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Adrien Quatennens
Question N° 2131 au Ministère de la santé


Question soumise le 11 octobre 2022

M. Adrien Quatennens attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les difficultés d'accès à l'indemnisation pour les victimes de la Dépakine. Depuis plusieurs années, les témoignages se multiplient. Démarches jugées insurmontables, dossiers de centaines de pages, pièces médicales datant de plusieurs décennies et délai de traitement extrêmement long (jusqu'à 32 mois) : de nombreuses victimes de la Dépakine n'ont toujours pas pu accéder à l'indemnisation à laquelle ils ont droit. En 5 ans, seuls 850 dossiers ont été déposés auprès de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux. Selon l'Agence nationale du médicament, ce sont pourtant 4 100 nourrissons qui ont souffert de malformations après une exposition in utero et un total de 31 000 enfants qui souffrent de troubles neurologiques. Les difficultés sont telles qu'un rapport sénatorial publié le 3 octobre 2022 montre que, bien loin des 78 millions d'euros annuels prévus, le montant total d'indemnisation n'a jamais dépassé 17 millions d'euros par an. Il l'interroge sur les mesures qu'il entend prendre pour faciliter l'accès à l'indemnisation pour les victimes de la Dépakine.

Réponse émise le 6 juin 2023

L'article 150 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et le décret modifié n° 2017-810 du 7 mai 2017 relatif à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés ont créé un dispositif d'indemnisation amiable et gratuit afin de permettre aux victimes de la Dépakine d'être indemnisées par l'Etat. Ces dispositions ont été intégrées dans le code de la santé publique (articles L. 1142-24-9 et suivants et R.1142-63-18 et suivants) et sont entrées en vigueur le 1er juillet 2017. Les dossiers peuvent sembler particulièrement complexes à constituer pour les demandeurs. Toutefois, les pièces exigées sont incontestablement nécessaires au collège d'experts pour que l'indemnisation susceptible de leur être proposée soit la plus sincère et équitable possible. La liste précise des pièces demandées est fixée par l'arrêté du 19 juin 2017 relatif au formulaire de demande d'indemnisation des préjudices imputables au valproate de sodium ou à l'un de ses dérivés, modifié par l'arrêté du 24 juillet 2020. Des supports à l'attention des demandeurs ont été établis par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), afin de les accompagner lors du dépôt de leur dossier. Ainsi, une fiche d'information relative au droit à l'indemnisation, ainsi que des documents annexes listant les pièces nécessaires à la recevabilité d'un dossier de demande et celles utiles à l'instruction de celle-ci par le collège d'experts sont mises à disposition des demandeurs sur le site de l'établissement (https://www.oniam.fr/documents-utiles). S'agissant des délais de traitement des demandes d'indemnisation, il convient de rappeler que le législateur avait initialement prévu deux instances chargées d'examiner les demandes des victimes, à savoir un collège d'experts et un comité d'indemnisation. La coexistence de ces deux organes adossés à l'ONIAM constituait un mode opératoire trop lourd et ralentissait le traitement des demandes des victimes, traitement également freiné par la complexité inédite des questions médicales et juridiques soulevées. L'article 266 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 et le décret n° 2020-564 du 13 mai 2020 relatif à l'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés sont venus modifier les modalités d'indemnisation, afin de simplifier et d'améliorer la visibilité de la procédure d'indemnisation amiable des victimes du valproate de sodium. Cette évolution législative majeure s'est principalement traduite par la mise en place d'un collège d'experts unique et indépendant. Toutefois, malgré ces évolutions législatives et réglementaires, et même si le rythme d'examen des dossiers s'est considérablement accéléré, le délai d'instruction fixé par la loi à six mois n'est aujourd'hui pas encore totalement respecté. En effet, le collège d'experts ainsi créé a dû reprendre l'instruction d'un important stock de dossiers hérité des deux instances préexistantes. Par ailleurs, les dossiers soumis au collège d'experts sont souvent complexes non seulement du point de vue médical mais également juridique, ce qui interdit la mise en place d'une doctrine unique d'examen et justifie dès lors un temps d'étude incompressible. Cet ensemble de facteurs de variabilité complique la mise en place de grilles d'analyse et de lecture nécessaires à la doctrine médicale et juridique du collège d'experts. Néanmoins, le bilan des évolutions législatives de 2020 fait apparaître que les modifications intervenues ont permis de simplifier le dispositif en fusionnant les instances, de le rendre plus lisible pour les demandeurs et de renforcer le respect du contradictoire au cours de la procédure devant le collège d'experts. Ce dispositif unique est favorable aux victimes et devrait permettre à moyen terme de résorber les retards d'instruction constatés. Les autorités de tutelle sont particulièrement attentives à ce que ce dispositif fonctionne dans les meilleures conditions afin de faciliter l'indemnisation des victimes du valproate de sodium et de ses dérivés. Enfin, s'agissant de l'écart constaté entre le nombre de dossiers reçus par les services de l'ONIAM et les données épidémiologiques existantes sur les victimes du valproate de sodium, celui-ci peut s'expliquer par divers facteurs. En premier lieu, la gravité des préjudices liés à la prise de Dépakine pendant la grossesse peut être très variable selon les victimes et ne justifie pas qu'ils s'engagent dans une telle démarche. En second lieu, certaines victimes et leurs familles n'ont pas eu accès aux informations utiles sur les dispositifs existants. En troisième lieu, certaines familles renoncent à faire valoir leurs droits en raison d'une appréhension à se livrer à une expertise approfondie pour reconnaître un déficit fonctionnel, une situation d'handicap liée à des malformations et des troubles du développement. Enfin, ainsi que cela a été souligné dans le rapport d'information n° 904 (2021-2022) de Monsieur le sénateur Christian KLINGER, déposé le 28 septembre 2022, sur le dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine, les délais importants constatés pour indemniser les victimes lors de la mise en place de ce dispositif ont également pu décourager certaines victimes de déposer une demande indemnitaire. Pour y remédier, le ministère chargé de la santé a mis en œuvre, au cours de ces dernières années, un plan de communication nationale auprès des patientes et des médecins prescripteurs. Ces campagnes de communication, conformément aux recommandations du rapport précité, devraient se renforcer dans les prochains mois. Le site internet de l'ONIAM doit prochainement être amélioré pour faciliter la recherche d'informations claires et lisibles pour les victimes y compris lorsqu'elles sont en situation de handicap. L'ONIAM a également pour objectif de développer, en lien avec les professionnels de santé et les établissements de santé, des actions de sensibilisation et de communication pour qu'ils puissent communiquer sur ces dispositifs auprès de leurs patients.

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