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Emmanuelle Ménard
Question N° 10133 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 18 juillet 2023

Mme Emmanuelle Ménard interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur sur l'obligation des maires de marier une personne qui n'a pas le droit d'être sur le territoire français. Selon M. Patrick Stéfanini, ancien secrétaire général du ministère de l'immigration, il y aurait environ 900 000 étrangers qui séjourneraient illégalement sur le territoire national. En comparaison, c'est un peu plus que le nombre d'habitants à Marseille. Un chiffre impressionnant d'autant que les obligations de quitter le territoire sont trop peu exécutées : seulement 5,7 % effectives au 1er semestre 2021. En 2019, Emmanuel Macron avançait pourtant dans une interview à l'hebdomadaire Valeurs actuelles l'objectif de porter à 100 % le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF). Il a depuis rappelé cet objectif en regrettant, en novembre 2022, « des procédures d'expulsion trop longues ». Aujourd'hui, s'il a légèrement progressé, on est toujours à un taux d'exécution très faible des OQTF. Cette incapacité est malheureusement entretenue par des lois aussi contradictoires qu'incohérentes. À titre d'exemple, un maire se voit dans l'obligation de marier une personne qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Cela signifie que l'on demande aux maires de marier une personne qui n'a pas le droit de se tenir sur le territoire. En l'état actuel du droit et au nom de la convention européenne des droits de l'Homme, refuser de célébrer ce mariage est illégal. Une situation ubuesque qui pose un certain nombre de questions. La première, celle de la crédibilité des institutions qui, d'une main, ordonnent l'expulsion et de l'autre, rendent possible le mariage en France d'une personne qui fait l'objet d'une OQTF. La seconde, celle de la volonté politique de lutter efficacement contre l'immigration irrégulière. Face à ce constat, elle lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour interdire en France le mariage d'une personne étrangère soumise à une OQTF.

Réponse émise le 26 mars 2024

Le droit au mariage est une liberté largement consacrée, par le Conseil constitutionnel comme ayant valeur constitutionnelle, mais aussi comme une liberté fondamentale au sens de la Charte européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Partant, il appartient à l'officier d'état civil ou au juge administratif le cas échéant d'opérer une conciliation équilibrée entre des objectifs d'intérêt général, tels que la lutte contre l'immigration illégale, et la préservation des droits fondamentaux des individus, tels que la liberté matrimoniale. Si le droit au mariage ne peut faire l'objet d'une interdiction totale et absolue à un individu, même étranger, l'officier d'état civil bénéficie d'une liberté d'appréciation de la validité d'une demande de mariage entre un ressortissant français et un ressortissant étranger en situation irrégulière, et peut décider de l'opposition au mariage dans les situations suivantes : si des indices sérieux permettent de douter de la réalité de l'intention matrimoniale (article 175-2 du Code civil), si le projet de mariage revêt un caractère manifestement frauduleux, à la suite d'un contrôle de l'autorité administrative visant à caractériser un mariage de complaisance (CEDH, 2010, O'Donoghue et autres c. Royaume-Uni), ou lorsque l'autorité administrative acquiert la connaissance d'un crime ou délit inhérents à la demande de mariage, tel que, par exemple, l'absence de document d'identité fourni par l'étranger (article 40 du Code de procédure pénale). Le caractère irrégulier du séjour d'un étranger n'est donc pas suffisant pour faire obstacle à la liberté de se marier. Toutefois, le mariage d'un étranger en situation irrégulière avec un ressortissant français n'a pas pour conséquence la reconnaissance d'un droit au séjour, lequel est subordonné à la régularité de l'entrée sur le territoire français, et à une condition de vie commune effective de six mois en France (article L. 423-2 du CESEDA). Il ne fait pas non plus obstacle à l'édiction et la mise en œuvre d'une mesure d'éloignement, les protections contre une OQTF (article L. 611-3 du CESEDA) ou un arrêté d'expulsion (articles L. 631-2 et 3 du CESEDA) étant en effet relatives, dans la mesure où elles prévoient une durée minimale de vie commune et la nationalité française du conjoint. Au demeurant, il a été récemment observé, en particulier dans les cas où la présence en France de l'étranger en situation irrégulière constituerait un risque de trouble à l'ordre public, la mise en œuvre effective d'éloignements forcés d'étrangers en situation irrégulière ayant récemment conclu un mariage.

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