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Julien Odoul
Question N° 1196 au Ministère auprès de la première ministre


Question soumise le 13 septembre 2022

M. Julien Odoul appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances sur le phénomène d'excision de femmes françaises originaires d'Afrique. La dernière estimation gouvernementale datant de 2012 relatait 125 000 femmes mutilées dans le pays. Au début des années 2000, elles étaient 60 000. Selon les acteurs de terrain, cette statistique serait largement dépassée. Excision, infibulation ou cautérisation des parties génitales sont le sort que subissent ces jeunes femmes qui sont de plus en plus nombreuses. Selon une enquête du Figaro publiée le 29 août 2022, qui a pu recueillir plusieurs témoignages, un gynécologue de l'hôpital de la Conception à Marseille s'occuperait chaque semaine de « cinq à dix nouvelles femmes mutilées sexuellement », un nombre en forte hausse depuis cinq ans. Toujours selon ce chirurgien, la cause première de l'explosion de ce phénomène s'expliquerait par l'augmentation des flux migratoires venus d'Afrique et la « féminisation des immigrés » qui arrivent en France. Le profil de ces femmes est similaire : elles sont âgées de 15 à 55 ans, sont originaires de Guinée, Sénégal, Mali, Cameroun ou encore Côte d'Ivoire et ont été forcées à la mutilation par des membres de leur famille. Selon une étude de Santé publique France menée en 2019 et à titre d'exemple, 97 % des femmes ont été mutilées sexuellement en Guinée entre 1990 et 1996. Ce même pays figure dans les cinq premiers pays de provenance des primo-demandeurs d'asile en France. Si la majorité des victimes d'excision vivant en France sont issues de l'immigration de première génération et donc sont étrangères, leurs filles nées dans l'Hexagone sont désormais elles aussi menacées de mutilation sexuelle et représenteraient environ 30 % des femmes excisées. D'après la Haute Autorité de santé, entre 12 et 20 % des mineures dont la famille est originaire de pays où l'excision est pratiquée, sont menacées, en France, d'une mutilation. Pour contourner la loi française, qui punit de 10 à 20 ans d'emprisonnement l'excision, ces familles envoient ces jeunes filles dans leur pays d'origine lors des vacances scolaires estivales, où vivent encore grands-parents ou grands-tantes. Ces voyages sont perçus comme une « norme » dans certains quartiers français et suivent une certaine « logique culturelle ». Des jeunes filles, dans la plupart des cas mineures et qui ne sont pas informées de l'objet de ces voyages, sont envoyées dans leur pays d'origine pour se faire exciser. Elles rentrent ensuite en France mutilées sexuellement et traumatisées pour le reste de leur vie. Au même titre que le scandale des certificats de virginité, cette pratique est inadmissible en France. En cas de refus d'excision, ces femmes risquent la mise au ban, le harcèlement ou le reniement de leur famille et craignent parfois pour leur vie. La France doit pouvoir sanctionner durement ces familles qui s'attachent à faire perdurer des pratiques barbares contraires aux valeurs françaises et à la dignité des femmes. Pour toutes ces raisons, il lui demande quelles sont les dispositions et mesures que compte prendre le Gouvernement pour éradiquer ce phénomène d'excision qui doit disparaître du territoire français.

Réponse émise le 27 septembre 2022

Les mutilations sexuelles féminines (MSF) constituent une atteinte inadmissible à l'intégrité et aux droits fondamentaux des femmes et des petites filles qui en sont victimes. Ces actes ont des conséquences lourdes tant du point de vue psychologiques que sanitaires et sociales et sont dénoncés et condamnés à l'international comme en France. Aujourd'hui en France, près de 124 355 femmes adultes vivent excisées. 11 % des filles de ces femmes mutilées le sont également. Entre 12 et 20 % des filles âgées de 0 à 18 ans, vivant en France et originaires de pays où les mutilations génitales féminines sont pratiquées, seraient menacées du fait des convictions de leurs parents ou par la pression de la famille restée dans le pays d'origine. Si ce nombre semble plus important que les estimations des années 2000, cette augmentation s'explique en réalité par l'arrivée en France de nouvelles femmes migrantes en provenance de « pays à risque » et par le passage à l'âge adulte des jeunes filles mineures non comptabilisées lors de la précédente estimation. Les mutilations sexuelles féminines sont interdites et punies par la Loi française. La loi protège tous les enfants qui vivent en France, quelle que soit leur nationalité. Elle s'applique pour les mutilations commises, en France comme à L'étranger. L'auteur d'une mutilation commise à l'étranger, Qu'il soit français ou étranger, peut être poursuivi en France, si la victime est de nationalité française ou bien si elle est étrangère et réside habituellement en France (article 222-16-2 du code pénal). Les peines prévues pour l'auteur d'une mutilation et pour le (s) responsable (s) de l'enfant mutilée sont définies par le code pénal. Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies par 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende (article 222-9). Si la mutilation est commise sur une mineure de moins de 15 ans par un ascendant légitime, naturel, adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la mineure, la peine encourue est de 20 ans de réclusion criminelle (article 222-10). Une action en justice peut être engagée 20 ans après la majorité de la victime, c'est-à-dire jusqu'à ses 38 ans. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est le premier pilier de la Grande Cause des quinquennats du Président de la République et comprend la lutte contre les mutilations sexuelles féminines. Un Plan national d'action visant à éradiquer les mutilations sexuelles féminines a été adopté par la France en 2019. Les quinze mesures de ce plan ont notamment pour objectif de renforcer la détection des situations de risques, la formation des professionnels et la sensibilisation de la société à cette pratique néfaste. Il engage également les acteurs des territoires les plus touchés par ce phénomène à se coordonner et à développer des synergies d'actions dans un souci d'efficacité. Enfin, l'impact du plan est renforcé par la diffusion d'une plaquette à destination des professionnels en contact avec les enfants susceptibles d'être en risque de mutilations sexuelles féminines. Cet outil doit leur permettre de mieux repérer le risque ou l'existence d'une mutilation. Le guide présente ainsi des indicateurs objectifs permettant d'évaluer le risque et propose un arbre décisionnel éclairant sur la conduite à tenir pour chaque situation. Trois ans après le lancement de ce plan, un système de recueil de données directement recueillies auprès des femmes en maternité a été mis en place. Les associations luttant contre les mutilations sexuelles féminines ont vu leurs financements sécurisés par le biais de conventions pluriannuelles d'objectif (CPO). Ces associations sont des partenaires essentiels auprès des jeunes et de leurs familles ainsi qu'auprès des intervenants des diverses professions concernées. Le Gouvernement continue de lutter activement contre les mutilations sexuelles féminines et en février 2022, le Ministère de l'Egalité entre les Femmes et les Hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances a annoncé une extension de 300 000 du budget annuel alloué à la lutte contre les mutilations sexuelles féminines pour 2022. Par ailleurs dans le cadre du droit d'asile, la protection de ces victimes a été renforcée récemment avec la loi : le législateur a désormais habilité l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à soumettre une mineure protégée au titre du risque d'excision à un examen médical pour s'assurer, tant que le risque existe, de l'absence de mutilation par la suite (art. L. 752-3 du CESEDA). Sur le plan sanitaire, l'acte chirurgical de reconstruction est pris en charge par la sécurité sociale depuis 2004. Les femmes bénéficient à cette occasion d'un accompagnement spécifique pour se réapproprier leur corps. A l'international, la France est également engagée pour la promotion des droits et de la santé sexuels et reproductifs. A l'occasion du Forum génération égalité co-présidé par la France et le Mexique en 2021, la France a annoncé une contribution de 400 millions d'euros pour les droits et la santé sexuels et reproductifs sur cinq ans, dont 50 millions pour le Fonds français Muskoka qui traite en grande partie des enjeux de santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale, infantile et des adolescents. La France investit également 5millions d'euros dans un programme innovant pour favoriser un accès équitable aux produits de santé sexuelle et reproductive (Shaping Equitable Market Access for Reproductive Health – SEMA).

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