Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Matthias Tavel
Question N° 10179 au Ministère de la santé


Question soumise le 18 juillet 2023

M. Matthias Tavel interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur la possibilité laissée aux établissements de soins de privilégier l'administration d'un traitement moins confortable et plus onéreux aux patients atteints d'insuffisance rénale en stade 5. En effet, on peut lire sur le site de la Haute Autorisé de santé : « L'insuffisance rénale chronique se caractérise par l'altération du fonctionnement des reins, qui filtrent quotidiennement le sang. Elle est parfois irréversible et sans possibilité de guérison. Cette maladie évolue plus ou moins lentement et comprend cinq stades de sévérité croissante : du stade 1 au stade 5. Au stade 5, le rein n'assure plus ses fonctions. On parle alors d'insuffisance rénale « terminale » et un traitement pour suppléer aux fonctions vitales du rein est indispensable. Ce traitement de suppléance est possible par la greffe d'un rein ou la dialyse. La transplantation rénale augmente l'espérance de vie moyenne des patients âgées de 65 ans et plus (âge moyen 70 ans) d'environ 4 ans, comparativement aux patients dialysés inscrit sur liste d'attente ». Pourtant, le 13 janvier 2022, la chaîne de télévision France 2 a diffusé une enquête de Gabriel Garcia, avec Julien Beccu, intitulée « Liberté, santé, inégalités ! ». On y apprenait que la dialyse, traitement lourd pour les patients atteints d'insuffisance rénale, était prescrite quotidiennement à 50 000 malades. Or la greffe s'avère être une alternative pour ceux-ci, mais également moins onéreuse, notamment pour la sécurité sociale. Il semble évident que certains hôpitaux et certaines cliniques privilégient la dialyse pour des raisons de rentabilité financière des actes pratiqués en leur sein dans le cadre de la tarification à l'activité. Il lui demande donc quelles sont les meures qu'il entend mettre en œuvre afin de s'assurer que les personnes atteintes d'insuffisance rénale puissent bénéficier à titre principal d'une greffe et que la dialyse ne soit envisagée que subsidiairement.

Réponse émise le 12 décembre 2023

Le nombre de personnes atteintes par une maladie rénale chronique augmente, et la greffe, a fortiori d'un rein prélevé sur un donneur vivant, représente un intérêt certain pour une grande partie d'entre elles. La solution thérapeutique que constitue la greffe doit pouvoir être systématiquement envisagée dans les parcours de soins, et les greffons être disponibles en nombre suffisant. Si l'accès à la greffe dépend de l'éligibilité des patients (l'âge et certaines pathologies étant incompatibles avec la mise en œuvre d'une procédure de greffe), il est donc également conditionné par l'inscription des patients sur liste d'attente associée à une disponibilité suffisante des organes. Ces deux axes constituent une priorité nationale, soutenue notamment dans le cadre du plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d'organes et de tissus 2022-2026, construit en partenariat avec l'ensemble des parties prenantes (partenaires institutionnels, sociétés savantes, associations d'usagers et professionnels de santé). Il a été tenu compte, pour son élaboration, du « livre blanc sur la transplantation rénale », remis au printemps 2021 par trois sociétés savantes et une association de patients. Le plan présente un objectif de 20 % de greffes rénales réalisées à partir d'un donneur vivant à horizon 2026. Après une forte diminution provoquée par la crise sanitaire, tout organe confondu, la greffe a progressé de 4 % entre 2021 et 2022 avec 5 494 greffes, dont 3 376 greffes rénales, pour lesquelles 511 greffons sont issus de donneurs vivants (soit 15,14 %) d'après les données de l'agence de la biomédecine. Au total, les greffes rénales ont progressé de 4,8 % entre 2021 et 2022. Pour accélérer cette dynamique, le plan propose des réponses innovantes et concrètes autour de plusieurs axes, dont certains sont spécifiques à la greffe rénale, visant à améliorer l'accès à la liste nationale d'attente, développer la transplantation d'organes, notamment à partir de donneurs vivants, améliorer le pourcentage d'organes prélevés et réduire les disparités régionales autour de l'activité de greffe. Le plan prévoit également une révision des modalités de financement de l'activité de prélèvement et de greffe, dans un sens plus incitatif, pour assurer l'attractivité de la filière. Ces mesures sont soutenues par un financement complémentaire de 210 millions d'euros entre 2022 et 2026, correspondant à une augmentation significative du soutien financier à l'activité de prélèvement et de greffe. Au total, ce sont près de 2 milliards d'euros qui seront consacrés à la greffe sur la période du plan 2022-2026. S'agissant plus spécifiquement de la transplantation rénale, ce soutien financier a déjà commencé à se concrétiser en 2022 et 2023 par l'accompagnement de l'acquisition et/ou le remplacement de plus de 50 machines à perfusion rénales, permettant de maintenir la qualité des greffons et de maximiser les chances de prise de greffe. La greffe rénale devrait par ailleurs bénéficier de l'assouplissement du recours au don croisé permis par la dernière révision des lois de bioéthique françaises (augmentation du nombre de paires, possibilité de recourir au greffon d'un donneur décédé). Les établissements de santé et les agences régionales de santé sont invités à valoriser la place de la greffe de rein à partir de donneur vivant dans les projets d'établissement, les chartes de bloc (avec la définition de créneaux dédiés), les projets régionaux de santé. Une attention particulière sera portée à ce type de greffe dans le cadre de la certification des établissements de santé par la haute autorité de santé. Les règles de bonnes pratiques applicables, qui datent de 2009, doivent par ailleurs être actualisées par l'agence de la biomédecine, des sociétés savantes et des associations spécialisées. S'agissant enfin de la sensibilisation au don de rein du vivant, celle-ci fait, depuis plusieurs années, l'objet d'une campagne dédiée de l'agence de la biomédecine. Parallèlement à ces mesures, des travaux spécifiques à la dialyse ont cours afin de définir une nouvelle feuille de route permettant, pour les patients éligibles, d'inciter au développement des modalités de prise en charge autonomes et à la greffe. Dans cette perspective, une politique tarifaire désincitative aux prises en charge en centres et en unité de dialyse médicalisée a déjà été mise en œuvre entre 2015 et 2020. Le forfait maladie rénale chronique (MRC) a également été mis en place pour éviter ou retarder le recours à une méthode de suppléance, dialyse ou greffe rénale, en favorisant la prévention, l'accompagnement thérapeutique du patient et son suivi grâce à une prise en charge coordonnée effectuée par une équipe hospitalière pluri-professionnelle composée, a minima, d'un néphrologue, d'un infirmier diplômé d'État et d'un diététicien et pouvant faire intervenir tout autre professionnel selon les besoins du patient. Ce forfait MRC participe ainsi également à promouvoir la greffe préemptive (transplantation sans recours préalable à la dialyse), notamment dans le cadre de son compartiment qualité mis en place à partir de 2023. En effet, le forfait MRC a évolué et intègre désormais un compartiment qualité permettant de moduler une partie des financements alloués sur la base d'indicateurs identifiés avec les représentants des professionnels de santé, des fédérations d'établissements de santé et des associations de patients. Le taux de patients éligibles à une greffe engagés dans un bilan d'inscription sur la liste d'attente de greffe constitue l'un des quatre indicateurs mis en place et vise à valoriser les établissements engagés dans cette démarche pour inciter au développement de la greffe, notamment préemptive, et éviter ainsi tout recours à la dialyse. Depuis sa mise en œuvre, le nombre de patients pris en charge connaît une progression constante avec 90 723 patients suivis en 2022 (82 % patients en stade 4 et 18 % en stade 5) correspondant à une augmentation de + 24% entre 2020 et 2022. Enfin, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 prévoit la mise en place d'un financement forfaitaire des actes de dialyse. De nombreuses mesures sont donc déployées par le ministère de la santé et de la prévention afin d'améliorer le traitement des personnes atteintes d'insuffisance rénale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion