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Marie Pochon
Question N° 2237 au Ministère auprès du ministre de la santé


Question soumise le 18 octobre 2022

Mme Marie Pochon alerte M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la question du changement de statut réglementaire pour les eaux de surface et souterraines. En 2021, Le Monde révélait, selon des chiffres compilés auprès des agences régionales de santé (ARS), que près de 20 % des Français, soit environ 12 millions de personnes, ont été exposés, « régulièrement ou épisodiquement », à « une eau non conforme aux critères de qualité », alors que ce chiffre était selon le ministère de la santé de 5,9 % en 2020. L'une des principales causes de la pollution de l'eau est la présence de substances chimiques et notamment de résidus de pesticides utilisés dans l'agriculture conventionnelle en quantité supérieure à la normale qui dégradent l'eau. Le 30 septembre 2022, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a rendu public deux rapports reconsidérant le statut réglementaire de l'ESA-métolachlore et du NOA-métolachlore ; les métabolites de ces désherbants de printemps étant omniprésents dans l'eau. Alors qu'ils étaient jusqu'alors considérés comme « pertinents » pour la santé humaine et donc potentiellement dangereux par l'ANSES, ils sont désormais qualifiés de « non pertinents ». La conséquence : des millions de foyers ne seront plus considérés comme ayant été exposés à une eau non conforme aux critère de qualité. Selon l'association Générations futures, qui dénonce un « tour de passe-passe », « 97 % des eaux distribuées déclarées non conformes suite à un dépassement de la valeur de qualité pour l'ESA-métolachlore pourraient redevenir « conformes ». Mais alors pourquoi ce changement ? Syngenta, producteurs de pesticides, a fourni de nouvelles données à l'ANSES pour indiquer qu'ils ne trouvaient plus de génotoxicité aux deux métabolites. Toutefois, premièrement, dans les nouvelles études soumises par l'industriel, les doses maximales d'exposition des animaux de laboratoires ont été divisées par plus de deux, par rapport aux études précédentes ; deuxièmement, le seul examen de la génotoxicité, effectué par l'industriel, pour évaluer le danger de ces substances est critiqué par de nombreux chercheurs. Enfin, la partialité de ces études pose questions. En effet, « Ce sont les producteurs de pesticides qui fournissent des nouvelles données pour invalider le fait que leur molécule soit dangereuse » comme cela était souligné par Mickaël Derangeon, vice-président d'Atlantic'Eau. Alors que l'Agence européenne des produits chimiques évalue actuellement les propriétés de perturbateur endocrinien de ce produit, des données complémentaires ayant été exigées de son fabricant, il ne semble pas opportun de modifier la catégorisation de la pertinence de ces métabolites. Le risque étant que ces métabolites rejoignent de nouveau la classification de pertinents pour la santé d'ici quelques mois, mais entre-temps des millions de personnes vivront avec l'idée que consommer l'eau de leur robinet dans les zones définies n'emporte aucune conséquence. Or boire une eau polluée pose des enjeux majeurs de santé publique. Aussi, elle aimerait connaître la position de son ministère sur la seule prise en compte, dans les rapports de l'ANSES, des évaluations fournies par les industries parties prenantes en matière de santé publique et les solutions qui vont être proposées par le Gouvernement pour apporter des solutions efficientes au problème.

Réponse émise le 28 mars 2023

Afin de mesurer et de contribuer à limiter l'exposition de la population aux pesticides et à leurs métabolites, les Agences régionales de santé (ARS) sont chargées de suivre la teneur en pesticides et métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) dans le cadre du contrôle sanitaire et d'apporter leur expertise aux préfets dans la prévention et la gestion des risques sanitaires. Au-delà des règles de gestion sanitaire fixées aux niveaux législatif et réglementaire dans le code de la santé publique, les ARS peuvent s'appuyer sur les consignes de gestion diffusées par la direction générale de la santé (DGS) dans l'instruction du 18 décembre 2020 modifiée relative à la gestion des risques sanitaires en cas de présence de pesticides et métabolites de pesticides dans les eaux destinées à la consommation humaine. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a publié le 30 septembre 2022 deux avis relatifs à la réévaluation du classement de la pertinence des métabolites ESA et NOA du S Métolachlore dans les EDCH et conclut, à la lumière de nouvelles données, que ces deux métabolites sont dorénavant considérés comme « non pertinents » dans les EDCH. La notion de pertinence dans les EDCH existe dans les réglementations européenne et nationale relatives aux EDCH depuis de nombreuses années. A la suite d'une demande de la DGS, l'ANSES a donné en 2019 la définition suivante : « Un métabolite de pesticides est jugé pertinent pour les EDCH s'il y a lieu de considérer qu'il pourrait engendrer (lui-même ou ses produits de transformation) un risque sanitaire inacceptable pour le consommateur ». En outre, l'ANSES a établi des critères permettant d'évaluer la pertinence des métabolites de pesticides dans les EDCH tenant compte du risque sanitaire pour le consommateur, au regard de l'activité « pesticide » vis à vis des plantes et organismes nuisibles, du potentiel génotoxique du métabolite et d'éléments décisionnels complémentaires (données toxicologiques sur la reprotoxicité, la cancérogenèse et le caractère « perturbateur endocrinien » du métabolite, cas de la transformation d'un pesticide et/ou métabolite en un sous-produit de dégradation toxique au sein de la filière de traitement). Le classement d'un métabolite est mis en œuvre par l'ANSES sur la base des données disponibles (dossiers d'homologation, littérature scientifique, etc.). Les informations sont disponibles sur le site de l'ANSES : https://www.anses.fr/fr/content/surveillance-de-la-qualit%C3%A9-des-eaux-de-consommation-et-protection-de-la-sant%C3%A9-humaine-l En 2021, les métabolites ESA et NOA du S Métolachlore sont responsables de la non-conformité de plus de 900 unités de distribution desservant près de 4 millions d'habitants, soit près de 50 % de la population alimentée par une eau non conforme en pesticides (toutes molécules de pesticides confondues). Le changement de classement par l'ANSES pour ces deux métabolites a un impact majeur sur les modalités de gestion mises en place par les ARS. Les travaux de transposition de la directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des EDCH ont abouti en fin d'année 2022, avec notamment la publication du décret n° 2022 1720 du 29 décembre 2022 relatif à la sécurité sanitaire des EDCH qui a introduit dans le code de la santé publique la notion de valeur indicative (nouvel article R. 1321 3 1) et la modification de l'arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des EDCH qui fixe cette valeur indicative pour les métabolites de pesticides non pertinents à 0,9 µg/L. Les évaluations sanitaires se poursuivent au niveau européen, pouvant amener à faire évoluer, en lien avec de nouvelles connaissances scientifiques, le classement de la pertinence des métabolites de pesticides. Par ailleurs, les évaluations se sont également poursuivies au niveau national, l'ANSES ayant publié un nouvel avis du 20 janvier 2023 relatif à « la demande de réexamen des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques contenant du S métolachlore » https://www.anses.fr/fr/system/files/PHYTO2021AST0088.pdf. Ces travaux d'expertise s'inscrivent dans le cadre d'une saisine interministérielle (DGS, direction générale de l'alimentation, direction générale de la prévention des risques) du 17 mai 2021 qui faisait suite au signalement de contamination des eaux par les métabolites du S métolachlore établi par le ministère chargé de la santé sur la base des résultats du contrôle sanitaire assuré par les ARS dans les EDCH. L'ANSES a mené une expertise sur le risque de contamination des eaux souterraines par la substance herbicide S métolachlore et ses métabolites. Afin de préserver la qualité des ressources en eau, l'ANSES a engagé une procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques à base de S métolachlore.

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