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Fabien Di Filippo
Question N° 14798 au Ministère du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire


Question soumise le 6 février 2024

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M. Fabien Di Filippo alerte M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les conséquences des accords de libre-échange signés entre l'Union européenne et d'autres pays en matière de perte de souveraineté alimentaire pour la France et de difficultés économiques pour les agriculteurs. Les manifestations d'agriculteurs se multiplient dans le pays. Une grande partie d'entre eux dénonce en particulier la politique européenne, ses normes perçues comme excessives, voire incohérentes avec les objectifs nationaux visant à la souveraineté alimentaire, mais aussi les accords de libre-échange qui fragilisent toutes les filières agricoles en favorisant la concurrence déloyale des produits à bas coûts venus de pays étrangers et ne respectant pas les exigences européennes au niveau environnemental, sanitaire et social. Depuis une décennie, la souveraineté alimentaire de la France, toutes filières confondues, a reculé de l'ordre de 3 %. La dépendance du pays en importations ne cesse de s'aggraver et sa balance commerciale agroalimentaire s'effondre. La France n'est par exemple plus autosuffisante en viande depuis 2014 et la part des importations dans le total de la viande consommée a atteint plus de 30 %. En avril 2023, l'excédent des échanges agroalimentaires français a atteint 343 millions d'euros, plus faible niveau pour un mois d'avril depuis 14 ans. Cette baisse de l'excédent commercial agroalimentaire provient pour près de 60 % des échanges avec les pays tiers. Malgré cela, plusieurs nouveaux accords devraient bientôt entrer en vigueur, après leur ratification par les deux parties, avec la Nouvelle-Zélande ou encore le Kenya. D'autres sont en cours de négociation, comme avec le Mercosur ou le Chili. Ces accords suscitent chez les agriculteurs une colère légitime, dans la mesure où ils favorisent une concurrence déloyale de productions étrangères qui mettront en péril à moyen et plus long terme la pérennité des filières et la souveraineté alimentaire française. Les agriculteurs, malgré toutes les normes et taxes supplémentaires des dernières années, ne craignent aucunement la concurrence, européenne comme mondiale. Mais celle-ci doit se faire sur des bases identiques et strictement équitables. C'est un impératif économique et aussi la moindre des protections due aux concitoyens et aux consommateurs européens. Concernant le Chili, l'accord de libre-échange conclu en décembre 2022 et qui doit encore être approuvé par le Parlement européen prévoit de faciliter les importations de matières premières et de combustibles (lithium, cuivre, hydrogène) vers l'Union européenne ainsi que l'implantation des entreprises spécialisées dans ce secteur sur le territoire chilien. En échange, les droits de douanes seront abolis sur certaines productions agricoles en provenance du Chili à hauteur de 96 % : les exportations chiliennes vers l'Hexagone pourraient ainsi atteindre 9 000 tonnes par an pour le porc, 4 000 tonnes pour la viande ovine et 2 000 tonnes pour le boeuf. Le secteur de la volaille, déjà très perturbé par les importations ukrainiennes, passerait de 18 000 tonnes de poulet importées à près de 40 000. De nouveaux contingents seraient créés, comme celui pour les préparations de fruits fixé à 10 000 t, pour l'huile d'olive à 11 000 t, ou pour l'éthanol à 2 000 t. En plus de mettre en difficulté certaines des filières, cet accord ne prévoit aucune disposition qui impose aux produits agricoles chiliens d'être alignés sur la législation qui encadre la production de produits européens. Leurs produits contenant des pesticides devront se limiter à respecter les limites maximales de résidus définies au niveau international, limites qui peuvent être supérieures à celles en vigueur dans l'UE. Les principaux syndicats agricoles dénoncent cette concurrence déloyale, mais aussi le fait que les accords de libre-échange conclus ou en cours de négociation sacrifient systématiquement l'agriculture française via des quotas très généreux au profit de gains industriels profitant plus largement aux pays voisins de la France. L'accord de libéralisation du commerce entre l'UE et la Nouvelle-Zélande, qui devrait être applicable dès 2024, prévoit lui aussi la suppression par l'Union européenne des droits de douane sur 98,5 % des importations néo-zélandaises actuelles, aujourd'hui dominées par les produits agricoles, comme la viande ovine, le kiwi et le vin, en échange de l'export par l'UE de davantage de métaux, de moteurs de voitures ou de machines électriques L'augmentation des quotas d'importation de viande de Nouvelle-Zélande sera de 38 000 tonnes supplémentaires, avec un coût de l'agneau à 9,90 euros le kilo, contre 23 euros pour son homologue français, ce qui inquiète fortement les éleveurs ovins, alors que la production ovine a déjà perdu 610 000 têtes en dix ans, passant de 4,93 millions de têtes en 2011 à 4,32 millions en 2021. Selon la Fédération nationale bovine (FNB), cette différence de coût est principalement liée au fait que les normes sociales (rémunération du personnel et charges sociales) et environnementales (utilisation par la Nouvelle-Zélande de substances interdites en Europe comme l'atrazine) ne correspondent pas aux normes européennes. Il en va également ainsi pour l'accord entre l'UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay), souvent surnommé l'accord « voitures contre vaches ». Conclu le 28 juin 2019, l'accord n'a jamais été ratifié par la Commission européenne, devant l'opposition de nombreux pays, dont la France et l'Allemagne, inquiets quant à ses conséquences sociales et environnementales. Mais le commissaire européen au commerce a déclaré le 23 janvier 2024 qu'une « conclusion de négociation avec le Mercosur est à portée de main avant la fin de ce mandat ». Le Président de la République a rappelé l'opposition très claire de la France à cet accord et invité Ursula Von der Leyen à le reporter sine die. Il est essentiel de continuer à lutter contre la ratification de cet accord, qui éliminerait à 91 % les droits de douane sur les produits européens tels que les voitures (35 %), les pièces détachées (14 à 18 %), les équipements industriels (14 à 20 %), la chimie (jusqu'à 18 %), l'habillement (jusqu'à 35 %) ou les produits pharmaceutiques et supprimerait en échange 92 % des taxes appliquées sur les biens sud-américains. L'Union européenne ouvrirait également son marché aux produits agricoles sud-américains par le biais de quotas : 99 000 tonnes de boeuf par an à taux préférentiel (7,5 %), un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles. Cet accord pourrait provoquer la disparition de « 30 000 éleveurs » hexagonaux qui ne pourraient pas résister à cette concurrence déloyale. Les agriculteurs français, notamment ceux de la filière bovine, dénoncent la taille des exploitations sud-américaines, capables d'héberger de 5 000 à 10 000 têtes de bétail, contre quelques centaines en France. Les syndicats agricoles pointent également les conditions d'élevage pratiquées en Amérique du Sud, avec l'utilisation de fourrages OGM ou l'usage d'antibiotiques en guise de stimulateurs de croissance. Il en va de même avec l'utilisation de pesticides, les limites maximales de résidus étant différentes entre le Mercosur et l'Union européenne. Certains composants actifs autorisés dans le Mercosur sont par ailleurs interdits dans l'UE (27 % des ingrédients actifs utilisés au Brésil étaient interdits au sein de l'Union européenne en 2020). Les aspects écologiques de ces importations sont donc très contestables, aussi bien au niveau des produits dont les autres pays font usage qu'au niveau du bilan carbone : l'INSEE révèle en effet que les importations pèsent lourd dans l'empreinte carbone de l'UE. La part de l'empreinte carbone associée aux importations varie de 26 % à 85 % selon les pays de l'UE - la moyenne étant de 51 %. Et la question de la réalité du commerce durable quand on transporte de la viande d'agneau trempée dans de l'azote liquide par bateau pendant douze semaines pour parcourir 22 000 kilomètres se pose également. Il est urgent d'agir afin que l'agriculture et ses filières ne constituent plus la variable d'ajustement lorsque s'engagent des négociations commerciales et afin que des clauses-miroirs soient systématiquement introduites dans les accords. Avant toute conclusion d'un accord, il est également essentiel que des études d'impact sur chacune des filières agricoles soit réalisées. Il demande au Gouvernement s'il compte s'opposer aux accords de libre-échange en cours de négociation ou de ratification et engager leur révision afin de les rééquilibrer, d'imposer la réciprocité des normes et de préserver à la fois les intérêts des consommateurs et des filières de production agricole française.

Réponse

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