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Christophe Barthès
Question N° 3507 au Ministère de la santé


Question soumise le 29 novembre 2022

M. Christophe Barthès interroge M. le ministre de la santé et de la prévention sur une question de santé publique particulièrement sensible, frappant exclusivement des femmes, mais dont le Gouvernement, sous cette législature comme sous la précédente, ne semble faire aucun cas. Comme M. le ministre le sait, en France, de 2002 à 2017, quelque 200 000 femmes ont été implantées à vie d'un dispositif médical de stérilisation à visée contraceptive, dénommé Essure. Plusieurs milliers de femmes, ont déclaré une symptomatologie variée, invalidante et très douloureuse, s'installant à bas bruit, frappant notamment les sphères gynécologiques, articulaires et cognitives. Pour plus de 30 000 d'entre elles, des indications de retraits ont été médicalement posées. Il s'agit par là de désigner pudiquement l'obligation dans laquelle elles se sont trouvées, pour se débarrasser de ces dispositifs, de subir une ablation d'organes. Selon des chiffres arrêtés en 2018, 51 femmes sont décédées de ces interventions. Si l'ANSM a semblé un temps se préoccuper du sujet en missionnant un groupe de scientifiques, force est de constater non seulement qu'aucune action n'a en réalité été sérieusement entreprise depuis mais que, au surplus, tout se passe comme s'il s'agissait d'étouffer les cris de détresse de ces victimes. En effet, si la faiblesse des études scientifiques d'alors devaient conduire ces scientifiques à ne pas remettre en cause le rapport entre les risques et les bénéfices, ils rappelaient que la double constatation de l'apparition des symptômes après implantation et leur disparition ou régression après explantation était un élément de poids en faveur de leur rôle étiologique dans la survenue de ces graves troubles. Pire, ces mêmes scientifiques constataient que les études fournies par l'industriel n'étaient pas fiables et que les éléments du dossier démontraient la corrosion du dispositif dans le corps des femmes. C'est pourquoi ils recommandaient à l'agence de mener des études macroscopiques et microscopiques complémentaires. Encore plus inquiétant, une récente enquête journalistique a révélé qu'une étude issue de l'École des mines avait informé l'ANSM dès 2016 de la dégradation du dispositif dans le corps des femmes et du caractère particulièrement nocif des métaux concernés par le relargage. L'ANSM a étouffé cette information majeure. Les études recommandées n'ont jamais été conduites par l'agence nationale. Ce sont des victimes qui, prenant sur leurs propres deniers, les ont entreprises pour leur cas particulier. Leurs conclusions, que M. le ministre connaît parce que son prédécesseur en a été rendu personnellement destinataire, est que les implants se corrodent dans leurs corps et que, s'y détériorant, ils y relarguent des métaux lourds. D'autres études, un peu plus larges, ont démontré que ces mêmes métaux lourds étaient retrouvés dans leur liquide péritonéal. Une étude à paraître, réalisée toujours sur initiatives privées, démontre, sur des cohortes de patientes statistiquement plus conséquentes, la présence, dans leurs phanères, d'un cocktail de métaux lourds issus desdits implants. D'autres publications font le lien entre le dispositif et la fibromyalgie ou avec le syndrome ASIA. L'amélioration de l'état de santé de ces victimes après explantation a également été documentée. À ce jour, ces femmes ne font toujours pas l'objet d'une prise en charge médicale adaptée. La majorité n'est pas informée de la cause des maux qui les frappent. Les professionnels de santé eux-mêmes sont peu informés et formés à la prise en charge de ces patientes, dont les pathologies impliquent plusieurs spécialités. Beaucoup de victimes évoquent une errance médicale surajoutant à leurs douleurs. Pourtant, des actions simples auraient pu être immédiatement entreprises par le Gouvernement, qu'il est encore temps et même urgent d'entreprendre. Aussi bien, les questions que M. le député pose sont simples : M. le ministre compte-t-il enfin mener une campagne d'information nationale au profit de ces femmes victimes ? Compte-t-il informer les professionnels de santé de cette situation et créer des parcours dédiés à la prise en charge médicale de ces victimes ? Compte-t-il exiger de l'Agence nationale de sécurité du médicament qu'elle fournisse des explications quant à l'occultation de l'étude de l'École des mines ? Enfin, M. le député demande à M. le ministre s'il compte enjoindre à l'ANSM d'entreprendre enfin les études que son propre comité scientifique lui recommandait il y a plus de 5 ans. Il souhaite connaître les réponses circonstanciées qu'il pourra apporter à ces questions précises.

Réponse émise le 3 octobre 2023

Un comité de suivi des femmes porteuses du dispositif ESSURE a été mis en place par le ministère chargé de la santé en octobre 2017. Le ministère, en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute autorité de santé (HAS), le Collège national des gynécologues et obstétriciens Français (CNGOF) et les associations de patientes, a ainsi défini un plan d'action pour garantir la sécurité des conditions de retrait du dispositif lorsque cela est nécessaire, et pour assurer une information complète des femmes concernées. Le comité de suivi s'est réuni à 5 reprises depuis 2017. La mise en œuvre des différentes mesures du plan d'action a fait l'objet d'une présentation par les différents pilotes lors du comité de suivi du 25 janvier 2022, regroupant l'ensemble des acteurs concernés. L'arrêté du 14 décembre 2018 limite la pratique de l'acte d'explantation de dispositifs pour stérilisation tubaire à certains établissements de santé. Cet arrêté prévoit notamment que l'explantation du dispositif soit réalisée conformément au protocole établi par le CNGOF. Le suivi des patientes comporte un contrôle du retrait de la totalité de l'implant en post-opératoire, contrôle anatomo-pathologique de la pièce opératoire, consultation de suivi post-opératoire et recueil exhaustif des informations relatives à l'explantation. Une communication large a été menée auprès des professionnels de santé : information des Collèges nationaux professionnels, information de l'ensemble des professionnels via la newsletter de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) avec un lien vers les différents documents élaborés (protocole de retrait, protocole de suivi et documents d'information patientes), communication du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) vers l'ensemble des professionnels via le bulletin de l'Ordre, communication vers le Collège National Professionnel des sages-femmes et des infirmiers et le Collège de masso-kinésithérapie. En outre, deux documents d'information ont été mis à la disposition des femmes victimes du dispositif ESSURE. Ces documents, élaborés en collaboration avec l'association de patientes RESIST et le CNGOF ont été conçus pour répondre aux questions que les femmes peuvent se poser au sujet du dispositif ESSURE et de son retrait. Ils constituent ainsi une aide à la prise de décision pour la patiente notamment si un retrait du dispositif est envisagé. Ces deux documents sont disponibles sur le site du ministère de la santé et de la prévention, des associations de patientes et du CNGOF. Les documents d'information ont également fait l'objet d'une transmission auprès de plusieurs Conseil nationaux professionnels (CNP), du CNOM et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP). Par ailleurs, afin d'améliorer le suivi des patients concernées, un registre de suivi des explantations, élaboré par le CNGOF a été mis en place depuis le 1er avril 2023 sur la plateforme de la Fédération des spécialités médicales, en lien avec le CNP de gynécologie-obstétrique. Ce registre permet d'une part de collecter les données individuelles des femmes (après anonymisation) relatives aux antécédents médicaux/chirurgicaux, aux effets secondaires présentés, aux modalités d'explantation, et d'autre part de suivre l'état de santé des femmes après explantation du dispositif. Un lien est établi avec le protocole d'explantation élaboré par le CNGOF. A l'occasion de son lancement, une nouvelle campagne de communication auprès de l'ensemble des professionnels de santé concernés a été renouvelée : Collèges, Syndicats et sociétés savantes de gynécologie obstétrique et médicale, Collège de médecine générale et CNOM ainsi que le CNP et l'Ordre des sages-femmes. Les associations de patientes ont également été informées de ce lancement pour une diffusion la plus large. Enfin, le ministère de la santé et de la prévention assurera le financement de l'étude multicentrique prospective de l'amélioration des symptômes des femmes après ablation de l'implant contraceptif ESSURE (étude ABLES) pilotée par les Hospices civils de Lyon. Elle vise à explorer les hypothèses physiopathologiques pouvant expliquer la symptomatologie présentée par les femmes. Des dosages biologiques des principaux métaux constitutifs d'ESSURE, mais aussi l'évaluation des médiateurs de l'inflammation sont prévus au protocole. Cette étude explorera donc notamment l'hypothèse de la libération de métaux potentiellement toxiques qui pourraient être en lien avec la symptomatologie présentée par les femmes. L'étude devrait inclure une surveillance des femmes avec suivi des symptômes et de la qualité de vie. 10 centres hospitaliers universitaires investigateurs sont pressentis pour participer et permettre un maillage du territoire national. Le projet de protocole fait l'objet d'une relecture notamment par les associations de patientes, en vue de sa finalisation. Il est prévu que l'étude qu'elle démarre au premier trimestre 2024, à l'issue des autorisations préalables à toute investigation clinique.

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