays destinataire, ne fait que se défendre dans le strict "respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire" lorsqu’il tue, depuis le 7 octobre, plus de 30 000 Gazaouis, pour la plupart des civils, des femmes et des enfants, en blesse des milliers d'autres et en prive des centaines de milliers des moyens de survie les plus élémentaires.

Ainsi, à l’abominable crime contre l’humanité commis par le Hamas le 7 octobre 2023 -résultat du sort intolérable fait aux Palestiniens depuis 75 ans par un Etat colonisateur d'autant plus sûr de lui qu'il dispose dans la région d'un monopole nucléaire- Israël peut répondre par un autre crime contre l’humanité non moins abominable -simplement trente fois plus meurtrier- tout en respectant "le droit international humanitaire" et sans avoir de "conséquences pour la paix, la sécurité et la stabilité régionales" - à en croire la CIEEMG et le Premier ministre français.

Comment qualifier un tel jugement et une telle attitude, adoptés au nom de la France, "pays des droits de l'Homme" ? Ce n'est rien d'autre qu'une abominable hypocrisie et une complicité criminelle.

La CIEEMG et le Premier ministre, ou plus exactement les Premiers ministres en exercice depuis le 7 octobre 2023, sont passibles de poursuites pour complicité de crime contre l'humanité, non-respect du droit international, non-respect de la Constitution française et trahison des valeurs de la République Française.

C’est la même abominable trahison qui exempte de toute poursuite judiciaire "le fait, pour accomplir un acte nécessaire à l'exercice par la France de son droit de légitime défense, d'user de l'arme nucléaire ou de toute autre arme dont l'utilisation n'est pas prohibée par une convention internationale à laquelle la France est partie" (Article 462-11 du Code pénal). Le Président de la République n'est pas seulement, dans son PC Jupiter, physiquement à l'abri d'un échange nucléaire, il est aussi à l'abri de toute poursuite judiciaire s'il use de l'arme nucléaire et commet ainsi un crime contre l'humanité. Le Président de la République n'est pas seulement le chef suprême des armées, il est aussi l'irresponsable suprême.

Et ce qui vaut pour lui vaut pour tous les chefs d'Etats nucléaires.

En effet, en vertu du même raisonnement, Israël devra pouvoir, s'il le juge nécessaire pour exercer "son droit de légitime défense", utiliser demainses armes nucléaires, pourvu que leur cible soit un peu plus éloignée de lui que les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie.

Toujours en vertu du même raisonnement de "légitime défense", M. Poutine a déjà menacé d'utiliser les siennes. Il n'y a pas de raison qu'il ne le fasse pas demain. Le code pénal français l'en absout à l'avance.

L'arme nucléaire est la mère de toutes les abominations. Privons-en tous les chefs d'Etat quels qu'ils soient, démocratiques ou dictatoriaux, et débarrassons la planète de cette infâme pourriture.

Jean-Marie Matagne,

Docteur en Philosophie

Président de l’Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire (ACDN)

contact@acdn.net

www.acdn.net

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