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Katiana Levavasseur
Question N° 1895 au Ministère de l’intérieur


Question soumise le 4 octobre 2022

Mme Katiana Levavasseur attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la nécessité d'améliorer l'organisation du temps de travail des agents de la police nationale. Bien que toujours sur-sollicitée, la police nationale manque cruellement d'effectifs. À blâmer : des difficultés de recrutement, un manque de moyens certain, une hausse exponentielle de la délinquance et de la violence ou encore un mal-être de plus en plus profond. Mais, surtout, il faut rajouter à cette liste, déjà bien trop longue, la part non négligeable que prend l'administratif dans le travail des agents. Dans l'Eure, il a été fait part à Mme la députée que les tâches administratives et de gestion occupaient près de 40 % du temps de travail d'un policier. Là où, aujourd'hui, dans tous les départements de France, il y a une demande forte pour affecter davantage de policier sur le terrain, ces tâches bureaucratiques empêchent le déploiement des effectifs existants. Bien qu'un comité technique ministériel ait, en 2019, réorganisé le temps de travail des policiers, il n'a pas été constaté de réelles améliorations. Et fin 2021, la Cour des comptes, dans un rapport, faisait également le constat qu'en matière « de présence sur le terrain ou d'élucidation des faits de délinquance », il n'y avait pas eu de progrès significatif, voire que cela se détériorait, malgré le renfort de la police de la sécurité du quotidien. Il semblerait donc que les leviers d'action prévus ces dernières années, notamment sur « l'adaptation de l'organisation du temps de travail aux besoins opérationnels », ne semblent pas avoir donné de résultats concrets. Ainsi, elle lui demande si de nouvelles mesures sont aujourd'hui envisagées pour permettre aux policiers en poste de consacrer davantage de temps au terrain.

Réponse émise le 4 avril 2023

Le Ministère de l'Intérieur et des outre-mer s'est engagé dans une ambitieuse démarche de réduction des tâches administratives chronophages et des « missions périphériques » qui pèsent sur les forces de l'ordre et les détournent de leurs missions prioritaires. L'objectif est de dégager du potentiel opérationnel en permettant aux policiers et aux gendarmes de se recentrer sur le cœur de leurs missions, la voie publique et l'investigation, pour un meilleur service rendu à la population. Il s'agit aussi de redonner du sens au travail des policiers, qui attendent aussi beaucoup sur ce plan. Cette démarche s'est accélérée au cours du précédent quinquennat avec de nouvelles avancées dans l'allégement des « missions périphériques » : dématérialisation partielle des procurations électorales, extension des pouvoirs des agents de police municipale en matière d'ivresse publique et manifeste, externalisation de certaines missions de sécurisation des locaux du ministère incombant au service de la protection, développement du continuum de sécurité avec la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, etc. Les efforts se sont également poursuivis pour réduire le temps consacré aux actes de procédure, notamment grâce à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : extension continue depuis 2020 du dispositif de l'amende forfaitaire délictuelle, début du déploiement en 2020 de la procédure pénale numérique, etc. Cette politique a connu une nouvelle impulsion, désormais chiffrée et dotée d'une échéance claire, avec la décision, annoncée par le Président de la République au terme du « Beauvau de la sécurité » en septembre 2021, de doubler la présence des forces de l'ordre sur le terrain d'ici à 2030. Cet objectif figure expressément dans le rapport annexé à la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, largement adoptée par le Parlement. Le temps sur la voie publique sera la règle et le temps au commissariat ou à la brigade de gendarmerie l'exception. La réalisation de cet objectif, qui répond à une attente forte de la population, passe par l'activation de différents leviers complémentaires : recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires ; montée en puissance de la réserve opérationnelle de la police nationale, créée par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, pour atteindre 30 000 réservistes ; suppression des « tâches indues » ; simplification drastique de la procédure pénale, etc. La simplification et la modernisation des procédures et des modes d'action y contribueront aussi : tel est le sens de la montée en puissance de la procédure pénale numérique et de la poursuite de la transformation numérique de la police nationale (outils de travail en mobilité, moyens d'investigation modernisés, mise en place de la plainte en ligne, futur service de prise de plainte par visioconférence). Le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale, conclu le 2 mars 2022 par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer avec l'ensemble des organisations représentatives de la police nationale, comporte diverses mesures qui vont permettre une optimisation de la présence sur le terrain : réforme des cycles horaires, nouvelle répartition hiérarchique des gradés et gardiens, nouvelles règles d'affectation des policiers pour positionner plus facilement les agents dans les secteurs où sont les besoins, etc. Le recours accru aux personnels administratifs pour exercer des fonctions non opérationnelles va également s'accélérer, et s'étendre par exemple au contrôle aux frontières. Le protocole prévoit en effet 2 500 substitutions au minimum de personnels actifs par des personnels administratifs, techniques et scientifiques au cours de la période 2023-2027. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer va également se traduire par d'importantes avancées. En premier lieu, elle acte l'objectif de suppression définitive des « tâches indues », avec notamment la nécessité de mettre fin aux gardes de détenus hospitalisés ou aux missions de police des audiences. Plusieurs chantiers sont déjà en cours : objectif de dématérialisation totale des procurations électorales, externalisation de certaines missions de soutien et de gestion dans les centres de rétention administrative, etc. La reprise des missions d'extractions judiciaires par le ministère de la Justice va désormais totalement aboutir : il a en effet été décidé en décembre 2022 la reprise intégrale et définitive de ces missions par le ministère de la Justice au premier semestre 2024. En second lieu, cette loi va se traduire par un allégement et une simplification de la procédure. Elle crée en particulier des « assistants d'enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale ». Afin de décharger les enquêteurs de tâches formelles et d'améliorer la qualité des enquêtes face à la complexification croissante de la procédure pénale, ces nouveaux « assistants d'enquête » (plus de 7 000 sous 10 ans), auxquels seront délégués certaines diligences et des actes de pur formalisme procédural, permettront aux enquêteurs de se concentrer sur leurs missions d'investigation. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer comporte ou prévoit également diverses dispositions de simplification de la procédure (simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle pour certains actes d'enquête, extension des autorisations générales de réquisitions, suppression de la procédure de réquisition des services de police technique et scientifique par les services de la police nationale, présomption d'habilitation des agents à accéder aux fichiers de police, etc.). Elle permet également un nouvel élargissement du champ des amendes forfaitaires délictuelles. Cet effort sera amplifié par le plan d'action pour la justice présenté en janvier 2022 par le garde des Sceaux au terme des « états généraux de la justice », lancés en octobre 2021, et qui prévoit une refonte, à droit constant, du Code de procédure pénale, devenu au fil des années illisible et inadapté.

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