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Hadrien Clouet
Question N° 10208 au Ministère du ministère de l’intérieur et des outre-mer


Question soumise le 18 juillet 2023

M. Hadrien Clouet appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur le caractère létal des « projectiles en sachet » qui équipent la police nationale. Vendredi 30 juin 2023, à Mont-Saint-Martin (Meurthe-et-Moselle), un jeune homme a reçu un projectile au niveau de la tempe, alors qu'il conduisait sa voiture pour acheter des confiseries. Au terme de six heures d'opération, il a été placé en coma artificiel. Pour la procureure, l'hypothèse de la balle perdue apparaît convaincante. Mme Martine Etienne, députée de la 3e circonscription de la Meurthe-et-Moselle, a ainsi dénoncé un tir sans sommation sur une personne ne représentant aucun danger. Il s'agit de la dernière victime des « projectiles en sachet » ou bean bag, cette arme dite non-létale. Il s'agit d'un sac de coton rempli de billes ou de sable, qui explose au contact. Son usage est normalement restreint au bas de l'abdomen ou aux jambes d'un individu incontrôlable et violent. On l'a retrouvé entre les mains de la police française contre le mouvement des gilets jaunes (2019), puis contre les émeutes mahoraises (2022), avant d'être utilisée de manière indiscriminée au cours des émeutes urbaines suivant l'exécution du jeune Nahel (2023). Si elle est qualifiée de non-létale, un tir sur le visage peut écraser le larynx, provoquer des lésions cérébrales, la cécité, voire la mort. Sur la poitrine, le projectile brise les côtes et peut retourner leurs extrémités vers le cœur. Dans l'abdomen, des hémorragies internes sont régulières. Le danger est donc extrême pour toute personne visée, y compris à plus de cinq mètres, y compris par erreur, d'où les recommandations d'un usage déconnecté du contrôle des foules. Les conséquences mortelles apparaissent dans tous les pays dont la police mobilise cette arme. Aussi il lui demande quand il compte interdire une arme aussi dangereuse et, plus généralement, lui demande combien de décès ont occasionné dans les dix dernières années chaque arme dite « non létale » fournie à la police.

Réponse émise le 23 avril 2024

Les policiers et les gendarmes assurent, avec professionnalisme, dévouement et courage, le respect des lois et la protection de nos concitoyens, dans des situations de plus en plus difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Ils sont exposés à des violences physiques et verbales croissantes, parfois extrêmes, et à des mises en cause incessantes. Lors des violences urbaines de fin juin et début juillet par exemple, ils ont été visés par un déferlement de haine et de violences rarement observé dans le passé. Plus de 700 d'entre eux ont été blessés. S'agissant des faits survenus le 30 juin 2023 à Mont-Saint-Martin, en Meurthe-et-Moselle, impliquant le RAID, ils font l'objet d'une procédure judiciaire. Il n'appartient pas au ministre de l'Intérieur et des Outre-mer de la commenter. En tout état de cause, quand l'usage légitime des armes est mis en doute,  a fortiori lorsque des drames sont à déplorer, ils font l'objet d'enquêtes administratives ou judiciaires. S'agissant des armes de force intermédiaire, elles permettent de faire face à des situations pour lesquelles la coercition physique est insuffisante mais qui nécessitent une riposte immédiate, par exemple pour faire face à des groupes armés ou violents. La montée des violences à l'encontre des forces de l'ordre et la radicalisation des mouvements de contestation en font des outils indispensables. Tel a été le cas pendant les émeutes de l'été dernier. L'emploi d'une arme n'est, par nature, jamais anodin. Il obéit à des règles de droit et à des conditions d'utilisation rigoureuses. Il relève du cadre juridique de l'usage de la force et n'est donc possible que lorsque les conditions requises par la loi l'autorisent (légitime défense, état de nécessité, etc.). Il est soumis, en particulier, aux principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. S'agissant des munitions dites « projectiles en sachet » (« bean bag »), il s'agit de petits sacs en kevlar contenant des billes de plomb. Il ne s'agit donc pas d'une arme, contrairement à ce qui est indiqué dans la question écrite, mais de cartouches, de calibre 12 modèle « moyen de force intermédiaire », tirées avec des armes longues, dont celles en dotation dans la police nationale. L'emploi de cette cartouche est réservé à des unités spécialisées, par exemple au RAID. Ces munitions ne sont pas « létales ». L'emploi d'armes approvisionnées de telles munitions relève du cadre juridique de l'usage de la force, dans le respect des principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité. Considérant la dangerosité de leurs missions et les violences auxquelles sont de plus en plus confrontés les policiers, il n'est nullement envisagé d'interdire ni ce type de munition, ni les armes d'épaule qu'elles approvisionnent. Au regard du faible nombre d'unités dotées de tels équipements, le recours à cette munition est certainement très rare, même s'il ne peut être quantifié. À cet égard, 4 déclarations d'usages d'armes longues comportant cette précision ont été faites par un service spécialisé de la préfecture de police au cours des violences urbaines de l'été dernier, dans le traitement relatif au suivi de l'usage des armes, qui recense les usages d'arme par les policiers et enregistre le nombre de munitions déclarées. S'agissant des décès « occasionnés » par des armes de force intermédiaire, la police nationale (Inspection générale de la police nationale) s'est dotée en 2018 d'une application permettant le suivi statistique et l'analyse des causes des blessures graves et des décès survenus au cours d'une mission de police. Ces données peuvent ne pas être parfaitement exhaustives. Par ailleurs, ce recensement est soumis à certaines conditions cumulatives (les faits se sont produits ou ont été constatés à l'occasion d'une mission de police ; les faits ont donné lieu à une enquête judiciaire ; dans le cas de blessure, l'incapacité totale de travail, établie par une unité médico-judiciaire, doit être supérieure ou égale à 9 jours. En tout état de cause, cet outil n'a pas pour objet d'apprécier la légitimité des actions ayant pu conduire à ces blessures ou à ces décès. S'agissant de décès ayant pu être occasionnés par des armes de force intermédiaire au cours des 10 dernières années, ils ne peuvent être précisément recensés. Comme précédemment indiqué, un suivi organisé et informatisé n'a été mis en place qu'en 2018. Les données disponibles font apparaître qu'aucun décès enregistré n'est lié à l'usage du lanceur de balles de défense (sous réserve d'une enquête en cours concernant un décès survenu à Marseille le 2 juillet 2023, impliquant une munition qui reste à déterminer). Concernant les pistolets à impulsions électriques, 4 décès ont été recensés dans des interventions au cours desquelles cette arme a été utilisée, mais d'autres causes interviennent dans ces drames, où l'usage du « Taser » n'est pas en cause en tant que seule raison du décès (état de démence avec injection de calmants, actes d'auto-agression, etc.). Aucun décès n'est recensé comme causé par l'usage d'un bâton de défense. Aucun décès n'a non plus été enregistré pour usage de la grenade à main de désencerclement « GENL » dont sont dotés les services de police depuis 2020. La gendarmerie comptabilise quant à elle 3 décès consécutifs à l'usage d'une arme de force intermédiaire depuis 2012. Dans 2 des 3 cas, la mort est imputable aux circonstances de l'usage de l'arme : un accident de la route à la suite de l'usage d'une herse et une chute d'un toit à la suite de l'usage d'un pistolet à impulsion électrique. Ces deux cas, qui se sont passés en 2022 et 2023, font toujours l'objet d'une enquête judiciaire. Le seul décès directement imputable à l'usage d'une arme de force intermédiaire a eu lieu en 2014 lorsqu'un manifestant, demeuré sur place après deux sommations de mise en demeure de quitter les lieux, a été tué par la détonation d'une grenade offensive lors des évènements de SIVENS. Le danger potentiel des armes de force intermédiaire n'est nullement sous-estimé. Leur utilisation, même par des agents qualifiés et dont le sang-froid et le professionnalisme sont reconnus, présente, comme toute arme, des risques, et il est à ce titre utile de rappeler que chaque agent de police ou militaire de la gendarmerie dispose en matière d'usage des armes d'une formation initiale poussée et complétée de rappels annuels sur le cadre légal d'usage des armes et sur la déontologie. De plus, chaque gendarme ou policier s'entraîne annuellement à la manipulation des armes et au tir. Le recours disproportionné ou inadapté de la force ou de ses armes constitue un des risques déontologiques du quotidien. En gendarmerie comme en police, des efforts ont donc logiquement été faits sur la formation dispensée aux EGM et aux CRS pour garantir le professionnalisme des unités engagées en maintien de l'ordre. L'enseignement est ainsi centré sur la légalité dans l'emploi de la force et le discernement. L'accent est mis sur le respect du cadre légal, l'éthique et la déontologie, la maîtrise et la recherche permanente du plus bas niveau possible d'emploi de la force. En gendarmerie, la formation au diplôme d'arme a également été rénovée en 2022 pour tenir compte du haut niveau de technicité et de professionnalisme ainsi que de la parfaite maîtrise du cadre réglementaire et déontologique qu'exigent les situations de maintien de l'ordre actuelles, tout en renforçant les compétences d'encadrement et de formation. Enfin, la mission de maintien de l'ordre est, sauf crise majeure, exclusivement remplie par des gendarmes mobiles formés. Il résulte de ces efforts de formation et de l'accent mis sur la déontologie, que la gendarmerie est peu concernée par des signalements à l'IGGN pour usage disproportionné ou illégitime de la force, et ce, malgré le taux d'activité élevé observé. Pour ce qui concerne la police nationale, l'Inspection générale de la police nationale a été saisie en 2022 de 508 enquêtes judiciaires portant sur l'usage de la force (sur un total de 1 065 enquêtes judiciaires).

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