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Géraldine Bannier
Question N° 3297 au Ministère de l’éducation nationale


Question soumise le 22 novembre 2022

Mme Géraldine Bannier attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur le suivi sanitaire des fonctionnaires de l'éducation nationale. En effet, hormis une visite en entrée de carrière, les fonctionnaires de l'éducation nationale ne bénéficient pas tous les cinq ans d'une visite médicale d'information et de prévention comme le prévoit pourtant le décret n° 82-453, actualisé en 2011. La propre expérience de Mme la députée, au sein de cette administration, témoigne de l'absence de visite quinquennale. Pourtant, le personnel de l'éducation nationale est sujet à des troubles physiques et psychiques spécifiques, identifiés depuis longtemps et qui, pour beaucoup, demeurent largement sous-évalués, faute de diagnostic posé. Une grande enquête effectuée par la MGEN en 1999-2000 - il y a bientôt 25 ans - avait déjà mis en lumière les principales pathologies dont souffraient les enseignants : Les enseignants « présentent (...) quelques particularités professionnelles : sur une année, rhino-pharyngites et laryngites sont déclarées par plus d'un enseignant sur quatre tandis que les autres catégories professionnelles les mentionnent dans un cas sur dix ». « Un tiers d'entre eux sont anxieux. » « Les enseignants disent redouter la fatigue (à plus de 60 %), le sentiment d'impuissance (à plus de 40 %). » « plus de 50 % des enseignantes, en collège et lycée, déclarent craindre les agressions verbales ; elles sont près de 40 % en école primaire. En outre, 20 % des femmes enseignantes craignent les agressions physiques, même à l'école primaire ». « Sur l'ensemble de leur vie, 22,6 % des enseignants déclarent une dépression pour 21,4 % des non-enseignants ». « Le stress débouche (..) sur de fréquentes maladies psychosomatiques : allergies, insomnies, ulcères et migraines sont plus fréquents que chez les non-enseignants et touchent particulièrement les femmes. Il est aussi des établissements scolaires plus éreintants que d'autres. Les antalgiques sont consommés plusieurs fois par semaine par 38 % des enseignantes des classes spécialisées contre 15 % de celles du supérieur ». « [L]a question des enseignants "en difficulté" relève encore, comme l'affirme un membre de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale, d'une "omerta organisée" ». Médecine du travail inexistante - et de fait déléguée à la MGEN -, connaissance sanitaire des personnels lacunaire, gestion des ressources humaines embryonnaire..., malgré quelques expériences académiques, beaucoup reste à faire en matière de prévention et de traitement des pathologies rencontrées par les enseignants. « Les gens restent en difficulté dans leur établissement, parfois plusieurs années : on récupère, souvent trop tard, des personnes abîmées. » « L'institution, insiste M. Percq, ancien responsable du Réseau d'aide aux personnels de l'éducation nationale, doit admettre qu'on ne peut exercer un tel métier de communication et de représentation pendant quarante ans. Ce n'est ni possible ni raisonnable. » Telle était la situation décrite il y a déjà plus de 20 ans. Or, depuis, la situation, non seulement ne s'est pas améliorée, mais encore elle s'est détériorée. Aux traditionnels troubles musculo-squelettiques et algodystrophiques divers sont venus s'ajouter des troubles anxieux et une appréhension plus grande face à des menaces verbales ou physiques voire à des passages à l'acte de la part d'élèves ou de parents d'élèves. Le rôle souvent délétère des réseaux sociaux n'est, au passage, plus à démontrer quand il s'agit de « lyncher » un enseignant. Les mêmes craintes agitent du reste le personnel de direction ainsi que d'autres fonctionnaires ou contractuels agissant au sein des établissements scolaires. Le personnel de l'éducation nationale remplit ainsi sa mission dans une situation de stress quasi-permanent avec des responsabilités de plus en plus lourdes, ce qui a pour conséquence une augmentation avérée des cas deburn-out. Or ce personnel doit être en capacité de dispenser un cours ou d'exercer des fonctions de responsabilité dans de bonnes conditions, rassurantes pour les parents d'élèves. Comment cela peut-il être possible avec seulement 84 médecins de prévention référencés en 2014 pour un million de personnes et pas moins de six académies sans aucun médecin de prévention ? Devant cette situation et après avoir déjà interrogé son prédécesseur à ce sujet en 2017, elle lui demande quels moyens matériels, financiers et humains le ministère de l'éducation nationale entend mettre en œuvre pour assurer, comme il se doit, le suivi médical du personnel de son ministère et, notamment, s'il est enfin envisagé que le ministère se conforme aux dispositions du décret n° 82-453 prévoyant expressément une visite médicale tous les cinq ans.

Réponse émise le 10 janvier 2023

Le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse est très attentif à la situation de santé de ses personnels. Il ne dissimule aucune des difficultés rencontrées et soumet chaque année au comité ministériel d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail un bilan de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, ainsi qu'un rapport d'activité de la médecine de prévention. Dans le cadre de l'observatoire du bien-être et des rémunérations, la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance a réalisé en 2022, en s'appuyant sur un laboratoire de recherche, un baromètre dont les résultats ont été rendus publics. Ces constats orientent la politique ministérielle de prévention et de protection des personnels, qui se base sur une organisation académique. Chaque académie dispose en particulier d'un "carré régalien", chargé de traiter toute situation de violence, de harcèlement, de radicalisation ou d'atteinte aux valeurs républicaines. Les recteurs et rectrices sont invités, dans le cadre des orientations stratégiques ministérielles de prévention, à recruter des professionnels de santé au travail, organiser le service de médecine de prévention en équipe pluridisciplinaire dotée d'un projet de service annuel, faciliter l'exercice professionnel des membres de ce service et développer, autant que possible, une animation de ces services à l'échelle de la région académique. Le nombre de médecins de prévention n'est certes pas satisfaisant ; c'est pourquoi, avec l'appui du ministère de la transformation et de la fonction publique et du ministère des comptes publics, leur salaire a été substantiellement revalorisé en fin d'année 2021, afin de limiter la concurrence des services interentreprises ou des autres fonctions publiques. L'administration centrale accompagne également les académies dépourvues de médecin du travail dans leur contractualisation avec les services mutualisés ou interentreprises de médecine du travail. Pour autant, la pyramide des âges est avancée pour l'ensemble des médecins du travail qualifiés par le Conseil de l'Ordre dans tout le pays. Les académies sont par conséquent également invitées à recruter, en complément des médecins du travail, des internes ou des collaborateurs médecins du travail en activité, des infirmiers formés en santé au travail, ainsi que des psychologues du travail. Les personnels infirmiers pourront réaliser les visites quinquennales d'information et de prévention, ainsi que les visites à la demande des personnels, qui représentent aujourd'hui l'essentiel de l'activité. Comme les psychologues, ils pourront également effectuer des actions de prévention en milieu de travail, dans le cadre des structures académiques de prévention préconisées par le ministère. La prévention des violences, discriminations, harcèlement et agissements sexistes constitue une priorité d'action, conformément au plan d'action ministériel pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, de même que les risques liés à l'épidémie de SARS-CoV2, l'amélioration de la qualité du bâti scolaire, la protection contre l'exposition à l'amiante, ou les risques liés aux activités physiques et sportives comme à l'éducation physique. De plus, les actions pour la préservation de la santé mentale sont encouragées, afin de conforter la sécurité des personnels au travail et de prévenir leur usure professionnelle. Dans le cadre de son partenariat avec le ministère, la MGEN propose des actions concertées de prévention collectives et individuelles des risques psychosociaux. Conformément au plan santé mentale décidé par le Président de la République, les académies sont invitées à mettre en oeuvre des actions de sensibilisation et de formation au secourisme en santé mentale. Enfin, dans le cadre de leur feuille de route pour les ressources humaines, le ministère a demandé aux recteurs et rectrices de déployer des démarches de qualité de vie et des conditions de travail, permettant le croisement des approches de prévention, de santé, de handicap et de gestion des ressources humaines, favorisant la participation et l'expression des personnels dans le cadre du dialogue professionnel ou d'échanges de pratiques, associant les instances de dialogue social et promouvant les expérimentations au plus près des territoires et des situations de travail.

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