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Julien Odoul
Question N° 3899 au Secrétariat d'état à l’écologie


Question soumise le 13 décembre 2022

M. Julien Odoul attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la détresse des apiculteurs français frappés par les destructions causées par les frelons asiatiques. À titre d'exemple, en Seine-et-Marne, seulement pour le mois d'octobre 2022, 120 ruches d'une exploitation ont été attaquées, soit plus de 50 % de leurs essaims. Les dégâts représentent dix mois de travail et les pertes sont estimées à 30 000 euros, un véritable calvaire pour ces apiculteurs. Malheureusement, le frelon asiatique touche l'ensemble du territoire national : de l'Yonne, aux Côtes-d'Armor en passant par la Haute-Marne, plusieurs départements alertent sur l'urgence de la situation. Depuis quelques années, le frelon asiatique est devenu un véritable fléau mais l'année 2022 a été réellement mortifère pour les abeilles en raison d'un mois d'octobre aux températures particulièrement clémentes. Les frelons asiatiques ont donc pu se reproduire en masse et sans fleurs à cette période de l'année, ils ont ciblé les colonies d'abeilles dans le but de récupérer leurs protéines. Dans bon nombre de territoires, les insectes prédateurs peuvent proliférer et chaque année amputer les ruches de manière effroyable. Non seulement ces frelons particulièrement agressifs prélèvent un grand nombre d'abeilles mais le traumatisme des attaques conduit les essaims à se retrancher avec pour conséquence l'affaiblissement de la colonie et l'effondrement de la production de miel. L'impact financier est considérable pour les apiculteurs qui assistent impuissants à l'extermination de leurs abeilles malgré l'utilisation de pièges. Ils sont dans l'obligation d'investir dans de nouvelles races de reines auprès d'autres apiculteurs ou d'augmenter le nombre de leurs ruches pour assurer leur rendement et éviter de mettre la clef sous la porte. Pour sauver la profession d'apiculteurs gravement menacée, il est nécessaire d'engager une politique de prévention et de sensibilisation afin que les promeneurs et les riverains puissent signaler rapidement à la période estivale la présence des nids de frelons. Aussi, le Gouvernement doit investir plus massivement dans la recherche pour lutter contre cet insecte qui déstabilise l'écosystème depuis son introduction en France en 2004. Enfin, des subventions supplémentaires doivent être accordées aux apiculteurs pour surmonter les pertes chaque année. M. le député souhaite que le ministère s'empare de cette problématique et mette tout en œuvre pour sauver la profession d'apiculteur déjà fragilisée par les ravages du parasite le varroa et les conséquences du dérèglement climatique. Il lui demande de lancer un grand plan « frelon asiatique » en donnant des moyens aux collectivités locales, communes et départements, pour détruire les nids et éradiquer progressivement cette espèce qui représente un danger écologique et économique.

Réponse émise le 17 janvier 2023

La lutte contre le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), espèce ayant connu une expansion rapide dès son introduction accidentelle en Aquitaine en 2004, est encadrée par un corpus législatif et réglementaire complet et détaillé ci-après. Le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation qui a été lancé conjointement par les ministères de la transition écologique et de l'agriculture en novembre 2021 est de nature à soutenir une bonne application des moyens de lutte (action 4.4.4 du plan, disponible ici : https://agriculture.gouv.fr/plan-national-en-faveur-des-insectes-pollinisateurs-et-de-la-pollinisation-2021-2026-DP). Depuis fin avril 2021, une seule réglementation concourt à la lutte contre cette espèce : celle portant sur les espèces exotiques envahissantes (EEE) pilotée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT). Celle portant sur les organismes de quarantaine, pilotée par le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA), a exclu le frelon asiatique au regard de la nouvelle législation européenne dite "loi de santé animale » (Cf ci-après). Concernant la réglementation spécifique sur les EEE, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a complété le code de l'environnement pour intégrer des dispositions législatives permettant d'agir contre les EEE (articles L. 411-5 et suivants). Au regard de l'intérêt de préservation du patrimoine biologique, des milieux naturels et des usages associés, l'article L.411-6 de du code de l'environnement interdit sur le territoire national, l'introduction, la détention, le transport, le colportage, l'utilisation, l'échange, la vente ou l'achat de tout spécimen vivant d'EEE, dont la liste est fixée par l'arrêté interministériel du 14 février 2018. Le frelon asiatique est inscrit sur cette liste. Les opérations de lutte sont définies à l'article L.411-8 du code de l'environnement. Ainsi, dès constat de la présence dans le milieu d'une EEE, le préfet de département peut « procéder ou faire procéder (…) à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction de spécimens » d'EEE. Un arrêté préfectoral précise alors les conditions de réalisation de ces opérations. Les préfets peuvent notamment ordonner la destruction de nids sur des propriétés privées. Le financement des opérations de lutte contre le frelon n'est pas pris en charge par l'État, au regard du degré très large d'envahissement du territoire métropolitain par l'espèce. La destruction des nids reste à la charge des particuliers et ses coûts peuvent être, le cas échéant, pris en charge en tout ou partie par des financements locaux émanant de collectivités territoriales Parallèlement, la direction générale de l'alimentation du MASA accompagne financièrement l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP – Institut de l'Abeille) et le pour leurs actions techniques et scientifiques relatives à l'identification et à la validation des outils de lutte contre le frelon asiatique. Les actions financées comportent deux volets : une méthode concernant le piégeage des fondatrices au printemps et le développement d'un protocole pour la destruction de nids par appâts empoisonnés. Le premier volet des travaux concernant le piégeage est arrivé à son terme et a montré que le nombre de nids du frelon asiatique décroît significativement lorsque la méthode est conduite durant plusieurs printemps successifs, avec un maillage spatial fin et régulier (plus de 200 pièges répartis de façon homogène sur environ 10 km2 autour d'un rucher à protéger). Un complément d'étude est envisagé sur 2023, afin d'approfondir les résultats. Le second volet vise à vérifier l'efficacité d'appâts empoisonnés et leurs impacts sur l'environnement. Dans le cas où la méthode se montrerait efficace, il reviendra à la filière et/ou à un industriel de réaliser les démarches d'obtention des autorisations « substances biocides », puis « produits ». Ce projet devrait également permettre de proposer une méthode alternative au fipronil (hautement toxique) utilisé sans autorisation pour lutter contre les frelons. Enfin, il est à noter que le frelon asiatique n'est pas réglementé par le ministère de la santé et des solidarités au titre des espèces nuisibles pour la santé humaine car il s'avère, au regard des données des centres anti-poisons, que l'espèce ne présente pas de danger supérieur par rapport d'autres hyménoptères (frelon européen, guêpes, etc). Si cette situation venait à changer du fait de l'extension de l'espèce, la question de sa réglementation serait à réexaminer.

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