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Christophe Marion
Question N° 12159 au Ministère du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche


Question soumise le 17 octobre 2023

M. Christophe Marion attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les difficultés rencontrées actuellement par le Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS), institut rattaché à l'École nationale des chartes depuis 2007, créé par François Guizot en 1834. Chargé de diriger les recherches et la publication de documents inédits relatifs à l'histoire de France, cette institution est devenue, grâce à ses publications, l'organisation d'un congrès annuel, ses projets scientifiques, un acteur majeur de la recherche française et de la science ouverte. Ses 255 membres bénévoles sont des universitaires, des conservateurs et des scientifiques internationalement reconnus. Fidèles aux origines du CTHS, créé pour mobiliser et animer un réseau dense d'érudits locaux, ils sont par ailleurs tous membres de sociétés savantes qui animent une recherche participative et citoyenne de qualité sur l'ensemble du territoire national. Et le sujet est d'importance. En effet, si le rôle d'élu de la Nation doit consister à soutenir celles et ceux qui, au sein des universités ou des organismes de recherche, font progresser les sciences humaines et sociales avec patience et méthodologie, on doit porter une attention particulière aux chercheurs locaux, amateurs ou professionnels, rassemblés au sein des sociétés savantes. Depuis deux siècles (et parfois plus), celles-ci font connaître notamment l'histoire des territoires, des petites patries, des identités régionales qui font les grandes nations. Elles ont tant de choses à dire. Aux politiques qui sont à la recherche d'identités locales nouvelles alors que les communes fusionnent, que se créent des collectivités aux périmètres récents (syndicats de pays, communautés de communes ou d'agglomération, etc.) et que s'imaginent les stratégies de marques territoriales. Aux universitaires ou aux grandes institutions patrimoniales et culturelles qui s'attachent, à travers la recherche participative, à renouer le lien avec les citoyens. Aux populistes, qui trahissent, instrumentalisent l'histoire pour surfer sur une nostalgie mélancolique qui empêche de penser l'avenir. Aux enseignants qui luttent contre la désinformation et cherchent à faire vivre, dans l'environnement local de chaque élève, les grandes thématiques des programmes scolaires. À celles et ceux qui, quotidiennement, luttent contre les fausses nouvelles en cherchant à répandre les vertus de la méthodologie scientifique, de la raison et de l'esprit critique. Aux Françaises et aux Français passionnés par l'histoire de leur pays et de ses territoires. Il est temps de reconnaître ce que les 3 500 sociétés savantes et ses 700 000 membres, parfois derniers services publics culturels de la ruralité, apportent aujourd'hui à la République comme l'affirmait Mme la ministre Frédérique Vidal à l'occasion du 143e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, organisé par le CTHS : « La science peut porter les promesses de progrès les plus ambitieuses mais sans l'adhésion de la société, elles resteront lettres mortes. Le monde de demain, ce qu'il exige de savoirs, de créativité et d'esprit critique, n'autorise pas de fracture entre les citoyens et les chercheurs. C'est ce dialogue entre la science et la société que le CTHS nourrit, clarifie et facilite. Et nous en avons grand besoin dans une société qui confond faits scientifiques et fausses nouvelles (...) Le CTHS, au travers de ses différents projets d'édition ou de production de connaissances, orchestre ces différents passages de témoin : du scientifique vers l'érudit, de l'érudit vers le citoyen ». Alors même que le rôle du CTHS apparaît, plus encore aujourd'hui qu'hier, comme fondamental, ses missions, ses moyens budgétaires (le ministère avait octroyé pour le fonctionnement de l'institut une subvention et des postes, au moment de son rattachement à l'École des chartes : désormais, ces moyens sont fondus dans le budget de l'école et ne sont plus affectés), son indépendance scientifique, ses choix stratégiques voire son avenir semblent remis en cause par sa tutelle. Cette situation entraîne une grave crise conduisant à la démission du président du CTHS et à une inquiétude grandissante de ses membres. Ceux-ci, représentés par les présidents des différentes sections, interrogent la pertinence du rattachement à l'École nationale des chartes. M. le député interroge Mme la ministre sur cette crise et la manière de contribuer à sa résolution. Il semble indispensable de réaffirmer l'importance du comité et son indépendance scientifique ; de sanctuariser ses moyens pour remplir ses missions. Les 700 000 membres des sociétés savantes, défenseurs de la culture au cœur des territoires, ne comprendraient pas que la survie de l'institution qui les représente depuis bientôt 200 ans soit menacée par la plus petite (mais néanmoins prestigieuse) des grandes écoles parisiennes. Il souhaite connaître sa position sur ce sujet.

Réponse émise le 13 février 2024

Le comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) a été initialement créé le 18 juillet 1834.  Afin de pérenniser la structure du CTHS tout en le dotant d'un cadre administratif et budgétaire conforme aux règles de la gestion publique, le Gouvernement a souhaité le rapprocher d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel. Compte tenu des synergies existant entre le CTHS et l'École nationale des chartes en ce qui concerne les champs scientifiques couverts et en matière de publications, il a été décidé, dans le cadre de la réforme des statuts de l'Ecole nationale des chartes, d'intégrer le CTHS à cette dernière sous la forme d'un institut interne créé par arrêté du ministre en charge de l'enseignement supérieur. Un arrêté du 12 juin 2007 est venu mettre en oeuvre cette orientation, en précisant que l'institut ainsi créé "s'inscrit dans la continuité du comité des travaux historiques et scientifiques créé en 1834". Un récent arrêté du 2 novembre 2023 est venu clarifier les missions, l'organisation et les règles de fonctionnement du CTHS. Cet arrêté confirme le rattachement du CTHS, sous la forme d'un institut, à l'Ecole nationale des chartes (article 1er), tout en garantissant son indépendance scientifique. Les membres titulaires sont nommés par le président du CTHS sur proposition des sections et après approbation du conseil de direction, mais dans le nouveau dispositif ces nominations ne sont plus soumises à la ratification du ministre chargé de l'enseignement supérieur (article 6). Les sections définissent les orientations scientifiques des projets portés par le CTHS (article 8).  En matière financière, le nouveau régime fixé par l'arrêté du 2 novembre 2023 permet également de renforcer le CTHS : si le budget du CTHS reste intégré à celui de l'Ecole nationale des chartes, il est désormais identifié au sein de ce dernier par un centre de responsabilité dédié. Par ailleurs, le délégué général est ordonnateur délégué des recettes et des dépenses. Des crédits issus de la subvention pour charge de service public de l'Ecole nationale des chartes sont affectés au CTHS et ce dernier dispose également de ressources propres (article 15). Le nouveau cadre ainsi défini doit permettre au comité d'exercer le rôle éminent qui lui est reconnu dans le développement de la science citoyenne.

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