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Christine Engrand
Question N° 12643 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 7 novembre 2023

Mme Christine Engrand appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les contraintes financières qui pèsent de plus en plus lourd sur les agriculteurs. La hausse des taux d'intérêts place les agriculteurs dans une situation intenable. D'un côté le Gouvernement entend leur imposer d'investir progressivement dans des engins carburant aux énergies dites « alternatives » en supprimant l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR) sans pour autant faciliter lesdits investissements dans un contexte d'inflation galopante des taux d'intérêts. Cet effet ciseau, ce sont aussi les candidats à l'installation qui en sont victimes par le renchérissement du prix des terres, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) enregistre une augmentation de 3,2 % du prix moyen des terres et prés libres non bâtis et de 2,9 % des même espaces loués non bâtis et par la suspension des prêts bonifiés qui permettaient de faciliter les investissements initiaux. Ces deux populations sont également fragilisées par la baisse de 7 % de l'indice mensuel des prix agricoles à la production (IPPAP) d'août 2022 à août 2023, qui aurait pu être un indicateur d'une décrue de l'inflation, si cette baisse ne s'était pas accompagnée d'une hausse de 18 % d'août 2021 à août 2023 de l'indice mensuel des prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA). Les agriculteurs déjà en place voient ainsi leurs résultats se dégrader sans pour autant bénéficier de perspectives d'investissements probantes tandis que les candidats à l'exploitation sont refoulés par la crise économique et financière qui dure depuis maintenant trop longtemps. Les conséquences de cette crise seront indubitablement des ventes massives d'exploitations des agriculteurs les moins résilients, non pas au profit d'une nouvelle génération d'agriculteurs, mais plutôt à celui d'exploitation à forte intensité capitalistique, provoquant intrinsèquement une recomposition de la distribution des terres en faveur des plus grands propriétaires. En cela, elle lui demande quelles mesures il prévoit pour assurer une transmission homogène du patrimoine foncier à une génération d'agriculteur en devenir et pour soutenir la génération déjà en place qui souffre de la conjoncture économique et financière.

Réponse émise le 19 mars 2024

Alors que son rôle stratégique pour la souveraineté de la Nation a été souligné lors de la crise de la covid-19 et de la guerre d'invasion de l'Ukraine par la Russie, l'agriculture française fait face aujourd'hui à un double défi démographique et climatique. En effet, alors que le nombre de nouveaux installés reste stable depuis dix ans, il s'agit de compenser le départ de plus de 150 000 exploitants ou co-exploitants à la retraite d'ici 2030 par un renouvellement générationnel suffisant. Dans ce contexte, du fait notamment de la forte dépendance des productions agricoles aux effets du changement climatique et de la volatilité des prix, la sécurisation du revenu des agriculteurs demeure un enjeu central de visibilité et d'attractivité. Il est à noter que, sur la base du réseau d'information comptable agricole (RICA), en 30 ans, en euros constants, l'excédent brut d'exploitation par UTANS (Actif agricole non salarié) a augmenté de 35 % alors que le revenu disponible par UTANS a été structurellement stable. Par ailleurs, selon les chiffres de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural et d'AGRESTE, entre 1997 et 2021, les prix des terres labourables et des prairies naturelles libres de toute location en France métropolitaine (hors Corse) ont augmenté de 42 % en euros constants. Toutefois, après un fort recul depuis 2015 (- 8,2 % en 2021 en euros constants), ils ont de nouveau augmenté entre 2021 et 2022 (+ 3,2 %). Dans ce cadre, le soutien des aides de la politique agricole commune et des dernières lois françaises de 2018 et 2021 dites « EGALIM » visant à restituer aux agriculteurs une part suffisante de la valeur ajoutée de l'alimentation, constituent des éléments structurels de réponse à la fluctuation des prix et des quantités vendues. De plus, dans le cadre de la concertation menée en vue de l'élaboration du projet de loi et du pacte d'orientation et d'avenir agricoles annoncé par le Président de la République, les freins à l'installation de nouveaux agriculteurs ont été identifiés. L'accès au foncier et au capital, notamment pour l'investissement dans les transitions, est apparu particulièrement stratégique, dans un contexte caractérisé par une intensité capitalistique des exploitations de plus en plus forte et par l'augmentation du prix du foncier et des taux d'intérêts. Ainsi afin de garantir l'accès au foncier et aux capitaux lors du projet d'installation et favoriser les investissements, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a annoncé, dans le cadre de la mesure 24 du pacte d'orientation et d'avenir agricoles, le lancement d'un nouvel instrument financier permettant de déployer des offres de prêts qui bénéficieront de la garantie de l'État pour soutenir massivement les nouvelles installations en agriculture et les transitions. De plus, les enjeux liés au renouvellement des générations feront l'objet de mesures dédiées dans le cadre du projet de loi d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui sera présenté prochainement. Cet instrument financier sera complémentaire aux instruments déjà mis en œuvre dans certaines régions, et prendra notamment la suite du dispositif de l'initiative nationale pour l'agriculture française qui a permis entre 2020 et 2023 de déployer un milliard d'euros de prêts garantis.  L'instrument financier sera également destiné aux agriculteurs déjà installés, qui souhaitent financer des investissements transformants qui, par nature, sont plus porteurs de risques. Cet instrument financier permettra de déployer un portefeuille de prêts d'environ 2 milliards d'euros, et sera institué par la loi de finances initiale pour 2024 qui prévoit la garantie de l'État. La mesure 25 du pacte prévoit un engagement de l'État au côté des investisseurs institutionnels et privés en vue de soutenir le portage foncier, dans le cadre de la mise en œuvre du fonds « entrepreneurs du vivant » de France 2030. Afin d'accompagner le développement des énergies renouvelables dans un cadre agricole et la diversification des revenus des agriculteurs, la mesure 26 réunira en 2024 un groupe de travail dédié afin d'identifier les dispositions législatives et/ou réglementaires nécessaires pour sécuriser les relations contractuelles entre bailleur, preneur et un tiers intervenant dans le cadre de projets prenant place dans la durée sur l'exploitation et visant à développer des services écosystémiques ou énergétiques. La mesure 29 vise également, par la création des groupements fonciers agricoles d'investissement, à faciliter les investissements privés dans le foncier agricole afin de favoriser l'installation.  Ainsi le Gouvernement est pleinement mobilisé pour apporter aux agriculteurs des réponses à la hauteur des enjeux collectifs.

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