Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Christophe Plassard
Question N° 12265 au Ministère de la culture


Question soumise le 17 octobre 2023

M. Christophe Plassard alerte Mme la ministre de la culture sur les courriers abusifs envoyés par la SACEM aux propriétaires particuliers de locations saisonnières. En effet, de plus en plus de personnes louant leur habitation reçoivent un courrier de la SACEM les enjoignant à régler une cotisation de diffusion de plus de 200 euros, au motif que cette habitation dispose d'une télévision, d'un poste de radio ou de toute autre enceinte musicale, et plus particulièrement en Charente-Maritime. Peu importe que ce matériel soit fonctionnel ou non, utilisé ou non. Alors que la quasi totalité des voyageurs regardent la télévision ou écoutent de la musique désormais sur leurs appareils personnels (téléphones, tablettes ou ordinateurs portables), la SACEM enjoint aux propriétaires de régler cette cotisation, alors même que les particuliers ne proposent à la location que des logements ne permettant qu'une diffusion privée des œuvres concernées. Surtout, la SACEM considère préalablement les propriétaires comme des fraudeurs, dès le premier courrier, alors que ceux-ci sont de bonne foi car soit ignorants de l'existence de cette cotisation, soit pensant ne pas être concernés en raison des motifs précédemment évoqués. D'emblée, ils sont menacés d'une amende pouvant aller jusqu'à 300 000 euros, alors que cela ne saurait résulter que d'une décision de justice et alors que celle-ci tend de plus en plus à donner raison aux propriétaires particuliers. Il lui demande ainsi quelles mesures elle entend prendre afin de protéger les propriétaires particuliers de ces locations et surtout si une notification va être envoyée à la SACEM qui, si elle doit être soutenue dans son travail de protection des artistes face à la fraude et à la diffusion publique et illégale d'œuvres, ne doit pas être exempte du principe de proportionnalité et de respect envers les administrés.

Réponse émise le 21 novembre 2023

Le code de la propriété intellectuelle (CPI) reconnaît aux titulaires de droits de la musique des droits patrimoniaux sur leurs œuvres, prestations ou phonogrammes. Les sommes dont le paiement est aujourd'hui réclamé par la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) aux exploitants d'hébergements touristiques (hôtels, résidences de tourisme, chambres d'hôtes, gîtes et meublés de tourisme) qui procèdent à des diffusions musicales dans leurs parties communes ou leurs chambres couvrent non seulement la rémunération due aux auteurs et compositeurs, mais aussi la rémunération, dite « rémunération équitable », due aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes au titre de la diffusion publique des phonogrammes du commerce. L'intervention de la SACEM est juridiquement fondée, s'agissant des droits d'auteur, sur l'article L. 122-2 du CPI qui soumet à l'autorisation de l'auteur la représentation de son œuvre, laquelle consiste dans la « communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». Selon les juridictions françaises et européennes, la distribution d'un signal au moyen d'appareils de télévision par un établissement hôtelier aux clients installés dans les chambres de cet établissement, quelle que soit la technique de transmission du signal utilisée, constitue un acte de communication soumis au droit d'auteur (cf. notamment CJCE, 7 décembre 2006, C 306/05). La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a certes écarté l'existence d'un tel acte dans des affaires récentes concernant la location de véhicules équipés de postes de radio ou encore la présence de systèmes de sonorisation dans des moyens de transport, mais sur la base d'un raisonnement qui n'est pas transposable aux hypothèses où « des prestataires de services transmettent délibérément à leur clientèle des œuvres protégées, en distribuant un signal au moyen de récepteurs qu'ils ont installés dans leur établissement » (CJUE, 2 avril 2020, C-753/18 ; v. dans le même sens : CJUE, 20 avril 2023, C 775/21 et C 826/21). En outre, selon la jurisprudence actuelle de la CJUE, il suffit que l'œuvre soit mise à la disposition du public de sorte que les personnes puissent y avoir accès sans qu'il soit déterminant qu'elles utilisent ou non cette possibilité. Le fait que les clients n'aient pas mis en marche l'appareil de télévision et n'aient pas eu effectivement accès aux œuvres n'a pas été jugé déterminant (cf. CJCE, 7 déc. 2006, SGAE, C 306/05). Au-delà du bien-fondé de l'intervention de la SACEM, la question de l'adéquation du montant des redevances réclamées demeure une préoccupation importante pour les professionnels du secteur touristique. Le ministère de la culture n'est pas compétent pour intervenir dans la fixation des modalités de collecte et de répartition de cette rémunération – cette dernière ne constitue pas en effet une taxe ou une redevance de nature fiscale –, mais demeure attentif à ce que les organismes de droit privé, telle que la SACEM, prennent en compte les préoccupations exprimées par les propriétaires de gîtes et de chambres d'hôtes. À cet égard, la SACEM a introduit en 2014 un système de tarification simplifié réservé aux petits établissements d'hébergement touristique disposant de 10 chambres ou moins, ainsi qu'aux chambres d'hôtes et gîtes. Le montant de ce forfait annuel, soit 120,11 € HT en 2022 au titre des droits d'auteur, tend à harmoniser le traitement de ces petites structures. Ce forfait a été établi par référence au minimum applicable aux établissements hôteliers. Il convient en effet de s'assurer que le traitement spécifique accordé aux établissements d'hébergement touristique n'induise pas de distorsion de concurrence au détriment des exploitants d'établissements hôteliers. En vue de simplifier les modalités d'accès aux œuvres, sans pour autant priver les auteurs de leurs droits et de la juste rémunération de leur activité créatrice, la SACEM poursuit actuellement des discussions avec les principales fédérations et associations représentant les acteurs de l'hébergement touristique. Cela devrait permettre d'adapter les conditions de son intervention à la réalité des exploitations les plus modestes.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion