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Jean-Philippe Ardouin
Question N° 1564 au Ministère auprès du ministre de l’économie


Question soumise le 27 septembre 2022

M. Jean-Philippe Ardouin attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de la transition numérique et des télécommunications, sur la levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux. M. le député avait déjà interrogé le Gouvernement le 19 février 2019 sur la multiplication des dérives antisémites, xénophobes, homophobes et antirépublicaines sur les réseaux sociaux, principalement sous couvert d'anonymat. Les données détenues par les plateformes numériques pour retracer les comptes haineux ne suffisent pas à juguler cette problématique majeure qui risque de s'amplifier. On ne peut plus tolérer, en 2021, que des personnes soient la cible d'attaques violentes, organisées, groupées et régulières de la part de ces comptes sous pseudonymes. Parmi les nombreuses victimes de ces actes intolérables, trop de mineurs se suicident à la suite de ces campagnes de dénigrement numériques pour lesquelles on ne trouve pas les coupables. Malgré les règles juridiques spéciales liées aux conditions générales d'utilisation de ces plateformes privées, il est nécessaire que l'État impose des règles de connaissance des utilisateurs. Un mécanisme d'authentification des utilisateurs de réseaux sociaux pourrait être confié à l'Arcom afin d'enrayer cette tendance malheureuse, en exigeant une confirmation de compte avec sa carte d'identité. Il demande ainsi comment l'État pourrait aller plus loin, dans le respect de la Constitution et des normes fondamentales de l'État de droit, pour juguler ces dérives inacceptables en identifiant les utilisateurs de ces plateformes et en les obligeant à coopérer avec les autorités judiciaires locales lorsque ces pratiques illégales sont observées.

Réponse émise le 21 février 2023

Le Gouvernement français est pleinement mobilisé dans la lutte contre la haine et le harcèlement en ligne, que ce soit au niveau national avec des dispositions spécifiques à la haine en ligne dans la loi confortant les principes républicains, qu'au niveau européen avec l'adoption du Digital Services Act sous présidence française de l'Union européenne, qui va permettre de responsabiliser les plateformes en ligne à hauteur de leur rôle dans la diffusion des contenus illicites et préjudiciables. Concernant la levée de l'anonymat sur les réseaux sociaux, il s'agit tout d'abord de rappeler que l'anonymat en ligne n'existe pas. Si l'utilisation des plateformes peut reposer sur l'usage par les utilisateurs de pseudonymes et de coordonnées fournies sur une base déclarative, il est possible dans l'immense majorité des cas, pour les autorités publiques, de retrouver l'identité des auteurs d'infraction à partir de ses données de connexion. La question n'est donc pas tant celle de l'anonymat, qui supposerait que les plateformes n'ont aucune information sur l'utilisateur, mais du « pseudonymat ». Le cadre légal en vigueur en France permet déjà d'identifier les utilisateurs de ces plateformes. L'article 6 II de la loi n° 2004- 575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique impose, en effet, aux réseaux sociaux de conserver toutes données permettant d'identifier les auteurs des contenus diffusés sur leurs services, dont notamment l'adresse IP. Ainsi, l'autorité judiciaire peut requérir une transmission par les plateformes de ces données et, par exemple dans le cas de recueil de l'adresse IP, requérir des fournisseurs d'accès à Internet l'appariement entre une adresse IP et l'identité civile qui s'y rattache. Néanmoins, de telles mesures doivent être proportionnées au but poursuivi et ne peuvent consister en des mesures générales d'investigations. Par ailleurs, la piste d'une obligation ex ante d'authentification des utilisateurs de réseaux sociaux par la fourniture d'une carte d'identité, comme vous le proposez, ne paraît pas souhaitable. En premier lieu car, au-delà du risque d'atteinte aux libertés individuelles (liberté de communication sur Internet, démocratie, liberté d'expression, préservation de la vie privée etc.), un tel dispositif permettrait aux plateformes, déjà contestées pour leur gestion des données personnelles des utilisateurs, d'accroître la masse déjà considérable d'informations dont elles disposent, avec en outre de sérieux risques de dérive en termes de souveraineté numérique. Souhaitons-nous réellement donner aux réseaux sociaux la capacité de collecter parmi les seules données qu'ils ne peuvent pas avoir à ce stade ? En second lieu, car cette conservation des cartes d'identité serait également susceptible d'entraîner des fraudes massives, multipliant les cas d'usurpation d'identité. Aussi, le véritable point de blocage ne réside pas tant dans la levée du pseudonymat que dans le degré de coopération des réseaux sociaux et leur collaboration avec les autorités. En effet, certaines plateformes privées arguent de leur situation d'extranéité pour refuser la transmission directe des données aux services répressifs français. Cette problématique est traitée par le Gouvernement français au sein du Groupe de Contact Permanent, enceinte de coopération entre les services administratifs et judiciaires et les plateformes, ainsi que par une augmentation des moyens de la réponse judiciaire (création d'un dispositif de plainte en ligne, augmentation des moyens de Pharos, création d'un parquet spécialisé). La solution réside dès lors davantage dans le renforcement, amorcé par le Gouvernement, des moyens dont disposent la justice et la police pourleur permettre d'agir plus rapidement et efficacement contre les utilisateurs émetteurs de propos haineux, et ainsi mettre fin au sentiment d'impunité sur les réseaux sociaux.

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