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Charlotte Leduc
Question N° 15355 au Ministère auprès de la ministre du travail


Question soumise le 20 février 2024

Mme Charlotte Leduc alerte Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur la situation des travailleuses et travailleurs des établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Ces lieux d'accès au travail accueillent aujourd'hui plus de 120 000 personnes en situation de handicap. Ils offrent un encadrement et un accompagnement aux travailleuses et travailleurs afin que leurs besoins spécifiques soient pris en compte. Cependant, le désengagement financier de l'État met à mal ces structures et remet en cause l'effectivité des droits des travailleuses et travailleurs en situation de handicap. En effet, les avancées contenues dans la loi pour le plein emploi du 18 décembre 2023, comme le remboursement des frais de transports publics, l'accès aux titres restaurants, aux chèques-vacances ou encore la prise en charge à 50 % de la couverture complémentaire collective, n'ont été accompagnées d'aucun financement public supplémentaire. Le risque est donc grand que les établissements employeurs revoient à la baisse l'accompagnement proposé aux travailleuses et travailleurs et dégradent les conditions de travail pour faire face à ces surcouts. Les exonérations de cotisations sur les bas salaires, censées compenser ces mesures, ne permettront pas d'amortir totalement les coûts supplémentaires. D'ailleurs de telles exonérations sont contraires à la dynamique qui vise à rapprocher les droits des travailleuses et travailleurs en situation de handicap de ceux des salariés de droit commun. Tel était pourtant l'objet des avancées citées précédemment. Où est l'État pour accompagner ces justes évolutions ? Il est donc nécessaire que l'État s'engage pleinement pour promouvoir une autre vision de l'emploi des personnes en situation de handicap. Il faut, par exemple, appliquer de manière systématique, les textes les plus favorables entre le statut protecteur en ESAT, payé a minima au niveau du Smic et le statut de salarié issu du code du travail. Les travailleuses et travailleurs des ESAT doivent également bénéficier d'institutions représentatives du personnel et se voir reconnaître le droit de grève. Le principe d'égalité, pilier de la République, exige de telles mesures. Or ces évolutions ne seront possibles sans un financement étatique massif et pérenne. Les travailleuses et travailleurs en situation de handicap sont avant tout des travailleuses et des travailleurs. Leurs droits doivent être identiques à ceux des salariés ordinaires. Elle lui demande quelles initiatives visant à atteindre cet objectif le Gouvernement compte prendre dans les mois à venir.

Réponse émise le 23 avril 2024

Le plan de transformation des Etablissements et services d'accompagnement par le travail (ESAT) impulsé en 2021 par les pouvoirs publics en concertation avec les représentants du secteur vise à créer les conditions d'une dynamique de parcours au bénéfice des personnes en situation de handicap orientées et accueillies en ESAT et à renforcer les droits sociaux de ces travailleurs. La mise en œuvre du plan a donné lieu depuis 2022 à l'adoption de plusieurs dispositions législatives et réglementaires, à savoir : - la loi 3DS du 21 février 2022 et les décrets des 13 et 22 décembre 2022 modifiant le Code de l'action sociale et des familles (CASF) ainsi que le code du travail et consistant notamment à permettre aux travailleurs d'exercer simultanément une activité à temps partiel en milieu protégé et une activité salariée à temps partiel, à leur ouvrir de nouveaux droits individuels et collectifs et à faire bénéficier les travailleurs sortant d'ESAT d'un parcours renforcé en emploi ; - l'article 1er de la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, qui ouvre la possibilité aux ESAT de faire bénéficier leurs travailleurs d'une prime de partage de la valeur avec une exonération associée ; - l'article 14 de la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi dont l'objectif est de permettre aux 120 000 travailleurs handicapés accompagnés par environ 1 400 ESAT de bénéficier de l'essentiel des droits individuels et collectifs des salariés tout en restant usagers d'une structure médico-sociale et titulaires d'un contrat qui n'a pas la nature d'un contrat de travail et qui leur offre en réalité une protection renforcée puisque l'ESAT ne peut exercer de pouvoir disciplinaire à leur encontre ou les licencier. Le renvoi aux articles du code du travail permettra d'assurer une évolution parallèle des droits, sans qu'il soit besoin de repasser par un décret. Sur un strict plan juridique, ces dispositions s'inscrivent dans le cadre de l'application de la convention de l'Organisation des Nations unies sur les droits des personnes handicapées et contribuent également à la mise en œuvre du droit de l'Union européenne ainsi qu'à la prise en compte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur les personnes handicapées accueillies en ESAT. Les nouveaux droits reconnus aux travailleurs d'ESAT par l'article 14 précité de la loi du 18 décembre 2023 couvrent un large champ : - l'inscription de « droits collectifs fondamentaux » dans le CASF : le droit syndical et le droit de grève, le droit d'alerte et de retrait ainsi que le droit d'expression directe et collective ; - le renforcement de l'association aux travaux du comité social et économique de l'ESAT de représentants de l'instance mixte usagers-salariés spécifique aux ESAT ; - la prise en charge des frais de transports domicile-travail ; - l'extension du bénéfice des titres-restaurant et des chèques-vacances ; - le bénéfice d'une complémentaire santé. Ces nouveaux droits sont en vigueur depuis le 1er janvier 2024, à l'exception de la prise en charge des frais de transport domicile-travail, du bénéfice des titres-restaurant et des chèques vacances, ainsi que de la complémentaire santé, dont l'entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2024. Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre de certains des droits prévus par l'article 14 devront être précisées par décret, en particulier pour ce qui concerne la participation de représentants de l'instance spécifique aux réunions du comité social et économique de l'établissement ou du service et la complémentaire santé. Le Gouvernement porte une attention particulière à ce que ces nouveaux droits ne mettent pas en difficulté les ESAT et leurs missions d'accompagnement. Il en évaluera à ce titre les impacts économiques dans la suite de la mission menée par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales sur les ESAT. Il est essentiel que les ESAT continuent de contribuer à l'autonomie et à l'inclusion sociale et professionnelle des travailleurs handicapés les plus éloignés de l'emploi, et de leur offrir des opportunités d'évolutions de parcours et de statut, via une employabilité et des compétences et qualifications accrues. Pour cela, ils doivent continuer à se transformer, dans la continuité des travaux engagés depuis plusieurs années. La modernisation de leur outil de production, les partenariats avec le milieu ordinaire, le développement d'activités pérennes, vont dans le sens à la fois d'un meilleur accompagnement des travailleurs et d'une plus grande adaptation des ESAT au tissu économique.

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