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Matthias Tavel
Question N° 11419 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 septembre 2023

M. Matthias Tavel rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, que sa réponse du 30 avril 2023 à la question écrite qu'il lui a posée en date du 31 janvier 2023, loin d'être satisfaisante, ne correspond en aucun cas à la réalité vécue par les juridictions du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, ni celle du conseil de prud'hommes. Le fonctionnement de ce dernier, juridiction paritaire dont on peut aisément imaginer l'importance du rôle et notamment celui de sa section industrie, sur un bassin tel que celui de Saint-Nazaire, est gravement perturbé depuis que son greffe a été supprimé en raison de la création du greffe unique de tribunaux judiciaires en 2020 et d'une diminution continue de ses effectifs depuis 4 ans. Il en est résulté que le fonctionnement du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire est devenu dépendant du nombre d'agents du greffe unique mis à sa disposition. À ce jour, la juridiction prud'homale de Saint-Nazaire dispose d'une seule greffière qui travaille à temps partiel (80 % ETP). Aujourd'hui, la juridiction n'a d'autre choix que celui de réduire son activité en renvoyant des audiences de bureau de jugement à plusieurs mois. Les justiciables, salariés et employeurs, vont donc pâtir d'un allongement du délai de règlement de leur contentieux, alors que les parties à un litige ont toujours à cœur de voir trancher leur différend dans les meilleurs délais. S'agissant du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, les juridictions, tant civiles que pénales, ne sont tristement pas en reste. Le manque de greffiers est estimé à 25 % selon le bâtonnier de Saint-Nazaire. Au civil, les délais d'audiencement et ceux pour obtenir une décision sont anormalement rallongés en raison, là aussi, d'un manque criant de personnels. Laissant ainsi des justiciables dans le désarroi, en attente que leur soit notifiée la décision d'un juge aux affaires familiales, d'un juge des tutelles ou un jugement de divorce contentieux pour ne citer que ces exemples. Au pénal, les deux cabinets à l'instruction sont demeurés sans greffier durant trois mois. Une personne vient juste d'arriver en renfort le 11 septembre 2023, mais pour une période limitée. La nouvelle procédure d'hospitalisation sous contrainte issue de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 liée à l'isolement et à la contention dans le cadre d'une hospitalisation sous contrainte est placée sous le contrôle d'un juge des libertés et de la détention (JLD). Elle impose le respect d'une procédure stricte et rigoureuse, notamment en matière de délais entre les actes. On connaît l'importance de ces délais qui sont contrôlés de manière stricte par la Cour de cassation (Civ. 1re, 8 juill. 2020, n° 19-18.839, Dalloz actualité, 4 sept. 2020, obs. C. Hélaine ; D. 2020. 1465). Cette procédure est donc particulièrement lourde en matière de charge de travail pour les greffes. À Saint-Nazaire, elle a été suspendue depuis plus d'un an faute d'effectifs. La juridiction en est ainsi contrainte à faire le tri entre les lois qu'elle applique et celles qu'elle n'applique pas. L'État encourt donc d'être condamné pour faute lourde en cas de dommage causé par un fonctionnement défectueux de la justice. En témoigne la motion rédigée par l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire qui dénonce que le point atteint à Saint-Nazaire est historique en cette année 2023. Ce, malgré des alertes et actions répétées des greffiers depuis des mois. C'est dire l'état du délabrement du service public de la justice dans le ressort, a fortiori très étendu, de cette juridiction. Loin des effets d'annonce et de communication, le rapport remis le 8 juillet 2023 par le comité chargé de la synthèse des États généraux de la justice est sans appel : 1 500 magistrats et 2 500 à 3 000 greffiers doivent être recrutés pour assurer ne serait-ce qu'un fonctionnement normal de la justice. On a appris que ces chiffres incluaient les postes déjà existants, mais vacants. Il y a quelques jours, le ministère de la justice a annoncé un plan massif de recrutements. Concernant la cour d'appel de Rennes, il a été annoncé la création de 173 postes d'ici 2027, de 58 magistrats, de 61 greffiers et de 54 attachés de justice d'ici 2025. Rien n'est précisé s'agissant des affectations dont pourraient bénéficier les juridictions de Saint-Nazaire, étant rappelé que compte tenu du temps nécessaire à la formation de ces personnels, la situation « historique » et catastrophique du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et celle de son conseil de prud'hommes ne sont pas près d'être améliorées. Par la motion qu'il a adressé au premier président de la cour d'appel de Rennes, l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire fait état de « dysfonctionnements liés au manque de greffiers et de magistrats » et demande au ministère de la justice « d'agir immédiatement ». En réponse, on apprend que la liste des postes proposés à la mutation des greffiers pour mars 2024 vient de paraître. Malgré une situation jugée clairement délétère pour les magistrats et greffiers de Saint-Nazaire, mais aussi pour les conseillers prud'homaux et parfaitement connue des services du ministère de la justice, aucun poste n'est proposé pour le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire. Il lui demande donc quelles sont les mesures d'urgence et actions qu'il entend prendre et mettre en œuvre, afin de répondre aux demandes de moyens humains supplémentaires complètement légitimes formées par le président du conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire, les greffiers du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire et l'Ordre des avocats du barreau de Saint-Nazaire.

Réponse émise le 2 janvier 2024

Avec une enveloppe budgétaire sans précédent de 9,6 milliards d'euros, le ministère de la Justice a bénéficié en 2023 d'une nouvelle augmentation de +8 % de son budget suivant les deux précédentes hausses de +8 % déjà accordées en 2022 et 2021. Cet effort se poursuivra en 2024 avec un budget qui dépassera pour la 1ère fois la barre symbolique des 10 milliards d'euros, en atteignant 10,1 milliards en loi de finance. Cela représentera une hausse de près de 503 millions d'euros supplémentaires, soit près de 5,3 %. La Justice ne pouvant fonctionner sans des femmes et des hommes œuvrant quotidiennement à son service, ce sont 10 000 emplois supplémentaires qui seront créés d'ici 2027, soit une hausse de 11 % en cinq ans, au service, entre autres, du renfort des effectifs en juridictions, de l'armement des nouveaux établissements pénitentiaires et des services de la protection judiciaire de la jeunesse. Le ministère de la Justice bénéficiera de la création de 1 500 postes de magistrats, de 1 800 postes de greffiers et de 1 100 attachés de justice, grâce à la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice contre laquelle vous avez voté. S'agissant des effectifs de greffe du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire, dans le cadre de la circulaire de localisation des emplois au titre de l'année 2022 et au regard de l'évaluation de la charge de travail, l'effectif des fonctionnaires est fixé à 64 agents. Au 1er octobre 2023, deux postes de greffiers fonctionnels, un poste de greffier, et un poste d'adjoint administratif sont vacants. Il est à noter le surnombre d'un secrétaire administratif. Un attaché d'administration a rejoint la juridiction le 1er novembre 2023 en qualité de chargé de mission du cabinet des chefs de juridiction. Dans le cadre du plan de soutien à la justice de proximité, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a reçu le renfort d'un contractuel de catégorie A chargé de la lutte contre les violences intra familiales, de deux contractuels de catégorie B et de deux contractuels de catégorie C. Les postes appelés à être vacants au tribunal judiciaire de Saint-Nazaire seront pris en compte dans le cadre des prochaines campagnes de mobilité et de recrutement. Enfin, les chefs de cour ont la possibilité d'affecter des personnels placés du ressort pour résorber, le cas échéant, un stock jugé trop important et peuvent également utiliser la dotation de crédits dédiés au recrutement de contractuels vacataires. La direction des services judiciaires continuera de veiller à la situation des effectifs du ressort du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire. S'agissant de la répartition des 61 greffiers qui viendront renforcer la cour d'appel de Rennes, celle-ci sera arrêtée sur le fondement de la proposition qui sera faite par les chefs de cour après une analyse précise des besoins locaux

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